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Accueil Social, économie et politique Travail gratuit des «assistés» : Le Fig’ soutient Wauquiez

Travail gratuit des «assistés» : Le Fig’ soutient Wauquiez

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Selon un sondage «représentatif» basé sur l'opinion de… 991 personnes, «70% des Français» approuveraient l'idée de faire travailler gratuitement les allocataires du RSA. Info, ou intox ?

L'opération de propagande se poursuit, masquant la scandaleuse réforme «de la fiscalité du patrimoine» qui assèche encore plus les finances de l'Etat en faveur des très riches, ou la non moins scandaleuse réforme constitutionnelle «relative à l'équilibre des finances publiques», visant à instaurer une austérité permanente au nom de la réduction des déficits et à nous faire perdre toute souveraineté au sein de l'UE.

Puisque Laurent Wauquiez dit «tout haut ce que beaucoup de Français pensent tout bas», touchant ainsi le degré zéro de la politique, Le Figaro (propriété de Serge Dassault, grand assisté en col blanc) a décidé d'en avoir le cœur net et de lui filer, par la même occasion, un petit coup de main idéologique...

Lire le résultat des courses ici, intitulé «Une majorité de Français pour une contrepartie au RSA».

Une «majorité» d'à peine 1.000 personnes

D'abord, on s'aperçoit que ce sondage Opinion Wayinstitut marqué à droite, souvent épinglé pour son coût et ses «trucages» — s'est basé sur les réponses d'un échantillon de 991 personnes «représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus». Franchement, c'est pas sérieux !

Dans le détail, malgré les diverses explications/démonstrations/débats diffusés un peu partout dans les médias et qui ont, à l'unanimité, révélé l'absurdité des propositions de Laurent Wauquiez :

• «65% des Français» persisteraient à penser qu'il faut plafonner «le cumul de tous les minima sociaux» à 75% du Smic,
• «67% des Français» persisteraient à penser qu'il faut imposer des contreparties aux "bénéficiaires" du RSA,
• «70% des Français» persisteraient à estimer que ces gens doivent consacrer, en contrepartie de leur allocation, 5 heures de «service social» gratuit par semaine au sein d'une collectivité ou d'une association.

Selon Opinion Way — qui, avec les 991 sondés de son échantillon, a réussi le tour de force de réunir un éventail d'individus de toutes sensibilités politiques et, surtout, osant les afficher… —, «c'est auprès des sympathisants de l'extrême droite que Laurent Wauquiez obtient ses meilleurs scores». Comme l'a dit le député de Seine-et-Marne Yves Jégo en rendant sa carte de l'UMP, «une forme de gangrène, de lepénisation est en train de gagner» le parti gouvernemental, CQFD.

Plafonner «le cumul de tous les minima sociaux» à 75% du Smic

D'abord, on le répète : les minimas sociaux ne se cumulent pas ! Poser la question en ces termes révèle la totale incompétence de ceux qui les emploient. De plus, les minimas sociaux ne sont pas attribués individuellement mais en fonction des revenus et de la composition du foyer, et leur octroi est sévèrement encadré : la première demande se présente sous la forme d'un questionnaire de 5 pages extrêmement intrusif; ensuite, chaque trimestre, les allocataires doivent retourner une déclaration de ressources (DTR) du même acabit => lire témoignage en commentaire.

Donc, au lieu de dire «le cumul de tous les minima sociaux», il faut dire : le cumul de toutes les aides sociales, minima compris. Quant à leur plafonnement à 75% du Smic, même les chiffres produits par Roselyne Bachelot montrent que les choses se passent déjà comme ça (d'ailleurs, en créant le RSA, Martin Hirsch a veillé au grain : par rapport au RMI, son RSA est une régression, certains droits connexes ayant été réduits ou n'étant plus accordés d'office). Tous les seuils d'attribution sont calculés pour ne pas dépasser ce taux !

Enfin, le RSA — tout comme l'était le RMI — est un revenu différentiel qui baisse quand les autres ressources croissent alors que pour les salariés au Smic, les allocations familiales, la prime pour l'emploi ou même le RSA "activité" s'ajoutent au revenu salarial.

Pour une fois, nombre de journalistes ont fait leur travail et, pour certains, tenté avec précision de démystifier ces clichés qui ont la vie dure. En vain ?

Imposer des contreparties aux allocataires du RSA

Elles existent ! Plus de la moitié de ces personnes sont suivies par Pôle Emploi (près de 690.000 à fin mars. Sauf que, comme pour tous les autres chômeurs, c'est l'emploi qui manque !), les autres par leur Conseil général via des «référents RSA» et divers travailleurs sociaux. Dans les deux cas, l'allocataire doit signer un contrat d'insertion à respecter sous peine de sanction, qu'il s'appelle PPAE — projet personnalisé d'accès à l'emploi —  ou CER — contrat d'engagements réciproques.

L'allocataire du RSA est régulièrement convoqué, obligé de se justifier, orienté vers des actions ou des ateliers, et fliqué. Mais, là aussi, son «parcours d'insertion» tourne à vide puisqu'il n'y a pas d'emplois pour le concrétiser ! Les abrutis qui se plaignent de cette absence d'«insertion» dans le RSA oublient que, depuis le RMI, le chômage de masse fait encore plus de ravages.

Instaurer 5 heures de «service social» gratuit par semaine

Mais s'il n'y a pas assez d'emplois pour tout le monde, il semblerait que ce soit le contraire pour le travail gratuit… quoique : pour fournir les 5 millions d'heures de travail hebdomadaires qui seront nécessaires, Laurent Wauquiez va-t-il les faire jaillir de sous les sabots d'un cheval ? Y aurait-il dans notre pays des quantités impressionnantes de besoins collectifs non satisfaits ?

Or, tout travail mérite salaire, et l'aide sociale n'en est pas un. Dans nos sociétés "civilisées", n'en déplaise à certains, l'esclavage a été aboli et le travail est réglementé. Pour qu'une personne s'engage à exécuter des tâches pour quelqu'un d'autre, il faut un contrat de travail. En échange de l'exécution de ces tâches, la personne qui fait travailler autrui (donc, l'employeur) s'engage à verser une rémunération à son employé. Les seuls cas où l'on peut faire travailler les gens gratuitement, c'est dans le milieu associatif où les bénévoles sont des volontaires, ainsi que dans le cadre domestique/familial où il n'y a aucune réglementation.

Or, l'Etat n'est ni association ni une famille, et l'aide sociale n'est ni un salaire, ni une rémunération. L'aide sociale, contrairement au salaire,
ne permet pas de cotiser à l'assurance chômage ou à la retraite. Les minimas sociaux sont un revenu minimum garanti qui assure un dernier filet de sécurité. L'aide sociale entre donc dans le cadre d'un engagement moral collectif visant à empêcher un maximum de gens de se retrouver à la rue (plus, accessoirement, à acheter la paix sociale). Et quand une société dite "civilisée", pourtant assise sur une «valeur travail» doublée de méritocratie fallacieuse, est totalement infichue de fournir un emploi digne de ce nom à tous, il en va de la responsabilité collective (non seulement celle de ses gouvernants mais de ceux qui les ont élus) : donc, l'aide sociale se justifie d'autant plus !

Si une personne en contraint une autre à effectuer des tâches gratuitement sans contrat, ceci est assimilable à du travail au noir et/ou à du travail forcé, ce qui, dans les deux, cas est interdit. De même, rendre le travail gratuit est strictement contraire au discours qui prétend le
«revaloriser» !

Enfin, outre le problème légal et moral, d'un point de vue économique, faire travailler gratuitement 5 heures par semaine des chômeurs de longue durée est totalement contre-productif : les salariés qui exécutent habituellement ces tâches sous contrat seront directement menacés et, au final, remplacés par cette main d'œuvre gratuite, véritable armée de réserve d'un dumping social exacerbé. Conclusion : ils devront à leur tour aller pointer au chômage, et on les fera à nouveau travailler — gratuitement — quand ils auront sombré à leur tour au RSA. Quelle absurdité !


Les «Français» sont-ils des veaux, ou les prend-on pour des cons ?

Telle est la question. Soit, malgré l'abondante information prodiguée autour de cette polémique, les «Français» sont des ânes bâtés qui n'en ont rien retenu du tout. Soit ce sondage du Figaro est un vulgaire outil de propagande, lancé tel une insulte à leur intelligence.

A vous de vous faire une opinion, même si, comme l'a démontré Pierre Bourdieu dès 1972, «l'opinion publique n'existe pas».

SH

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Mis à jour ( Mardi, 24 Mai 2011 03:30 )  

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