Actu Chômage

Charles-Henri Dumon, PDG de Michael Page Europe, connaît parfaitement le monde du recrutement. En 1985, il lançait Michael Page France. Ce cabinet reçoit aujourd'hui 90.000 CV par mois, rencontre 80.000 candidats par an et en place près de 8000.

Dans son dernier livre, "Recruter les meilleurs", Charles-Henri Dumon dresse un bilan sans fard du marché de l'emploi en France et donne de nombreux conseils aux entreprises pour les aider à réussir leurs recrutements. Pour nous, il revient sur les rigidités du marché français et nous explique pourquoi les entreprises auraient tout intérêt à faire de la recherche des meilleurs talents leur priorité numéro un.

Pourquoi est-ce encore plus fondamental aujourd'hui de recruter les meilleurs talents ?
Toutes les entreprises ont accès à la même information, utilisent pratiquement le même système comptable et les mêmes outils informatiques...Il y a quelques années, les grands groupes avaient des usines, des marques, des réseaux de distribution... Cela prenait du temps pour pénétrer un marché. Aujourd'hui, avec Internet, une PME peut très vite arriver sur un marché et connaître une croissance fulgurante. Elle peut même redéfinir les standards de l'industrie. Regardez l'exemple de Google. Ce qui fait alors la différence, ce sont les hommes et les femmes de l'entreprise. Dans une économie de service, ils sont plus que jamais les clés de la réussite. Les meilleurs talents sauront s'adapter, aller de l'avant et faire gagner leur entreprise.

Les directions des entreprises françaises en sont-elles conscientes ?
Pas vraiment. Elles recrutent des gens mais ne se donnent pas les moyens de trouver les meilleurs. 3 exemples concrets pour le prouver.
D'abord, elles n'investissent pas assez dans leurs équipes RH et ne prennent pas les meilleurs talents pour recruter. Trop d'entreprises confient encore le recrutement d'un directeur financier à un jeune chargé de recrutement. Pourtant ce choix est crucial pour l'avenir de toute la société. Ensuite, elles ne donnent pas les moyens aux RH de recruter dans les meilleures conditions. Elles cherchent à faire des économies de bout de chandelle alors que le recrutement est une fonction stratégique qui décide de l'avenir de l'entreprise. Enfin, elles ne réfléchissent pas du tout à l'image qu'elles projettent sur le marché. Elles font peu d'efforts pour réellement travailler et améliorer leur image de marque. Pourtant, c'est fondamental pour attirer les meilleurs.

Constatez-vous une évolution ?
Pas réellement. Cela fait 20 ans que je suis dans le métier, et les choses ne changent pratiquement pas. Un chiffre le montre bien. En France, seulement 30% des entreprises utilisent les services d'un cabinet externe pour recruter. Cette donnée reste stable avec les années. Dans les pays anglo-saxons, 90% des entreprises passent par un cabinet.
Cela ne viendrait pas à l'idée d'un directeur marketing de réaliser lui-même le visuel pour la prochaine campagne de publicité de son entreprise. Il utilise une agence de publicité. Pour le recrutement, cela devrait être la même chose. Il faut déléguer à des professionnels qui ne font que cela. Par exemple, chez Michael Page, nous recevons 90.000 CV par mois. Nous avons donc statistiquement un vaste choix pour sélectionner les meilleurs talents pour nos clients. Nos consultants spécialisés sur un secteur d'activité voient beaucoup de candidats évoluant dans les mêmes métiers. Ils ont donc de très bons points de repère pour comparer la personnalité des différents directeurs financiers. C'est très difficile pour un chargé de recrutement dans une entreprise, qui doit recruter en une journée un responsable marketing, le lendemain un comptable et le surlendemain une secrétaire d'avoir de réels éléments de comparaison.

Les dirigeants d'entreprises devraient-ils s'impliquer plus dans le recrutement ?
Tout à fait, cela devrait faire partie de leurs missions. Les grands dirigeants américains le font tous. Un patron devrait consacrer 20% de son temps au recrutement. Le choix des collaborateurs influence tout le parcours de l'entreprise pour les années à venir.
C'est un message aussi donné aux candidats. S'ils rencontrent le PDG, ils se sentent, à juste titre, valorisés. C'est l'occasion de leur expliquer la stratégie de l'entreprise sur le long terme, de leur présenter les grands enjeux. Or, un simple chargé de recrutement n'a peut-être pas tous les éléments pour présenter ces points aux candidats.

Dans votre ouvrage, vous évoquez la sous-traitance internationale, peut-elle expliquer le chômage ?
Non, je ne le pense pas. Le plus gros problème vient de la protection des salariés. C'est simple, tous les pays qui ont une législation permettant de licencier plus facilement, ont un taux de chômage inférieur au nôtre. La législation française provoque même des aberrations. Comme cela coûte extrêmement cher de licencier des employés après 50 ans, certaines entreprises ne veulent pas prendre de risque et se séparent de leurs collaborateurs à 47 ans !
Un autre exemple, il faut permettre aux personnes de pouvoir se lancer à leur compte très facilement. Beaucoup de mes clients auraient besoin d'un spécialiste du contrôle de gestion pour 8 mois seulement. Mais que font-ils de lui après ? Du coup, ils n'embauchent pas. En France, il y a du travail mais pas d'emploi. La sécurité de l'emploi est un leurre et d'ailleurs quelle sécurité aura-t-on avec un chômage à 15% ?
Un fait regrettable enfin, aucun gouvernement en France n'a pris la peine de consulter les cabinets de recrutement. Pourtant, ils sont en première ligne sur le marché de l'emploi. En Angleterre, l'équipe de Tony Blair consulte régulièrement les membres de notre profession.

Chiffres clés : Michael Page en France : 350 consultants - 8.000 missions par an - 299,7 millions d'euros de CA en 2004.

Pour consulter le blog de Charles-Henri Dumon, cliquez ici.

(Source : www.focusrh.com)