En Grèce comme en France, en Espagne, au Portugal, en Italie, les ultra-libéraux se frottent les mains.
Les «réformes», forcément impopulaires, qu’ils s’apprêtaient à mener pour sceller une bonne fois pour toutes – si besoin était – la victoire des classes aisées sur les classes populaires, s’imposent aujourd’hui d’évidence.
Nos dirigeants ne sont plus en première ligne pour mener cette «cure d’austérité» qui les démange depuis longtemps, cette rigueur budgétaire qui risquait de les confronter à la résistance sociale et à son corollaire : la sanction électorale. La crise, puis les diktats des «marchés», se chargeront de mettre tout le monde au pas.
Pour cela, nul besoin de mener bataille face à des syndicats et à une opinion réfractaires. Les arguments massues tombent du ciel, comme par enchantement.
L’année dernière, la «crise» financière puis économique justifiait toutes les largesses accordées aux banques et au patronat, qui se chiffrent en dizaines de milliards d’euros d’aides directes et d’exonérations de cotisations en tous genres.
Aujourd’hui, ce sont les «marchés» et les agences de notations qui enfoncent le clou et sifflent la fin des discussions. Partout, dans toute cette Europe trop sociale, il est temps de remettre les compteurs à zéro.
Le capitalisme triomphant impose sa loi, celle du moins-disant. Comme son intérêt n’est pas de tirer vers le haut les salaires et droits sociaux des nouveaux géants de l’économie, il décide de mettre à genoux les pays qui ont fondé leur système sur des valeurs plus égalitaires, plus protectrices.
Partout en Europe, la contrainte «extérieure» exercée par la nébuleuse des marchés financiers et par la concurrence internationale, imposera de travailler plus longtemps, de bloquer les salaires (de les baisser, même) et, plus globalement, de saper les acquis sociaux : santé, éducation, retraite, indemnisation du chômage…
Cette diète passera aussi par une réduction drastique du nombre de fonctionnaires et par des coupes sévères dans tous les budgets de ces «état providences», exceptés ceux de la Défense et de l’Intérieur, évidemment.
Une exception qui n’a pas échappé au député européen Daniel Cohn-Bendit qui exige des dirigeants français et allemand que soient révélés les contrats d’armement en cours avec la Grèce qui, jusqu’à preuve du contraire, ne sont pas affectés par le plan de rigueur adopté par le gouvernement Papandréou. Tout un symbole !
C’est ainsi que, sous couvert de «crise financière» savamment organisée par les grands organismes financiers (sous blanc-seing des agences de notations), une première salve a été tirée fin 2007. Elle a laissé sur le champ de bataille plusieurs dizaines de millions de chômeurs dans le monde (près de 700.000 en France dans la seule catégorie A).
Ironie de l’histoire (ou plutôt malversation historique), ce sont ces mêmes organismes – recapitalisés par les contribuables des pays occidentaux – qui, aujourd’hui, tirent la seconde salve, non plus en direction des chevilles ouvrières du corps social mais de sa tête.
Sarkozy, Merkel et consorts ont dénoncé ce «putsch»… pour la forme. Juste pour la forme. Car sur le fond, ces coups de boutoir du grand capitalisme transnational fournissent un alibi imparable pour faire passer les réformes impopulaires auxquelles on nous prépare depuis une décennie.
L’argument de la construction européenne (qui a déjà édicté de nouvelles règles plus libérales en matières économiques et sociales) ne suffisant plus, il fallait passer à la vitesse supérieure, celle de l’agression extérieure pour justifier l’abandon de nos souverainetés en matière de droits du travail et de droits sociaux.
Ce truchement est vieux comme le monde. Rien ne vaut une «bonne guerre» pour remettre un pays au pas et bâillonner toute forme d’opposition.
Nos dirigeants espèrent déjouer cet affrontement en entrant dans le jeu des «marchés», en répondant à leurs attaques, en injectant des centaines de milliards d’euros. Mais ils signent là notre arrêt de mort.
Dans le marigot de la spéculation, les grands requins mangent toujours les petits poissons.
Car, derrière cette nébuleuse des «marchés» se cachent des appétits plus voraces encore que ne l’étaient ceux des marchands de canons des guerres du passé. Et ces «marchés» qui n’ont pas de noms, pas de têtes, pas d’identité, pas de nationalité, enrichissent une classe possédante qui n’a jamais été aussi puissante et avide d'argent.
Les produits élaborés par ces Docteurs Folamour de la finance (auxquels plus personne ne comprend rien), les paradis fiscaux, les transactions financières instantanées et l’extrême complexité des réseaux informatiques mondialisés, sont autant de paravents qui garantissent leur anonymat et leur enrichissement indécent et incontrôlable.
On ne peut gagner une guerre contre un ennemi invisible.
Yves Barraud
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Commentaires
"Ce système, qui s'est sans cesse nourri de crises et de catastrophes, transformant le monde entier en un vaste casino afin de permettre à une minorité de rapaces d'accumuler les richesses par la dépossession d'une majorité, sombre enfin dans son propre chaos, et c'est heureux."
Ah, la fin du capitalisme, combien de fois l'aura-t-on annoncée…
C'est vrai "On ne peut gagner une guerre contre un ennemi invisible", mais on peut toujours résister, comme tant d'autres l'on fait avant nous, et, même s'ils n'ont pas vaincu le capitalisme, pour nous. Répondre | Répondre avec citation |
SH Répondre | Répondre avec citation |
Notre agonie plutôt !
Les grands capitalistes, il y a belle lurette qu'ils ont pris leurs dispositions. Des baraques à droite et à gauche, dans des coins tranquilles. Des comptes bancaires en pagaille. De l'or, des bijoux… des placements sécurisés.
Pas de souci, ils sont prêts à soutenir leur agonie… au soleil.
Et à ce petit jeu, les Français nantis sont tout autant à l'abri. Malgré Sarkozy, Lagarde, Parisot au pouvoir, aucun évadé fiscal (ou si peu) n'est revenu au bercail.
Et je ne parle même pas de tous ceux qui, vivant en France, ont des comptes au Luxembourg, en Suisse, aux USA, à Guernesey, en Israël… et dans tous les paradis fiscaux de la planète.
L'agonie du capitalisme ne sera pas l'agonie des capitalistes. Répondre | Répondre avec citation |
C'est bien ce que je dis dans mon article peu réaliste : "Avant de mourir ce grand malade, plus tyrannique que jamais, ira jusqu'au bout dans la malfaisance et sacrifiera d'innombrables victimes innocentes."
Mais je reste persuadée qu'il est en train de crever. Même au soleil. Répondre | Répondre avec citation |
Les très riches sont suffisamment riches pour se passer - pour plusieurs générations - de toute manne supplémentaire.
Tant qu'ils peuvent se servir, ils se serviront.
Mais le jour où ça se passe mal, pas d'inquiétude pour eux, ils ont assuré leurs arrières… depuis un moment. Répondre | Répondre avec citation |
À celle du capitalisme, je ne sais pas !
Le capitalisme et ces défenseurs, ont toujours su rebondir ! C'est l'avidité et la voracité humaine qui est à la base de ce système!
On assiste aussi à l'agonie de la démocratie, de l'expression de la souveraineté des peuples, sur laquelle ces nantis s'assoient dessus ! Où s'en servent pour préserver leurs intérêts personnels !
Mais nous n'avons pas le choix, résister, car sans combat, sans idéal, ben, nous serions encore au temps de l'esclavage! :-)
Toutes avancées vers un monde meilleur pour tous ne sont jamais acquises! L'histoire nous le rappelle
Alors, restons des optimistes pessimistes ! Répondre | Répondre avec citation |
Les laborieux, contre les exploiteurs.
Il n'y a pas si longtemps, la maison du patron (et de la famille propriétaire de l'usine) jouxtait encore celles de ses ouvriers.
Nous en sommes aujourd'hui à des années lumière.
Le capitalisme a réalisé le plus implacable tour de passe-passe.
Il n'apparaît plus à visage découvert.
Il se fait représenter par des "petits soldats" rémunérés pour prendre les coups (quand il y en a à prendre, rarement).
Mais les vrais décideurs sont ailleurs, à des milliers de kilomètres de là, derrière des fonds de pensions, des banques… qui gèrent des milliers de milliards d'euros d'investissements .
Le capitalisme a trouvé la parade grâce aux réseaux informatiques. Il peut suivre en temps réel ses affaires (d'une façon plus rapprochée encore que par le passé), tout en restant tapi dans l'ombre.
C'est la quintessence de la prédation : Avoir sa proie toujours en ligne de mire, et ne jamais être vu.
On ne peut gagner une bataille contre l'invisible, contre des responsabilités diluées, des comptes et filiales occultes, et une nébuleuse d'intérêts.
Personne, pas même au plus haut niveau de responsabilités politiques, ne maîtrise les flux financiers et ceux qui tirent les ficelles… devant un ordinateur portable, dans la salle d'embarquement d'un aéroport.
Nous n'avons pas d'autre espoir que de limiter la casse d’une bataille perdue. Répondre | Répondre avec citation |
Mais restons des optimistes pessimistes! des résistants! nous n'avons pas le choix ! c'est de l'instinct de survie!
C'est pour cela que le terme « dictature » est bien approprié dans ton papier! Car, c'est ainsi que le capitalisme avance, avec la dictature voir même avec le fascisme, c'est à dire le contrôle de la populace ou de son adhésion ! Se conférer aux années 40 ! ce sont les banquiers qui ont mis au pouvoir Hitler en utilisant le vote citoyen!
Sans doute est-ce un leurre, les idées du siècle des lumières,de la démocratie, de l'expression de la souveraineté populaire ! Mais nous n'avons que cela pour nous émanciper contre ces voraces!
Alors que faire? Ben, devenons nous même aussi des invisibles, utilisons les mêmes techniques! ;-) Répondre | Répondre avec citation |
Les autres le sont, par choix.
C'est en cela qu'on distingue ceux qui ont le pouvoir et ceux qui le subissent.
Même si, pour notre part et avec nos moyens dérisoires, nous tentons de résister… par la pensée et l'écrit.
Pour l'action, on patientera encore un peu… ;-)) Répondre | Répondre avec citation |
en attendant l'écroulement final
http://fr.wikipedia.org/wiki/Scop
http://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_d%27%C3%A9change_local Répondre | Répondre avec citation |
Son précepte : Pour vivre heureux, vivons cachés.
Son principe : S'agréger en "communes" afin de reconstruire des solidarités et tendre vers l'autosuffisance (ennemie de la globalisation), afin de sortir le plus possible du système et donc le saper.
Une démarche intéressante et, contrairement à ce qu'on a pu nous faire croire, plutôt pacifiste.
Son idée rejoint celle exposée par Guillaume Paoli dans L'éloge de la démotivation : ce système a besoin de nous pour tourner, il se nourrit de notre servitude volontaire. Si on refuse en masse d'y participer, si on applique la résistance passive, «tel un grand colosse dont on a brisé la base, [il va] fondre sous son poids et se rompre».
http://www.actuchomage.org/Notre-selection-de-Livres/eloge-de-la-demotivation.html Répondre | Répondre avec citation |
Il faut rendre la Finance Visible. Cela tombe bien, nous avons les moyens. Il faut seulement remplacer les "PersonnesPhysiq ues" qui se livrent au contrôle sur les réseaux informatisés par le "Vrai Visage" des "Personnes Morales". C'est à dire : leur comptabilité.
Dit autrement et pour "métaphoriser" court :
"Les Machines, dans la Boite;
Les Vivants, en-dehors de la Boite;
FaceBook Obligé pour tout ce qui concerne la Monnaie"
…
..
.
A voir, c'est pas gagné ! Répondre | Répondre avec citation |
Les gesticulations désespérées des matelots et des officiers du Titanic néolibéral feraient manquer une question sociologique importante : comment les agents sociaux font-ils pour surmonter le démenti empirique infligé à une croyance à laquelle ils tenaient plus que tout et par rapport à laquelle ils ont organisé leur vie ? La crise financière et économique actuelle offre un magnifique terrain d’investigation .
Face à ce fiasco et ce cruel désaveu des faits, au lieu de faire preuve de rationalité, on assiste à un puissant déni de réalité, voire à une offensive accrue du prosélytisme et de la propagande :
http://www.homme-moderne.org/societe/politics/savoiragir/n08/bebe.html Répondre | Répondre avec citation |