Le Premier ministre britannique, qui prendra les rênes de l'Union à partir du 1er juillet, n'avait pas la tâche facile face à des députés européens chauffés à blanc la veille par le président sortant, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Ce dernier avait rendu le Royaume-Uni - et son refus d'accepter une réduction de sa "ristourne" budgétaire sans remise à plat des dépenses agricoles - responsable de l'échec du sommet de Bruxelles, où les dirigeants européens ont ajouté vendredi une crise financière à la crise constitutionnelle. Salué par deux ovations debout, Juncker avait également appelé les "vieux Européens et Européens convaincus" à résister aux tentatives d'imposer une Europe réduite à une zone de libre-échange, qui constituerait l'objectif britannique.

"Je suis un pro-européen passionné, je l'ai toujours été", a-t-il déclaré en rappelant qu'il avait, dès 1975, voté "oui" au référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans la Communauté. "Je n'accepterai jamais une Europe qui serait simplement un marché économique", a-t-il ajouté en répliquant au couple franco-allemand qui l'accuse de nourrir de noirs desseins. "Je crois en l'Europe comme projet politique".
BLAIR SE POSE EN "LEADER" DE L'EUROPE
Mais, pour le Premier ministre britannique, il est temps d'analyser la manière dont fonctionne l'UE, qui vient d'être désavouée par les peuples français et néerlandais, des "non" qui rendent "difficile" la ratification de la Constitution. "Les peuples d'Europe nous parlent, ils nous posent des questions, ils nous demandent de faire preuve de leadership et il est temps que nous le leur donnions", a-t-il expliqué.
Il a visiblement le sentiment d'être le "leader" de l'heure et de pouvoir proposer des solutions pour la modernisation.
"Quel est ce modèle social qui fait 20 millions de chômeurs en Europe ?", a-t-il demandé, une "pique" à l'égard de Jacques Chirac et Gerhard Schröder qui prétendent le défendre malgré l'échec de leur politique de lutte contre le chômage. Fort de sa situation de quasi-plein emploi, Tony Blair a appelé les gouvernements européens à se ressaisir s'ils veulent exister face aux Etats-Unis, mais aussi à la Chine et à l'Inde.
"Aujourd'hui presque 50 ans après, il nous faut nous renouveler, ce qui n'a rien de honteux", a-t-il déclaré en proposant de "marier les idéaux européens en lesquels nous croyons avec le monde moderne dans lequel nous vivons". Il faut donc procéder à des réformes structurelles pour doper la croissance et accroître les dépenses "modernes", notamment dans la recherche, pour les emplois de demain. Cette modernisation passe par une refonte du budget européen, le dossier qui a fait capoter le sommet.
UN "BUDGET MODERNE"
Blair a expliqué sa position : il est, a-t-il dit, "le premier Premier ministre du Royaume-Uni qui a mis la 'ristourne' sur la table" et il n'a "jamais dit qu'il fallait renégocier la PAC d'un jour à l'autre", ce qui serait "absurde". Mais il faut "au moins un processus qui mène à un budget plus rationnel" et, pour lui, il ne faut pas attendre 2014, date à laquelle expirera l'accord de 2002 sanctuarisant la PAC. "Un budget moderne pour l'Europe n'est pas un budget qui dans 10 ans consacrera encore 40% de ses montants à la PAC", a-t-il martelé en s'engageant à rechercher un compromis.
Enfin, à contre-courant de la plupart des dirigeants européens saisis par le "blues" de l'élargissement, Blair a estimé qu'il fallait à tout prix poursuivre le processus, y compris à la Turquie, pour éviter la montée de la xénophobie qui ne manquerait pas d'accompagner une Europe "introvertie".
Ce discours a reçu bon accueil au Parlement européen.
"Si vous traduisez ces paroles en actes (...) nous serons à vos côtés", a dit le chef du groupe conservateur, l'Allemand Hans-Gert Pöttering, dont la direction est proche de Blair.
Son homologue socialiste, l'Allemand Martin Schulz, a été plus prudent et a critiqué la présentation caricaturale faite par Londres de l'Europe verte, qui a selon lui été réformée. Mais il n'a pas montré d'hostilité, appelant le chef du New Labour, à viser le "maillot jaune" de l'Europe pendant sa présidence, et non sa place habituelle, dans le "camion-balai".
"Un discours ne suffit pas à dissiper des années de méfiance", a souligné le chef du groupe libéral, le Britannique Graham Watson, en souhaitant que Blair montre qu'"Albion est moins perfide" et montre positivement son sens du leadership.
Les critiques les plus acerbes sont venues des députés de la gauche de l'hémicycle ou de parlementaires français. Le chef des Verts, Daniel Cohn-Bendit, lui a signifié que "le peuple européen a dit 'non' à l'invasion de l'Irak", alors que Tony Blair s'est rangé aux côtés de George Bush. Le député UDF Jean-Louis Bourlanges a quant à lui démontré que la présidence britannique aurait fort à faire avec Paris. "Je ne trouve ni très magnanime, ni très fair play que vous profitiez d'un moment où mon pays à un genou en terre pour porter votre offensive", a-t-il expliqué.
Par Yves Clarisse pour REUTERS
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