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Quatre années de rupture conventionnelle

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Depuis la création du dispositif en août 2008, près de 900.000 «ruptures amiables» ont été validées. Un conseiller du salarié témoigne du phénomène.

Chère Madame Victoire, je viens de lire votre témoignage de patronne «harcelée» par des salariés vous «demandant de les libérer… contre monnaie sonnante et trébuchante» : vous racontez comment ils viennent vous demander des ruptures conventionnelles pour partir.

Je suis conseiller du salarié à Paris. A ce titre, j’ai personnellement assisté à environ 400 entretiens préalables à licenciement et participé à 30 ou 40 ruptures conventionnelles. J’anime également une permanence juridique au sein de mon organisation syndicale et je défends des dossiers devant les prud’hommes. C’est pourquoi je me permets de commenter votre intervention.

Des ruptures pour cesser de souffrir

A chaque fois qu’un salarié vient me consulter pour que je l’aide à négocier une rupture conventionnelle, je lui demande avant toute chose d’où vient sa demande. Il s’agit très souvent de mettre fin à une souffrance au travail : le salarié ne voit pas d’autre issue qu’une rupture conventionnelle. L’idée lui est, la plupart du temps, suggérée par l’encadrement et le salarié se résigne à quitter son emploi plus qu’il ne le souhaite.

J’ai par exemple deux dossiers en cours qui ont débuté par ce type de demande et qui relèvent maintenant de la médecine du travail. Dans le premier cas, l’employée a d’abord été mise à l’écart et subi des mesures vexatoires. Son bureau a été déménagé à côté des toilettes, ordre a été donné aux autres de ne plus lui adresser la parole, sa charge de travail a été alourdie, de nouvelles tâches lui ont été attribuées qu’elle ne sait pas accomplir (elle n’a pas été formée pour), etc. Le fond de l’affaire, avons-nous découvert, c’est que l’employeur a la volonté de remplacer cette salariée, payée environ 1.500 euros brut, par deux stagiaires à 400 euros chacun.

Chantage et menaces

Dans de très nombreux cas, cette méthode est assortie d’un chantage. L’employeur menace : «Si vous n’acceptez pas la rupture, je vous licencie pour faute grave, vous irez aux prud’hommes, vous gagnerez, je ferai appel et vous n’aurez votre argent que dans trois ans au mieux.»

J’ai un procès en cours où, imprudemment, l’employeur à tenu ce genre de propos devant un témoin qui a accepté d’en attester. Les faits remontent à un an et le bureau de jugement ne se réunira que dans deux mois. Pour rappel, le licenciement pour faute grave prive le salarié des indemnités et du préavis. Alors que la rupture conventionnelle ne peut être conclue sans indemnité de rupture.

Pour contourner la loi

Dans d’autres cas que j’ai pu accompagner, l’employeur utilise cette nouvelle possibilité pour contourner la loi. Il aurait dû recourir à un licenciement économique ou à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais il a préféré la rupture conventionnelle.

J’ai vu aussi une entreprise procéder à de nombreuses ruptures alors qu’elle connaissait des difficultés économiques, et aurait dû procéder à la mise en place d’un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

L’intérêt, pour l’employeur, c’est que les instances représentatives du personnel et l’administration n’ont aucun droit de regard.

Difficile de savoir qui décide de la rupture

Globalement, de par mon expérience, je constate que, dans 90% des cas, la rupture conventionnelle est proposée par l’employeur, souvent de cette manière insidieuse : le salarié est poussé à bout d’abord.

Le Centre d’études pour l’emploi (CEE) a mené une étude auprès de 101 salariés ayant signé une rupture conventionnelle, et ses résultats sont plus mitigés que les miens. L’étude montre que près de la moitié des ruptures conventionnelles seulement sont à l’initiative de l’employeur.

Cela appelle deux remarques de ma part :

• si, dans un peu plus de la moitié des cas, les salariés sont à l’initiative de la rupture, ils le font principalement pour des raisons conflictuelles, précise l’étude. Autrement dit, même dans cette petite moitié de salariés qui aurait formellement demandé une rupture conventionnelle, l’analyse des motivations de la demande démontre qu’elles trouvent leurs origines dans des agissements potentiellement répréhensibles de l’employeur;

• j’ai affaire à un public qui a encore le réflexe de venir nous consulter. Or, celui-ci ne représente que 10% des personnes interrogées par le CEE. Ce dernier chiffre est essentiel à la compréhension du dossier : la rupture conventionnelle remet bien le salarié en situation individuelle face à son employeur et fait donc sauter toutes les garanties collectives.

Des volontaires pour le chômage ?

Il faut tout de même se demander pourquoi autant de salariés — près de 900.000 — concluent une rupture conventionnelle pour, dans les trois quarts des cas selon le CEE, se retrouver toujours chômeurs six mois après, indemnisés à 57% de leur salaire.

Selon une étude du service statistique du ministère du Travail, la Dares, entre le 1er semestre 2009 et le 1er semestre 2011, la part des licenciements économiques a chuté de 12% à 6% alors que les ruptures conventionnelles passaient de 7% à 13% des fins de CDD. Cette tendance s’est encore aggravée en 2012. N’y aurait-il aucun rapport entre ces deux chiffres ?

(Source : Rue89)

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Mis à jour ( Samedi, 29 Décembre 2012 07:19 )  

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