Discrimination sociale : à Epône, plus de cantine pour les enfants de chômeurs

Mardi, 28 Juin 2011 10:55
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Priorité aux familles actives : telle est la règle qui sera appliquée à la rentrée dans les cantines d'Epône (Yvelines) où les enfants de chômeurs pourront déjeuner sous réserve des places disponibles.

On croyait en avoir fini avec ces scandales qui ont, il y a quelques années, entaché des communes comme Vaires-sur-Marne ou Meaux (77), Houilles ou Carrières-sur-Seine (78), Colombes ou Clichy (92), Villeurbanne (69), La Verpillière (36), Marignane (13) => Lire en commentaire... Que nenni !

Il y a peu, dans l'indifférence générale, une chômeuse de Noisy-le-Roi (78) fut expulsée manu militari de la crèche municipale où son bébé a été exclu parce qu'elle tardait à retrouver un emploi. Aujourd'hui, elle est coincée à la maison et sans perspective, jonglant avec les pressions exercées par Pôle Emploi.

On note que ces scandales ne se produisent pas en Seine-Saint-Denis mais dans les coins huppés : les Hauts-de-Seine et les Yvelines sont les départements les plus riches de la région Ile-de-France, avec des taux de chômage très inférieurs à la moyenne nationale.

Qu'à cela ne tienne : jeudi dernier à Epône, lors du dernier conseil municipal de cette commune plutôt de droite, plutôt rurale de 6.300 habitants, de nouvelles conditions d'accès aux quatre restaurants scolaires de la ville ont été fixées. L'une d'elles prévoit notamment que «l’enfant dont un seul parent travaille ou aucun des parents ne travaille pourra déjeuner au restaurant scolaire sous réserve des places disponibles». Actuellement, quelque 300 enfants mangeraient dans les écoles communales chaque midi. Le nombre d'écoliers visés par cette humiliation est inconnu.

Philippe de Laulanié, premier adjoint au maire ("sans étiquette", ex "divers droite"), s'est voulu rassurant : «Avant, il n’y avait aucun règlement, c’était l’anarchie. Ce texte nous permet d’encadrer des situations exceptionnelles. Soyez rassurés, cela n’arrivera jamais !» Dans ce cas, on se demande pourquoi inscrire un cas de figure qui «n’arrivera jamais» dans le règlement ? Surtout qu'Epône ne semble pas souffrir outre mesure de problèmes budgétaires : en tous cas, ils n'ont pas été invoqués pour justifier cette modification.

Chose étonnante, c'est l'ancien maire d'Epône et conseiller municipal, l'UMP Pascal Lazerand, qui s'est élevé contre cette mesure : «Dans les faits, il va falloir produire un certificat de travail pour faire manger ses enfants à la cantine. Cela s’appelle de la discrimination». Même critique du côté des parents d'élèves. Dominique Francesconi, la présidente de la FCPE d’Epône, a renchéri : «Manger à la cantine, c’est un critère d’intégration pour les enfants. La restauration scolaire doit être à la portée de tous, sans distinction sociale. Ce principe est indiscutable».

Pour l'instant, les élus d'Epône s'écharpent sur ce nouveau règlement. Il y a fort à penser que le projet, dont la presse commence à s'emparer, capote. Car il y a jurisprudence : plusieurs tribunaux administratifs, appelés à se prononcer sur ces limitations, les ont jugées illégales, arguant qu'il y avait «atteinte au principe d'égalité des usagers devant le service public». Cette violation du principe d'égalité, contraire aux valeurs de la République, est une discrimination sociale. Mais elle n'est pas inscrite dans la loi. Ce que déplore ATD-Quart Monde, qui se bat pour la faire ajouter aux 17 critères constitutifs de l'article 225-1 du Code pénal.

En France, on le voit, ceux qui prônent la réussite se la réservent à eux-mêmes. Notre pays se glorifie d'avoir le meilleur taux de natalité européen. Mais il est facile de se réjouir de nos 800.000 naissances annuelles quand on sait que les places en crèche, dans les cantines et les garderies publiques sont insuffisantes, qu'on dégraisse à l'Education nationale, que la discrimination faite aux femmes dans les entreprises continue de sévir et que, pour sortir du chômage, il faut être disponible dans sa recherche d'emploi. Même si nos politiques natalistes semblent meilleures que d'autres, continuer à rogner sur ces quelques millions qui permettraient d'assurer à tous les enfants (et à leurs parents) de mieux vivre dans un pays qui leur accorde une place, c'est faire preuve de mépris pour l'avenir et pour les individus en général.

SH

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Mis à jour ( Mardi, 28 Juin 2011 11:34 )