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Accueil Mobilisations, luttes et solidarités Un chômeur attaque Pôle Emploi : la réponse de la CGT-Chômeurs

Un chômeur attaque Pôle Emploi : la réponse de la CGT-Chômeurs

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Suite à notre article du 11/09 sur cette affaire, nous publions les arguments du Comité national CGT des Privés d’Emploi, qui a soutenu le plaignant.

Police Emploi jugée et condamnée par un chômeur et son organisation !

Le tribunal administratif de Paris a rendu en date du 12 septembre une décision favorable pour un chômeur de 54 ans qui a déposé une plainte contre le Pôle emploi pour violation de ses obligations. Le plaignant n’aurait obtenu que trois rendez-vous depuis son inscription sur les listes de l’établissement public en février 2009.

Cette condamnation soulève le dysfonctionnement de l’institution qui, dans certains cas, harcèle les chômeurs de rendez-vous en proposant des stages, remise à niveau et autre, mais en abandonne d'autres à leur triste sort même quand ceux-ci ont des projets professionnels.

Depuis plus de vingt-cinq ans, la CGT est le seul syndicat à organiser les chômeurs et les précaires en conjuguant les luttes individuelles comme collectives (recalculés, prime de Noël, etc.) tout en se battant pour que les privés d’emplois puissent s’organiser syndicalement et obtenir des droits (comité de liaison, droit d’affichage, d’être accompagné, etc).

Le tribunal administratif de Paris, dans son jugement en référé du 12 septembre, est clair, net et sans ambiguïté :
1. Il reconnaît la compétence de l’organisation syndicale des chômeurs CGT à engager une procédure pour attaquer Pôle Emploi.
2. Il ordonne à Pôle Emploi de restituer au plaignant tous ses droits en matière de recherche d’emploi : suivi personnalisé, formation, etc.
3. Il reconnaît par ce jugement que Pôle emploi ne répond pas à ses obligations de service public («manquement à l’obligation de placement et de suivi»).

Cette première victoire est bien sûr à analyser de près, car elle présente trois axes qu’il nous faut prendre en compte :
1. L’urgence sociale, qui est une répercussion du manque de proposition d’emploi faite par Pôle emploi.
2. La reconnaissance du droit au travail par Pôle emploi.
3. L’action syndicale des chômeurs CGT.

Concernant l’urgence sociale qui justifie un référé, le TA confirme bien que Pôle emploi, en ne remplissant pas sa mission, conduit vers la fin de droits donc vers cette précarisation comme nous l’exposons : «Que l’urgence est caractérisée par la prolongation anormalement longue d’une situation précaire créée par l’absence de mesures mises à la charge de Pôle emploi pour garantir les droits des personnes privées d’emploi ; qu’il est désormais admis au bénéfice du revenu de solidarité active et n’est plus en mesure de faire face à ses charges».

De son côté, Pôle emploi rejette la situation d’urgence en soutenant «que le tribunal administratif de Paris est incompétent (…) ; que la requête est irrecevable, la condition relative à l’urgence n’étant pas remplie (…).»

Pôle emploi estime donc qu’il n’a aucune responsabilité quant à la descente aux enfers des chômeurs se retrouvant en fin de droits, en justifiant que «le droit à l’emploi n’est pas une liberté fondamentale et ne consiste pas à une obligation de résultat».

Rien d’étonnant venant de leur part, mais le tribunal administratif, lui, estime que la situation dans laquelle se retrouve le chômeur est une conséquence du mauvais traitement de l’institution, puisqu’il n’a eu ni rendez-vous, ni proposition de la part de l’organisme «placeur», et accède à la demande du référé déposé par le Comité de chômeurs CGT sur demande de l’avocat du privé d’emploi.

Sur le caractère de l’urgence, en donnant raison à la demande, le TA statue sur la responsabilité de Pôle emploi et considère «que la fin de non-recevoir tirée de l’incompétence du tribunal administratif de Paris présenté par Pôle emploi Île-de-France doit être écartée, s’agissant de la connaissance des conclusions formée dans le cadre d’une instance relevant de l’article L.521-2 du code de justice administrative».

Pôle emploi, au lieu d’accomplir ses missions de service public en proposant des offres d’emploi, se contente de faire baisser les chiffres du chômage en radiant abusivement des chômeurs, laissant certains d’entre eux sans même un rendez-vous pendant trois ans : c’est dire si l’institution n’est plus dans sa fonction première d’accompagnement, fonction qui s’est substituée par du flicage. L’institution doit permettre aux chômeurs de trouver un travail, une formation, une reconversion et le PPAE est, en théorie, un contrat passé entre Pôle emploi et le chômeur où chacun à des droits et des devoirs, d’autant que c’est l’institution qui l’affirme pour justifier ses radiations.

Au discours stigmatisant «chômeurs = fainéants», ce procès souligne bien l’inverse puisque c’est Pôle emploi qui, après avoir inscrit ce chômeur, l'abandonne durant des années sans même actualiser sa situation. Pôle emploi ignore ses obligations, mais c’était sans compter la pugnacité des chômeurs quand ils s’organisent !

La bataille que nous menons sur ce dossier n’est pas d’obtenir un flicage de tous les chômeurs par Pôle emploi, mais bien de remettre la notion de service public de l’accompagnement des chômeurs, et si tel n’est pas le cas, d’assumer l’entière responsabilité quant au devenir de ceux-ci.

Les chômeurs n’attendent plus que Pôle emploi leur trouve un travail alors que c’est bel et bien sa mission principale, comme nous le soutenons : «Que l’absence de suivi de sa situation par Pôle emploi depuis juin 2009, l’absence de réponse à ses demandes et la carence dans l’exécution de son projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), le prive de la liberté fondamentale du droit à l’accès direct effectif au travail ; que les obligations mises à la charge du Pôle emploi pour garantir l’exercice effectif du droit au travail sont juridiquement sanctionnables ; qu’il n’a bénéficié que de trois rendez-vous entre le 13 mars 2009 et le 26 janvier 2012, malgré ses demandes répétées ; que son PPAE n’a jamais été actualisé depuis février 2009 ; que l’absence de suivi l’a contraint à renoncer à son projet d’installation comme travailleur indépendant ; que les offres d’emploi correspondant à son profil ne lui ont jamais été proposées».

Pôle emploi, dans son mémoire, soutient «que le droit à l’emploi n’est pas une liberté fondamentale et ne consiste pas à une obligation de résultat ; que le projet d’installation de M. remonte à 2002 et que ce dernier l’a interrompu pour des raisons personnelles».

Notre action, fondée non pas en direction d’un éventuel harcèlement de plus envers les chômeurs, s’appuie donc sur la question de l’accès au travail que Pôle emploi doit fournir à tous les privés d’emploi comme nous le précisons : «Que Pôle emploi, en s’abstenant d’actualiser son PPAE, de lui communiquer les offres d’emploi correspondant à son profil, en ne le convoquant qu’à trois reprises entre le 13 mars 2009 et le 26 janvier 2012, en n’obtenant aucun suivi quant à la réalisation de son projet professionnel, Pôle emploi s’est abstenu de remplir les missions qui lui sont attribuées par le Code du Travail».

La déréglementation de l’institution avérée dans cette affaire démontre bien que certains privés d’emploi sont convoqués à maintes reprises quand d’autres sont ignorés, même pour une simple actualisation de leur dossier. Quand certains privés d’emploi reçoivent plus de vingt courriers en deux semaines, d’autres comme celui-ci n’existent pas et sont condamnés au RSA : voilà le résultat d’un abandon des plus précaires par une institution censée «accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes» et respecter la notion de «droit et de devoir partagé» sous couvert du PPAE.

C’est bien la question de l’accès et le droit au travail, «la mission principale» de Pôle emploi envers tous les privés d’emploi, que reconnaît le tribunal dans ce cas : «Considérant qu’une carence caractérisée dans la mise en œuvre des moyens administratifs que les textes législatifs et réglementaires définissent en vue d’assurer au mieux l’accès à un emploi au plus grand nombre possible d’intéressés, est susceptible, pour l’application de l’article 521-2 du code de justice administrative, de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne concernée ; qu’il incombe au juge des référés d’apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par Pôle emploi en tenant compte tant des moyens dont dispose cette institution que du comportement de la personne en recherche d’emploi».

Les missions de Pôle emploi sont pourtant celles du placement, même si l’ancien gouvernement, en mettant en place une fusion catastrophique, a voulu dévoyer cet axe. Le tribunal statue en ce sens : «Considérant que l’article 5312-1 du Code du travail établissant une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière lui confère les missions de :
1. Prospecter le marché du travail, développer pour une expertise sur l’évolution des emplois et des qualifications, procéder à la collecte des offres d’emploi, aider et conseiller les entreprises dans leur recrutement, assurer la mise en relation entre les offres et les demandes d’emploi et participer activement à la lutte contre les discriminations à l’embauche et pour l’égalité professionnelle ;
2. Accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes, qu’elles disposent ou non d’un emploi, à la recherche d’un emploi, d’une formation ou d’un conseil professionnel, prescrire toutes actions utiles pour développer leurs compétences professionnelles et améliorer leur employabilité, favoriser leur reclassement et leur promotion professionnelle, faciliter leur mobilité géographique et professionnelle et participer aux parcours d’insertion sociale et professionnelle.
Le tribunal administratif donne raison à notre demande fondée sur la responsabilité de l’institution concernant l’accès au droit au travail tout comme l’accueil, l’information et l’orientation.

Cette situation a conduit ce privé d’emploi à devenir ce qu’ils appellent un «chômeur de très longue durée» et le tribunal, en répondant à nos conclusions, soutient que : «Considérant que le droit à l’emploi découle de la liberté proclamée par l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ; que le 5e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, pose le principe fondamental selon lequel : "Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi" ; que les dispositions de l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 disposent que la loi fixe les principes fondamentaux du droit au travail». Le droit à l’emploi par les missions confiées à l’institution est bel et bien reconnu par le tribunal administratif dans ce dossier.

Cette reconnaissance, liée bien sûr au suivi que doit réaliser Pôle emploi, est bien au-devant de la scène ce qui constitue une véritable victoire collective pour tous les chômeurs qui n’exigent rien d’autre que l’application du droit au travail pour tous dans le respect d’un accueil qui soit digne d’un service public.

Le combat que nous menons sur le droit au travail comme sur la défense individuelle des chômeurs prend tout son sens dans cette affaire et permet de reconnaître la nature de notre intervention : «Considérant qu’aux termes de l’article 1er de ses statuts, le syndicat CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers et Villeneuve-la-Garenne et Asnières est formé des personnes momentanément privées d’emploi qui adhèrent aux présents statuts ; que l’article 3 desdits statuts a pour objet de défendre avec eux leurs droits et intérêts professionnels, moraux, matériels et économiques, individuels et collectifs» ; qu’il en résulte que le syndicat CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers et Villeneuve-la-Garenne et Asnières justifie d’un intérêt à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête de M. ; que, dès lors, son intervention est recevable».

Dans cette affaire, Pôle emploi, qui n’aura ni été présent ni représenté durant l’audience du 11 septembre, a dans son mémoire demandé (en outre l’incompétence du tribunal) la somme de 3.000 € au demandeur. A ce jour, Pôle emploi a pris acte du jugement.

Le tribunal ordonne :
1. Que l’intervention volontaire de la CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers et Villeneuve-la-Garenne et Asnières est admise.
2. Il est enjoint à Pôle emploi de recevoir le chômeur «dans les huit jours, de mettre à jour son projet personnalisé d'accès à l'emploi, de le rencontrer de manière régulière dans le respect des directives de fonctionnement fixées par cette institution en lui proposant toute offre, toute formation utile ou toute reconversion».
3. De lui verser la somme de 1.000 € correspondant aux frais d'avocat, au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Au-delà de ce jugement qui devrait faire jurisprudence, il relance le débat de fonds sur l’impérieuse nécessité de construire un véritable service public de l’emploi, c'est-à-dire de lui restituer un rôle prépondérant dans le droit d’accès effectif au travail, et d’assurer à l’institution les moyens humains et matériels pour remplir sa mission de service public.

Ce jugement est une grande victoire
Pour une mise en œuvre du droit au travail !

Comité National CGT des Privés d’Emploi
263 rue de Paris / case 5-4
93516 Montreuil Cedex
Tel : 01 48 18 84 45 ou 85 44
Fax : 01 48 18 84 38
Mail : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. ou Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.
http://chomeurs-cgt.fr


NDLR : Cette réponse publiée, nous restons sur notre position, convaincus que cette "victoire", qui ouvre peut-être des portes aux chômeurs qui s'estiment abandonnés par Pôle Emploi, ne contribuera pas à faire cesser le harcèlement kafkaïen que subissent nombre d'inscrits en particulier, et n'aura aucune incidence positive quant à l'amélioration du service public de l'emploi en général (l'institution étant contrainte, et pour longtemps, à l'austérité budgétaire).

Nous maintenons que, dans le contexte actuel de chômage massif où, plus que jamais, les emplois manquent :
• les missions d'accompagnement et de placement des chômeurs sont un pansement sur une jambe de bois, pour ne pas dire une mascarade;
• si attaquer l'institution par ce biais pour la mettre face à ses contradictions, réhabiliter l'image des chômeurs et rappeler l'existence de l'alinéa 5 du Préambule de notre Constitution (constamment bafoué, tout autant que l'alinéa 11) est en apparence louable, la manœuvre est non seulement vaine mais à double tranchant, sachant que les dés sont pipés et que, pour lutter contre un chômage qui arrange en réalité beaucoup de monde, lutter contre les chômeurs a toujours été LA solution.


DERNIÈRE MINUTE : La décision du Tribunal administratif vient d'être annulée par le Conseil d'Etat...



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