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Des chômeurs argentins inventent l'entreprise solidaire

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En Argentine, des ex-piqueteros (chômeurs contestataires) ont créé une coopérative à la fois rentable et équitable.

A l'ouest de la capitale argentine, la banlieue ouvrière de La Matanza (1,8 million d'habitants) est le berceau des piqueteros, ces chômeurs adeptes des blocages de routes, apparus lors des vagues de licenciements qui ont suivi les privatisations du milieu des années 90. Dans ce bastion du Parti justicialiste (péroniste), où le clientélisme fait office de politique sociale, un des mouvements sociaux parmi les plus radicaux a décidé d'inciter ses membres à se reconvertir dans les affaires, en imaginant des circuits économiques à la fois rentables et équitables.

Sous l'égide de Martin Churba, un des designers les plus en vogue à Buenos Aires, le MTD (Mouvement des travailleurs désoccupés) produit des tabliers chics au logo ironique «Le travail est à la mode», qui font fureur jusqu'au Japon. «C'est pas parce qu'on manifeste, qu'on coupe les routes et qu'on occupe des usines abandonnées qu'on n'est pas capables de travailler», remarque Toty Flores, responsable de la coopérative installée dans un bâtiment «récupéré». Le lieu héberge un atelier de couture et de sérigraphie, une boulangerie, un jardin d'enfants et un gîte qui accueille les étudiants étrangers intéressés par l'expérience. «En 2001, au plus fort de la crise, un puntero (1) nous a prêté des machines à coudre, raconte l'ancien métallo. Mais, au bout de quelques semaines, l'atelier a capoté. Personne ne nous avait appris à négocier le tissu, à vendre, à faire la comptabilité.» Bilan, le puntero a vite récupéré ses machines et, rappelle Toty Flores, «nous a traités d'incapables... Aujourd'hui, nous avons appris».

Abondance. La responsable de l'atelier d'une dizaine de couturières, payées environ 500 pesos (140 euros) par mois, l'assure : son principal problème est «d'administrer l'abondance des commandes après avoir si longtemps géré la misère». La coopérative s'est diversifiée et a multiplié le nombre de ses clients. Elle gagne de l'argent tout en revendiquant une approche sociale du travail à travers le «concept des trois prix». Le plus bas -­ le prix solidaire -­ est réservé aux habitants du quartier. Le deuxième, plus élevé, correspond au prix du marché. Le dernier, c'est le prix juste. Ces articles «équitables» sont vendus plus cher que le prix du marché. «Nous vérifions que le circuit de production est propre, éthique et responsable, précise Soledad Bordegaray, l'un des principaux organisateurs du MTD. Le coton est produit naturellement, aucun enfant ne participe à sa récolte, l'atelier de tissage n'emploie que des travailleurs déclarés.»

Pain pas cher. Une commande de 3.000 chemises au «prix juste» vient d'être passée par un industriel italien. «Les profits dégagés transitent vers notre coopérative et nous permettent d'investir dans de nouveaux projets, de soutenir notre jardin d'enfants et un cabinet médical», raconte Soledad Bordegaray. En offrant du pain 30% moins cher que ses concurrents, la boulangerie qui jouxte l'atelier de couture a ciblé les habitants appauvris par la crise. Quant à l'hébergement proposé aux chercheurs, stagiaires et étudiants étrangers, il est payable en dollars et offre une vue imprenable sur les rues de terre, les terrains vagues et les masures du quartier de la Juanita.

(1) Le puntero monnaie les aides de la mairie en contrepartie des votes des administrés.

Par Antoine BIGO pour Libération

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Mis à jour ( Lundi, 07 Mai 2012 15:11 )  

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