
"Comment ne pas voir que si ce passage" aux 35 heures a "permis de la flexibilité dans les entreprises, il s'est fait au prix de ce qu'on appelé pudiquement la modération salariale, c'est-à-dire en réalité une pression extrêmement forte sur les salaires les moins qualifiés", a-t-il pointé. "Les plus mécontents se trouvent essentiellement parmi les ouvriers" pour qui elles "ont créé plutôt des inquiétudes et des modulations d'horaires collectifs".
"Les 35 heures payées 39, cela a été considéré comme un acquis social, dont acte : la seule question qui nous est posée, c'est la modernisation des 35 heures pour qu'elles soient tenables", a ajouté le ministre. "La modernisation, ce sont trois choses", a-t-il ensuite défini : la "réactivité de nos entreprises", la "capacité à avoir plus de revenus" et la "modernisation du dialogue social".
Cette intervention "tranche singulièrement avec tout ce que nous avons pu entendre pendant ce débat", a jugé Jean Le Garrec (PS) en estimant que si le ministre avait parlé plus tôt, le débat aurait "pu s'engager au fond et non pas sur des positions caricaturales". Toute la matinée, députés de gauche et de droite se sont mutuellement accusés de sombrer dans l'idéologie. La gauche s'est efforcée de démontrer la "supercherie" qui sous-tend selon elle la réforme. "Elle ne remet pas en cause les 35 heures mais les 39 heures, acquises en 1982", s'est indigné Maxime Gremetz (PCF), prédisant aux salariés des semaines de 48, voire 61 heures. Elle "n'est pas seulement conservatrice, elle est antisociale puisqu'elle tend à allonger la durée du travail, ce qui n'avait pas été fait depuis 1936". C'est un "gros mensonge", a renchéri Elisabeth Guigou : "Mettre fin aux 35 heures ne va pas augmenter le pouvoir d'achat des salariés ni leur liberté de choix" car ils "ne pourront pas refuser de faire des heures supplémentaires sans s'exposer à un licenciement pour faute grave", a assuré l'ancienne ministre de l'Emploi.
L'examen des quatre articles devrait commencer mercredi en fin d'après-midi, les débats s'achèveront demain, et le texte sera soumis au vote solennel de l'Assemblée mardi prochain. Cette proposition de loi est pour partie l'aboutissement des travaux d'une mission parlementaire sur les 35 heures créée fin 2003 à l'issue d'un forcing des réformateurs de l'UMP, et dirigée par les deux co-signataires du texte, Patrick Ollier et Hervé Novelli.
** 1996 : première loi Robien sur la réduction du temps de travail.
À lire également nos autres articles & commentaires sur le sujet dans l'Actualité sociale, économique et politique : "77% des salariés sont pour les 35h" et "35h : le PS demande le retrait de la proposition de loi".
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Commentaires
«Le Canard Enchainé» du 02/02/2005 raconte ce petit épisode passé inaperçu du vote de la loi Borloo de cohésion sociale. Pour ceux qui douteraient encore de qui dirige vraiment la France…
Le Medef a au moins une qualité : la franchise. Le 3 novembre dernier, «Le Canard» avait raconté comment l'organisation patronale avait fait livrer le 28 octobre au sénateurs UMP une liasse de 22 amendements tout rédigés pour qu'ils modifient dans un sens favorable au patronat le projet de loi de cohésion sociale concocté par Jean-Louis Borloo.
La révélation de l'existence de ces amendements par l'«Huma» et «Le Canard» avait créé un malaise certain au Palais du Luxembourg et parmi les sénateurs UMP. Du coup, le rapporteur UMP du projet avait assuré que ces 22 amendements, délivrés clés en main par le Medef, avaient achevé leur carrière dans une poubelle.
C'était un pieux mensonge, comme vient de l'avouer publiquement Jean-Pierre Philibert, directeur des relations avec les pouvoirs publics du Medef, c'est à dire responsable du lobbying patronal. Cet ancien député libéral tendance Chirac, ex-élu de Saint-Etienne, n'a pas hésité à passer aux aveux dans les colonnes du «Progrès» (édition de Saint-Etienne, 3/01). Dans cet article, on peut en effet lire : «Le 28 octobre, son équipe (celle de Jean-Pierre Philibert) distribue à la majorité (c'est à dire des sénateurs UMP) des amendements du Medef pour le projet Borloo de cohésion sociale. Des amendements tout prêts, déjà mis en forme, que les sénateurs n'ont plus qu'à parapher. Scandale. "Une polémique absurde", dédaigne Jean-Pierre Philibert. L'homme constate en souriant que ses hommes ont bien travaillé : "Vous avez vu le résultat, on nous avait dit : 'Ils n'y seront pas, ces amendements du Medef'. Et bien, deux mois plus tard, ils y sont !"»
Et «Le Progrès» de poursuivre : «Philibert se réjouit : "Avant, tout le monde se moquait de notre opinion, maintenant notre parole est tout de suite relayée." Littéralement.»
A la lecture de la loi Borloo telle qu'elle a été adoptée définitivement par le Parlement, une évidence s'impose : sauf sur un point du projet – les licenciements pour compétitivité -, le Medef a effectivement pu faire adopter tout ses amendements, notamment grâce à ses amis sénateurs UMP.
Ernest-Antoine Seillière peut donc être satisfait du travail de son directeur des relations avec les pouvoirs publics Jean-Pierre Philibert. En voilà un qui a bien mérité de l'Entreprise, avec un grand E. Répondre | Répondre avec citation |