Conforme aux attentes des analystes et à l'estimation précoce annoncée vendredi dernier par l'Institut, ce chiffre compromet fortement l'objectif gouvernemental d'une croissance approchant les 2% sur l'ensemble de l'année : il vise désormais officiellement un "plafond" de croissance de 2%, alors qu'auparavant il espérait un taux compris entre 2 et 2,5%.
Au deuxième trimestre, les dépenses de consommation des ménages ont diminué de 0,3% (après une hausse de 0,8% sur les trois premiers mois de l'année), entamant de 0,2 point la croissance du PIB. L'investissement des entreprises a également accusé un recul de 0,4% alors qu'il avait progressé de 1,5% au premier trimestre, faisant reculer de 0,1 point l'évolution du PIB.
La croissance a aussi été freinée par la détérioration de la balance commerciale : les exportations sont reparties à la hausse, progressant de 1% après avoir reculé de 0,2% au premier trimestre, et le rythme des importations s'est accéléré avec une hausse de 1,3% contre +0,7% de janvier à mars. Au total, l'INSEE relève que le solde du commerce extérieur a pesé sur la croissance, entamant de 0,1 point la hausse du PIB.
En faisant abstraction de la hausse des stocks, "le PIB affiche un recul de 0,3%. L'activité hexagonale intrinsèque s'est donc repliée au deuxième trimestre", souligne Marc Touati, économiste de Natexis Banques Populaires. Les deux "piliers" habituels de la croissance, consommation des ménages et investissements des entreprises, "ont été défaillants", commente-t-il, ajoutant que le repli de 0,3% des dépenses des Français constitue "son plus mauvais résultat depuis le quatrième trimestre 1996".
Le ministre de l'Economie Thierry Breton, qui avait parlé de "trou d'air" à propos de la faible croissance du premier semestre, s'était dit mardi "nettement plus confiant pour le deuxième semestre". "Nous sentons clairement, en ce qui concerne par exemple la création d'entreprise, la production industrielle, le moral des entrepreneurs, que tous ces indicateurs sont en train de virer au vert", avait-il déclaré.
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Commentaires
Voilà des chiffres qui devraient alimenter le débat politique de la rentrée. En publiant hier son «enquête sur les investissements dans l’industrie de juillet 2005», l’INSEE ne peut faire autrement que de doucher le bel optimisme du gouvernement. Alors que la France a frôlé la récession au deuxième trimestre, le premier ministre estimait récemment que «le plus dur est derrière nous», reportant, comme à son habitude, les espoirs de reprise sur le second semestre. Mais, cette fois-ci, l’herbe est coupée court. Les chefs d’entreprise indiquent, d’après l’INSEE, qu’ils n’investiront pas ou très peu les prochains mois. À l’heure où le chômage de masse ne cesse d’augmenter, l’indication est importante puisque l’investissemen t productif est une base nécessaire à la création d’emplois et à la croissance.
L’INSEE indique poliment que les chefs d’entreprise «ont légèrement revu à la baisse leurs anticipations» d’investissemen t pour l’année 2005. Or, d’une année sur l’autre, les investissements effectivement réalisés sont souvent beaucoup moins importants que ce qui est anticipé initialement. En 2003, les entrepreneurs avaient prévu d’augmenter leurs investissements de 2% ; ils ont en réalité diminué de 6%. En 2004, l’anticipation était de + 6%, mais les investissements sont restés vissés à 0%. Si l’année 2005 suit la même trajectoire, que va devenir la hausse de 3% de l’investissemen t prévue en juillet dernier ? On pourrait assister, cette année, à un véritable désinvestisseme nt dans les filières industrielles en France. Plus précisément, ce sont les entreprises manufacturières de plus de 500 salariés qui revoient le plus à la baisse, d’une année sur l’autre, leurs investissements . Elles anticipent pour 2005 des investissements en hausse de 2%. Ce qui est déjà très faible comparé aux moyens financiers exorbitants dont disposent les plus grandes d’entre elles. En 2004, leur anticipation était de 4%, alors qu’en réalité leurs investissements ont chuté de 3%.
Pourquoi un tel désinvestisseme nt, alors que les bénéfices du premier semestre ont explosé : +122% pour Arcelor, +52% pour Renault, +104% pour Alcatel, etc ?
Une question se pose : où passe l’argent des grandes entreprises ?
Les statistiques sociales montrent qu’il ne va ni aux salaires ni à l’emploi. C’est en regardant la balance des paiements que l’on trouve une grande partie de la réponse. La «balance des paiements» de la France pour le premier semestre, publiée mardi, est très indicative. Sur les six premiers mois de l’année, les grandes entreprises françaises ont dépensé 26 milliards d’euros pour acheter des filiales à l’étranger. Les groupes utilisent leurs résultats financiers extravagants pour se relancer dans une course à la taille. L’effondrement boursier de 2001 n’a pas servi de leçon et le gouvernement encourage.
On comprend mieux alors à quoi vont servir les ordonnances de Dominique de Villepin. Le contrat «nouvelles embauches» (CNE) va servir à reporter plus facilement les coûts de production des groupes sur leurs réseaux de PME sous-traitantes, dans la mesure où ces dernières disposeront d’une main-d’oeuvre flexible à volonté.
Que reste-t-il de l’élan national du gouvernement ? Agitant le drapeau tricolore, Dominique de Villepin et ses troupes s’étaient dressés en «chevaliers blancs» lors de l’OPA (imaginaire et imaginée ?) du groupe Pepsico sur Danone. Appelant la classe politique à faire preuve d’un «élan patriotique» pour défendre l’économie hexagonale, le pouvoir exécutif français aurait fait oublier pour un peu que l’enjeu n’est pas de dresser les peuples les uns contre les autres, mais de changer la gestion des groupes et l’emprise des marchés financiers.
Sébastien Ganet pour l'Humanité. Répondre | Répondre avec citation |