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Accompagnement des chômeurs : Quand le privé fait pire que le public

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Les conditions d'accueil à Pôle Emploi sont souvent déplorables, voire odieuses. Mais celles de l'intérim, tant vanté, sont parfois pires. Témoignage.

Jean-Pierre (on l'appellera comme ça), chômeur en fin de droits non éligible au "plan rebond" car tombé au RSA bien avant le 1er janvier 2010, nous raconte comment il a été reçu par l'agence d'intérim qui l'a contacté, suite à une offre pour laquelle il a candidaté :

Voilà, je reviens de mon rendez-vous de 14h.

Arrivé pile-poil à l'heure. A 14h30, je ne suis toujours pas passé. Des inconnus poussent la porte de l'agence, plus de chaises libres. Rapidement nous sommes 10, puis 15... Le téléphone n'arrête pas de sonner, rendant les entretiens confus, brouillons.

Je regarde l'employée, elle semble débordée (j'apprendrai par la suite que l'agence est en sous-effectif du fait des congés des unes et des autres).

14h45 : arrive enfin mon tour. Nous sommes constamment coupés par les appels téléphoniques et les photocopies à effectuer (je constate, vraisemblablement, la très mauvaise organisation de l'agence; les appels entrants devraient être confiés, en cas de surpopulation des locaux, à une autre personne…).

Je précise, avant de développer plus avant mon ressenti, que la discrétion n'est vraisemblablement pas le souci primordial de ces professionnels : chaque personne débite devant le parterre son identité, son adresse, son numéro sécurité sociale, sa vie professionnelle devant tout un chacun. Pour la vie privée, passez votre chemin, on s'essuie allégrement les talons dessus !

Première question : "Vous êtes sans emploi depuis trois ans, pouvez-vous m'expliquer pourquoi n'êtes vous pas venu nous voir avant ? Vous n'êtes pas sans savoir que certains font appel à nos services au bout de deux mois sans travail ! Un trou de deux an et demi dans votre CV va mal passer auprès de l'entreprise en question !"

Je subis sans broncher, puis m'explique : "J'étais suivi par Pôle Emploi et l'intérim ne m'intéressait pas, car je préférais décrocher un CDI ou CDD, ne pas être tributaire de missions..."

"Vous savez, nous avons des CDI !" s'exclame-t-elle.
Je ne réponds pas, ne souhaitant argumenter plus avant. C'est ma première expérience de l'intérim, et je note que mes réticences étaient, hélas, fondées.

Le conseil de discipline continue (c'était réellement l'effet que cela me faisait) : "Je vois que vous n'avez pas le permis ! L'employeur va être contrarié ! Vous savez que c'est un handicap ?"

"Oui, maîtresse...", phrase que j'ai failli lui balancer tant la moutarde commençait à me monter au nez (ce n'est pourtant guère mon tempérament; je ne me souviens pas de ma dernière colère : c'est dire qu'il m'en faut beaucoup pour sortir de mes gonds).

Et ça continue : "Pôle-Emploi ne vous a-t-il jamais dirigé vers nous ? Quel est votre conseiller ?", et toujours 15 personnes dans le dos pouvant profiter de la conversation.

Puis, soudain, le ras le bol. "Madame, je ne suis pas venu vous voir pour subir des affronts, j'ai passé l'âge de la morale. Je trouve déplorable votre accueil, la discrétion ne semble pas vous étouffer..."

Elle bifurque alors sur le fait que l'emploi pour lequel je postule est difficile : "Le métier de télé-opérateur est très stressant. Serez-vous prêt à l'occuper après 3 ans d'arrêt de travail ?"

"Oui !"

"Je vais transmettre à l'employeur votre candidature, mais il y a déjà 5/6 personnes sur les rangs !"

Je me lève et bredouille une phrase d'excuse pour le coup de sang, mais je reste sur une très mauvaise impression.

Voir tout son parcours professionnel, sa vie privée, décortiqués devant 15 inconnus qui ne peuvent qu'entendre, tant la distance séparant les personnes en entretien et les autres est infime, je vous assure que c'est choquant. A force de recevoir les sans-emploi dans de si piètres conditions, comme du bétail, les employés de cette agence ne semblent plus faire cas de la confidentialité minimum nécessaire à ce type d'entretien. Et je pense que si le procédé perdure, c'est que personne n'a du jamais se plaindre... Trop de gens n'osent rien dire et se satisfont de ces accueils humiliants.

Enfin, ce qui est insupportable, c'est de se voir mis ainsi sur la sellette. Une personne qui ne vous connaît pas la minute d'avant et se permet aussitôt, devant des inconnus, de juger votre parcours professionnel, pointer vos lacunes en vous faisant comprendre à demi-mots que vous êtes responsable de votre situation — puisque vous n'êtes pas venu immédiatement vous inscrire chez eux (ce qui me fait doucement rire au vu des 7.500 pauvres missions sur tout le territoire national qu'affiche le site de l'agence), c'est ignoble.

Les demandeurs d'emploi se tournant vers l'intérim auraient-ils moins de droit à la dignité que le citoyen lambda ? En rentrant chez moi, je décide de me renseigner. Je décide également de contacter, dans quelque temps, le siège social de cette entreprise afin de leur demander des éclaircissements sur les conditions de confidentialité appliquées dans leurs agences (une fois que je serai certain que ma candidature, suite à cette altercation, est partie tout droit à la poubelle…).

J'appelle d'abord l'Inspection du Travail. Il semble que mon cas ne relève pas du droit du travail — encore que l'inspectrice va en parler avec un contrôleur, qui va faire des recherches et me rappeler… — mais, à la fois, de la CNIL pour le problème de confidentialité, et de la HALDE pour le ton inquisiteur des questions posées devant les autres personnes présentes, pouvant s'assimiler, d'après elle, à une discrimination, du fait d'un jugement agressif sur mon parcours personnel. (Sauf qu'une discrimination doit être prouvée, ce qui est difficile à l'oral.)

J'appelle aussitôt la CNIL. Mon interlocutrice me dit qu'ils contreviennent ouvertement à la loi Informatique et Liberté et me suggère d'envoyer une réclamation écrite avec les coordonnées de cette agence, afin qu'ils puissent dans un premier temps leur adresser un courrier visant à leur rappeler la loi (et, éventuellement, déléguer un contrôleur pour vérifier de visu la situation). Ce que je vais faire. Elle m'a dit — comme je le pensais — que tout organisme collectant des données à caractère personnel (coordonnées identitaires comme données professionnelles) est tenu de le faire en toute confidentialité, sans que quiconque ne puisse avoir accès à ces données, et qu'il serait souhaitable que les entretiens s'effectuent dans un bureau fermé.

Maintenant, je me sens mieux. Il ne faut pas se laisser faire.

JP

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Mis à jour ( Mardi, 24 Août 2010 13:12 )  

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