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Contrôle des allocataires du RSA et morale républicaine

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Un utilisateur d’Actuchomage dénonce les procédures de contrôle des allocataires du RSA dans le Haut-Rhin. Nous relayons ici le topic qu’il a ouvert sur notre forum «Exprimez-vous».

altLecteur irrégulier mais toujours passionné par ce forum, j'y prends la parole pour la première fois. Voici pourquoi.

Allocataire du RSA, je fais à mon tour l'objet des mesures de contrôle annoncées par le Conseil Général du Haut-Rhin où je réside.

J’ai reçu une lettre signée par Éric Straumann, député et Président du CG. Ce courrier, le formulaire qui l'accompagne et la nature des pièces demandées m'ont abasourdi. Et le prétexte invoqué m'a semblé particulièrement indécent en cette période où la fraude aux plus hauts sommets de l'État s'étale au grand jour...

J'ai donc adressé à Mr Straumann et à ses services les réflexions (un peu agacées) que m'inspire sa démarche - à laquelle je vais me plier, comment faire autrement ? -, et aussi lui poser quelques questions précises sur les frais qu’elle oblige à engager pour satisfaire ses caprices.

J'ai eu envie de partager tout ça avec vous. Comme je n'ai pas de compte Facebook ou autre, si des gens veulent faire tourner ce texte je les y invite cordialement.

Amicalement à tous !

Armand Duplessis (un pseudo)

+++++++++++++++

Bonjour Mr Straumann,

Allocataire du RSA, j'ai récemment reçu de vos services une bien étrange lettre, accompagnée d'un formulaire visant à contrôler les allocataires du RSA du Haut-Rhin.

J'ai à ce sujet quelques remarques à faire, et aussi des questions précises à vous poser.

Mes remarques, tout d'abord, portent sur : La morale républicaine dont le signataire de cette lettre se prévaut tout en la piétinant - La probité - L'usage politique du mensonge et du mépris - L'absence de dignité de ceux qui humilient les plus faibles qu'eux.

Notons pour commencer que le signataire de la lettre (un dénommé Éric Straumann, député cumulard de son état) a récemment apporté son parrainage à un certain candidat à l'élection présidentielle, se portant ainsi garant de sa loyauté, de sa probité et de sa vertu.

Et voilà que la moralité de ce candidat (…) apparaît au grand jour : Menteur invétéré et de surcroît parjure, désormais poursuivi pour détournement de fonds publics, complicité et recel de biens sociaux, entre autres broutilles. Et peut-être demain pour faux et usage de faux, escroquerie aggravée, trafic d'influence…, délits dont on le soupçonne fortement et semble-t-il à bon droit.

Cet indélicat monsieur (je parle ici du garant de la vertu de ce candidat à la présidentielle) paraît donc très mal placé, compte tenu du caractère plus que douteux de ses engagements politiques, pour pérorer au sujet du bien commun et de l'honnêteté d'autrui.

Par ailleurs, et comme tout un chacun, je paie des impôts. Ils servent entre autres à rémunérer très confortablement le signataire de la lettre dans ses trop nombreuses fonctions.

Aurait-il alors l'obligeance de me communiquer ses relevés bancaires, son avis d'imposition, ses attestations d'assurance ? Car je voudrais vérifier qu'il n'a pas, à l'égal du candidat parjure qu'il parraine, des revenus et des propriétés possiblement illicites.

Notons ensuite, mais c'est très ordinaire, que le susdit signataire n'envisage pas un instant de lutter contre la fraude aux cotisations et aux diverses taxes et impôts sur les entreprises, laquelle selon le Sénat, la Cour des Comptes et l'OCDE, coûte infiniment plus cher à la nation (on parle de plusieurs dizaines de milliards d'euros par an) que les minuscules carambouillages de quelques assurés sociaux.
La lutte contre ces fraudes indécentes rapporterait certes énormément à la collectivité nationale, mais on ne mord pas la main de ceux qui vous jettent des miettes. (…) Il est plus facile d'être dur avec les faibles.

Rien non plus sur le non-recours aux droits sociaux, cette honte d'une République qui se veut pourtant «sociale», c'est inscrit en toutes lettres dans notre Constitution. Les mesures seraient pourtant simples à prendre. Mais il est vrai qu'elles donneraient tout son sens au mot «solidarité» (sans même parler d'égalité et de fraternité, ne rêvons pas !) et à la notion d'État de droit. On ne veut donc pas les mettre en œuvre.

Passons maintenant aux prétextes misérables et parfaitement démagogiques qui sont, sans la moindre vergogne, invoqués dans la missive. À qui veut-on faire croire pareilles sottises ?

Parce que non, les allocataires du RSA ne sont pas en défaut de signaler régulièrement leurs éventuels changements de situation. Ils sont même astreints à déclarer leur situation auprès de la CAF au début de chaque trimestre. Le problème n'est pas là, vous le savez fort bien, alors pourquoi insinuer le contraire ?

Et parce que oui, ils sont régulièrement contrôlés, très efficacement et même parfois de manière tatillonne par les CAF - lesquelles travaillent en collaboration étroite avec les autres services sociaux, les services fiscaux et les organismes bancaires et assurantiels. Il y a ainsi eu plus de trente-cinq millions de contrôles l'an dernier !

Alors pourquoi prétendre qu'il y aurait nécessité et même urgence pour le Conseil général du Haut-Rhin de contrôler lui-même les allocataires ?
En somme, vous paraissez très nettement brouillé avec la simple notion de vérité - à l'image de ce candidat parjure dont vous vous portez garant et dont vous êtes solidaire.

Évoquons ensuite votre emploi systématique d'un jargon parfaitement abscons pour le commun des mortels (jargon récemment analysé par le Défenseur des Droits, Mr Jacques Toubon, comme étant une arme très efficace de la bureaucratie et des politiques contre les assurés sociaux), l'effroyable complexité des documents envoyés (d'ailleurs l'ex-Cerfa n'a pas validé votre formulaire, et pourtant n'est-ce pas obligatoire ?), ainsi que leur tonalité menaçante. Tout ça est probablement volontaire et concerté.

Car certains allocataires du RSA sont illettrés, d'autres ne sont pas alphabétisés en français, et bien sûr la plupart n'ont pas fait d'études prolongées et se trouvent de ce fait fort démunis (cf. : le Défenseur des Droits, toujours lui) dans leurs rapports avec les administrations et les institutions.
Et comme vous avez pris soin de n'indiquer aucune adresse, aucun contact, rien pour se faire aider, je ne doute pas que votre démarche portera ses fruits. Vous serez rapidement en situation de radier un grand nombre d'allocataires qui n'auront pas compris ce qu'on leur demande ou se seront affolés. Radiations d'autant plus efficaces que les personnes concernées n'ont ni l’argent, ni le bagage social et culturel (comme on dit), ni évidemment l’énergie pour engager un recours auprès du tribunal compétent.

À ces éléments langagiers se rajoute l'ambiguïté manifestement intentionnelle concernant les dates indiquées pour les relevés bancaires qu'il faut fournir. «D'octobre 2016 à mars 2017», écrivez-vous, ce qui peut se comprendre «de début octobre à début mars» ou «de début octobre à fin mars», d'autant que votre courrier est daté courant mars. J’espère que dans le doute presque tous opteront pour la seconde interprétation. Quant à ceux trompés par votre formulation, tant pis pour eux, adieu le RSA !

On relèvera également l'exigence de fournir des attestations d'assurance «habitation, auto [sic], moto», je vous cite, sans qu'on puisse cocher une case indiquant qu’on n'a pas d'auto, pas de moto, ni même (comme ça arrive malheureusement parfois) un endroit pour faire dodo.
Aucune place non plus sur le formulaire pour porter des indications particulières (notamment pour les gens qui n'ont pas ou plus accès aux pièces demandées). Ils devront le faire sur une feuille volante… qui peut s’égarer.
Je n'y vois pas de l'incompétence mais une vraie volonté de nuire. Car si des allocataires n'envoient pas les attestations et autres pièces exigées, ils seront alors soupçonnés de fraude et peut-être radiés.

Parce que finalement de quoi s'agit-il ? De rien de ce que vous prétextez dans votre lettre, comme on l'a vu plus haut. Pour ma part, je pense que trois objectifs vous motivent, outre celui de désigner des allocataires à radier :

• Le clientélisme tout d'abord. Pour traiter une telle masse de données, il vous a forcément fallu embaucher et engager de puissants moyens informatiques, aux frais de la collectivité comme il se doit.

• Le désir d'accroître la complexité administrative et la bureaucratie qui sont sources de pouvoir et de puissance pour les individus de votre trempe.

• Enfin et surtout, la volonté féroce de dresser de nouveaux obstacles sur la route, déjà si difficile à parcourir car hérissée d'embûches, qui mène à l'accès aux droits.

Pour en terminer avec ces trop brèves remarques, j'ai été absolument stupéfait par les abondantes fautes d'orthographe, de grammaire et de syntaxe qui émaillent votre courrier. Non seulement vous faites honte à la langue française, non seulement vous méprisez et insultez ceux et celles auxquels cette lettre s'adresse (n'est-ce pas son but ?), mais surtout vous en arrivez à des phrases rigoureusement incompréhensibles, en témoigne le sublime «sans réponse de votre part ou de l'envoi [sic] d'un dossier incomplet [re-sic] dans le délai indiqué, votre droit au rSa [re-re-sic] sera automatiquement suspendu».
Mais j'aime aussi cette maxime imbécile : «Cette conjoncture devient critique». Et cette autre qui ne veut absolument rien dire : «Dans un contexte économique particulièrement contraint». Il y en a qui devraient repasser leur BEPC…

Il est fort probable que ces remarques ne vous ont pas intéressé (la République, l'égalité, la fraternité, la morale civique, le vivre ensemble et la citoyenneté, le respect d'autrui, la dignité, ces valeurs essentielles qui vous sont totalement étrangères), alors j'en viens à des questions précises.

• Les frais de photocopie induits par cette démarche obligatoire me seront-ils remboursés ? À ceux qui n'ont que quelques euros par jour pour survivre, se nourrir, acheter du savon et même parfois acquérir de nouveaux vêtements à Emmaüs ou dans les vide greniers - malheureusement, personne ne songe à leur offrir des costumes à 6.500 euros pièce ! -, il ne reste rien pour faire des photocopies.

• Puis-je vous envoyer les documents exigés en port dû ? Car le Conseil général a eu l'incroyable mesquinerie de ne pas fournir d'enveloppe T aux allocataires visés par ses soupçons. Cette humiliation supplémentaire nous oblige donc à payer (photocopies et envoi postal) pour ne pas voir supprimées les allocations auxquelles nous avons droit.

Et enfin :

• Sauf erreur de ma part, ce type de courrier comporte normalement la mention des recours possibles, avec les coordonnées des organismes chargés de les instruire, ceci sous peine de nullité, c'est bien ça ? Mais vous et la loi, on l'avait déjà compris, ça fait deux !

• Aucune mention n'est faite sur l'indispensable confidentialité des informations collectées. Seront-elles dispersées à tout vent ou traitées par des personnes tenues au plus strict secret professionnel ? On n'en saura jamais rien. Une humiliation de plus. Le respect de la dignité des personnes, de l'intimité et de la vie privée, tout comme celui des libertés individuelles, n'est pas votre problème.

Armand Duplessis - Allocataire du RSA

PS. Mr Straumann, je vous sens un peu crispé à la lecture de ce petit courrier. Alors pour vous détendre, je vous propose un jeu, une sorte de quizz. Des fautes d'orthographe et de syntaxe se sont glissées dans mon texte. Saurez-vous les retrouver ?

PPS. Je sais que Mr Fillon est juridiquement présumé innocent. Donc merci de ne pas me faire cette réponse stupide, mais plutôt de m'apporter vos lumières concernant les frais induits par votre contrôle aux dépens des plus pauvres.

Rajout de la rédaction d’Actuchomage : Nous avons modifié (allégé) quelques rares passages de ce courrier afin d’en faciliter la lecture. Si nos modifications posent problème à l’auteur, qu’il nous le signale par mail : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

Pour échanger sur ce sujet, rendez-vous sur le forum dédié.


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