Avec le putsch des marchés, le capitalisme renforce sa dictature

Mardi, 11 Mai 2010 19:13
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Il y a 3 ans, une première salve était tirée. La «crise financière» a mis sur le carreau plusieurs dizaines de millions de travailleurs de par le monde. Aujourd’hui, la deuxième salve ne vise plus seulement les chevilles ouvrières mais la tête des États. Ce putsch des marchés renforce la dictature du capitalisme.

En Grèce comme en France, en Espagne, au Portugal, en Italie, les ultra-libéraux se frottent les mains.

Les «réformes», forcément impopulaires, qu’ils s’apprêtaient à mener pour sceller une bonne fois pour toutes – si besoin était – la victoire des classes aisées sur les classes populaires, s’imposent aujourd’hui d’évidence.

Nos dirigeants ne sont plus en première ligne pour mener cette «cure d’austérité» qui les démange depuis longtemps, cette rigueur budgétaire qui risquait de les confronter à la résistance sociale et à son corollaire : la sanction électorale. La crise, puis les diktats des «marchés», se chargeront de mettre tout le monde au pas.

Pour cela, nul besoin de mener bataille face à des syndicats et à une opinion réfractaires. Les arguments massues tombent du ciel, comme par enchantement.

L’année dernière, la «crise» financière puis économique justifiait toutes les largesses accordées aux banques et au patronat, qui se chiffrent en dizaines de milliards d’euros d’aides directes et d’exonérations de cotisations en tous genres.

Aujourd’hui, ce sont les «marchés» et les agences de notations qui enfoncent le clou et sifflent la fin des discussions. Partout, dans toute cette Europe trop sociale, il est temps de remettre les compteurs à zéro.

Le capitalisme triomphant impose sa loi, celle du moins-disant. Comme son intérêt n’est pas de tirer vers le haut les salaires et droits sociaux des nouveaux géants de l’économie, il décide de mettre à genoux les pays qui ont fondé leur système sur des valeurs plus égalitaires, plus protectrices.

Partout en Europe, la contrainte «extérieure» exercée par la nébuleuse des marchés financiers et par la concurrence internationale, imposera de travailler plus longtemps, de bloquer les salaires (de les baisser, même) et, plus globalement, de saper les acquis sociaux : santé, éducation, retraite, indemnisation du chômage…

Cette diète passera aussi par une réduction drastique du nombre de fonctionnaires et par des coupes sévères dans tous les budgets de ces «état providences», exceptés ceux de la Défense et de l’Intérieur, évidemment.

Une exception qui n’a pas échappé au député européen Daniel Cohn-Bendit qui exige des dirigeants français et allemand que soient révélés les contrats d’armement en cours avec la Grèce qui, jusqu’à preuve du contraire, ne sont pas affectés par le plan de rigueur adopté par le gouvernement Papandréou. Tout un symbole !

C’est ainsi que, sous couvert de «crise financière» savamment organisée par les grands organismes financiers (sous blanc-seing des agences de notations), une première salve a été tirée fin 2007. Elle a laissé sur le champ de bataille plusieurs dizaines de millions de chômeurs dans le monde (près de 700.000 en France dans la seule catégorie A).

Ironie de l’histoire (ou plutôt malversation historique), ce sont ces mêmes organismes – recapitalisés par les contribuables des pays occidentaux – qui, aujourd’hui, tirent la seconde salve, non plus en direction des chevilles ouvrières du corps social mais de sa tête.

Sarkozy, Merkel et consorts ont dénoncé ce «putsch»… pour la forme. Juste pour la forme. Car sur le fond, ces coups de boutoir du grand capitalisme transnational fournissent un alibi imparable pour faire passer les réformes impopulaires auxquelles on nous prépare depuis une décennie.

L’argument de la construction européenne (qui a déjà édicté de nouvelles règles plus libérales en matières économiques et sociales) ne suffisant plus, il fallait passer à la vitesse supérieure, celle de l’agression extérieure pour justifier l’abandon de nos souverainetés en matière de droits du travail et de droits sociaux.

Ce truchement est vieux comme le monde. Rien ne vaut une «bonne guerre» pour remettre un pays au pas et bâillonner toute forme d’opposition.

Nos dirigeants espèrent déjouer cet affrontement en entrant dans le jeu des «marchés», en répondant à leurs attaques, en injectant des centaines de milliards d’euros. Mais ils signent là notre arrêt de mort.

Dans le marigot de la spéculation, les grands requins mangent toujours les petits poissons.

Car, derrière cette nébuleuse des «marchés» se cachent des appétits plus voraces encore que ne l’étaient ceux des marchands de canons des guerres du passé. Et ces «marchés» qui n’ont pas de noms, pas de têtes, pas d’identité, pas de nationalité, enrichissent une classe possédante qui n’a jamais été aussi puissante et avide d'argent.

Les produits élaborés par ces Docteurs Folamour de la finance (auxquels plus personne ne comprend rien), les paradis fiscaux, les transactions financières instantanées et l’extrême complexité des réseaux informatiques mondialisés, sont autant de paravents qui garantissent leur anonymat et leur enrichissement indécent et incontrôlable.

On ne peut gagner une guerre contre un ennemi invisible.

Yves Barraud

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Mis à jour ( Mercredi, 12 Mai 2010 21:06 )