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Emplois d'avenir : les premières victimes de l'effet d'aubaine

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Recrutés en fanfare à la CAF du Var, six jeunes ont été virés durant leur période d'essai. Motif : pas assez compétents. Un cas emblématique du détournement des contrats d'insertion subventionnés par l'Etat.

D'abord, le reportage de BFMTV :



Lire aussi l'article de RMC sur cette affaire, ainsi que la réaction de Michel Abhervé sur son blog.

Pour résumer, ces six jeunes — dont une avait démissionné d'un CDI afin de se rendre disponible pour cet emploi "d'avenir" vendu à grand renfort de marketing politique —, malgré des tests considérés comme probants et au bout de trois semaines de formation (alors qu'il faut plusieurs années pour maîtriser toute la réglementation des prestations de la CAF !), ont été jugés insuffisamment compétents à ces postes de téléconseillers, donc se sont fait jeter comme des kleenex. Mais pas de souci : six autres candidats, parmi la centaine de jeunes qui attendent à la porte, vont rapidement les remplacer...

La CAF du Var répond que les 6 licenciés avaient trop de lacunes dans le langage écrit et parfois parlé, mettant en cause le bas niveau des tests conçus avec Pôle Emploi, qu'il faudrait envisager de relever...

Pourtant, les emplois d'avenir sont réservés à des jeunes pas ou peu diplômés/qualifiés issus de "zones prioritaires" (donc défavorisées) et leur but est, justement, de leur donner une chance de «vivre une vraie première expérience professionnelle enrichissante et reconnue tout en [leur] donnant les moyens de se former», selon le laïus gouvernemental. Donc, contre un financement de l'Etat de 75% du salaire brut à hauteur du Smic (pour le secteur non marchand; dans le privé, c'est 35%), l'employeur s'engage à jouer un rôle de tremplin dans l'insertion professionnelle du jeune, qu'il doit accompagner dans sa progression. Ce «qui n’est pas une affaire de semaines, mais de mois et peut-être d’années», souligne avec bon sens Michel Abhervé.

Or ici, on voit bien que la CAF du Var n'avait aucunement l'intention de s'embarrasser avec des jeunes à insérer, encore moins de donner une chance à tous, et que le principe même de l'emploi d'avenir a été totalement occulté.

Pour ces "bouffeurs de prime" (c'est ainsi qu'à Pôle Emploi on appelle les employeurs, publics ou privés, toujours à l'affût de subventions ou aides publiques diverses — contrats aidés, EMTPR, AFPR, AFE… —, des exploiteurs qui profitent des effets d'aubaine sans en respecter les contreparties), il s'agit de bénéficier d'une main d'œuvre à bas coût et opérationnelle de suite, comme pour n'importe quel contrat de droit commun alors qu'à l'instar des contrats uniques d'insertion, les emplois d'avenir — qui, d'ailleurs, s'inscrivent dans le cadre juridique du CUI —, sont censés permettre à des personnes en grande difficulté sur le marché de l'emploi de s'insérer ou se réinsérer professionnellement.

L'esprit de ces contrats n'est généralement pas respecté. Il suffit d'éplucher les offres en CUI qui fleurissent à Pôle Emploi : contre un misérable Smic et sous la mention fallacieuse «débutant accepté», les employeurs exigent des niveaux de diplôme et d'expérience aussi élevés que pour des postes ordinaires. Sans compter que les CUI illégaux sont nombreux et que, dans 60% des cas, l'obligation de formation passe à la trappe.

On peut blâmer la CAF et tous ceux qui utilisent ces subterfuges (Pôle Emploi aussi) mais en amont, l'Etat a sa grande part de responsabilité. CUI ou emplois d'avenir, ces contrats sont sciemment mal ficelés, truffés de dérogations aussi défavorables à leurs signataires que propices aux abus des employeurs qui perçoivent les aides sans aucun contrôle (et quand l'employeur est fautif, c'est au salarié lésé de se débrouiller pour l'attaquer aux Prud'hommes). Tout ça pour maquiller les chiffres du chômage ?

La CAF, qui a déjà recours aux CUI de façon parfois cavalière, a agi pareillement avec ces emplois d'avenir, n'y voyant que l'aspect valorisant (c'est tellement charitable, de faire semblant de tendre la main à des petits jeunes devant les photographes) et, surtout, l'économie financière à réaliser sur sa masse salariale en période de crise.

Or, si la CAF du Var avait vraiment compris (ou voulu comprendre) le but originel de ces contrats, elle n'aurait pas balancé ces jeunes en première ligne à des postes de téléconseillers. Elle aurait commencé par les faire tourner à divers postes administratifs, où ils auraient progressivement assimilé le b-a-ba des prestations sociales et du fonctionnement de l'organisme. Ainsi n'auraient-ils pas été mis immédiatement en difficulté, au risque de nuire aux allocataires. Ainsi auraient-ils pu rester dans cette «grande famille» pompeusement évoquée par son directeur devant le préfet… et les médias.

En réalité, comme les autres CAF qui souffrent toutes de sous-effectif, celle du Var a besoin de téléconseillers expérimentés et opérationnels, capables de renseigner et servir correctement les usagers. Mais pour avoir du personnel compétent, il faut le former et le rémunérer à sa juste valeur. Ce qui n'est plus dans l'air du temps car les employeurs, intoxiqués par la litanie du "coût du travail" qu'il faut réduire à sa plus simple expression, sont de plus en plus assistés.

Nous plaignons sincèrement ces jeunes et ne pouvons que constater qu'en France, on ne leur accorde aucune place. Après, face à cette violence sociale (se faire jeter comme une merde et traiter d'incompétent, ça ravigote, hein ?), qu'on aille pas s'étonner de leur défiance.

SH


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