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Délinquance, xénophobie, terrorisme : la question de l'emploi est centrale

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Réagissant à la tuerie d'Oslo, l'économiste Jean Matouk nous explique les mécanismes de la montée de l'extrême-droite en Europe.

Il y a quelques mois, le politologue italien Raffaele Simone publiait Le Monstre doux dans lequel il analysait la «droitisation» générale de l'Europe. Il attribuait ce mouvement au fait que les gauches européennes n'avaient pas pu offrir d'alternative crédible, n'ayant pas compris à temps les mouvements sociologique et intellectuel profonds de nos sociétés.

Notre époque est devenue d'abord consommatrice, évidemment individualiste — ce à quoi la gauche prétend répondre par l'«autonomie» sans bien en définir les contours —, pressée, changeante, «zappante».

Selon Raffaele Simone, la droite a su s'associer aux entreprises et aux médias pour exploiter au mieux ces évolutions, en promouvant une société de divertissement et de réponse de court terme aux compulsions et fantasmes populaires.

Sous l'aile des promesses de droite, des personnes âgées

Ces facteurs se sont traduits, notamment sous impulsion anglo-saxonne depuis les années 1980, par une course générale à la baisse des taux d'imposition sur les hauts revenus et les entreprises, même de la part des socio-démocrates. Il n'y a pas de société sans impôt mais quand l'individualisme gagne et quand la société, peu à peu, se délite, la baisse des taux d'imposition accompagne logiquement cette lente dissolution.

A ces facteurs de progression de la droite gouvernementale classique s'ajoute, pour expliquer en son sein les progrès de son extrême — et la manifestation norvégienne de son «cerveau reptilien» —, un autre mélange complexe composé :
• du vieillissement général de l'électorat,
• de la montée de la délinquance évidemment liée à la pauvreté,
• de l'insuffisance des moyens du couple justice-police pour y faire face.

Quand les inégalités se creusent, comme c'est le cas dans toute l'Europe, et quand le chômage reste élevé un peu partout, il est «naturel» que la délinquance s'élève.

Et les personnes âgées, plus démunies face à elle, sont tentées de chercher l'aile protectrice des promesses de la droite. Promesses qu'elle ne peut tenir car, par ailleurs, elle ne cesse de chercher à réduire les dépenses publiques, donc les moyens notamment affectés au couple justice-police. La droite gouvernementale ne sort pas de ce dilemme dont elle est responsable.

C'est la faute aux immigrés…

Mais la droite extrême, elle, s'en sort par un discours xénophobe, raciste, islamophobe. Le chômage ? La faute aux immigrés qui prennent les places des bons et «vrais» Européens ! En oubliant le «plafond de verre» qu'en France, au moins, l'on oppose encore dans nombre d'entreprises, à l'embauche et à la progression des jeunes issus de l'immigration. En oubliant, plus prosaïquement, que dans toute l'Europe, les jeunes en général et, plus encore, bacheliers et diplômés de l'université, n'ont guère de goût pour les emplois d'éboueurs, de femmes de ménage et de serveurs dans les restaurants. Par qui les remplacer ? Par des immigrés, qui n'ont ensuite rien de plus pressé que d'obtenir la nationalité. Sans accepter, pour autant, d'abandonner leurs coutumes.

La délinquance ? A 70%, le fait des immigrés ! En confondant sciemment les immigrés récents et les nationaux issus de l'immigration ! Les statistiques «ethniques» des prisons, interdites en France mais qui circulent sous le manteau, exposant le pourcentage élevé d'immigrés parmi les détenus, ont malheureusement toutes les chances d'être grossièrement exactes, car qui sont les victimes prioritaires de la crise économique latente depuis trente ans ? Les fils et petits-fils des immigrés des années 60-70 et qui, études terminées à tous niveaux, ne trouvent pas d'emploi, sont discriminés et ne résistent pas aux petits, puis aux grands trafics.

Ajoutons, pour la France, la rémanence de la guerre d'Algérie, qui diminue lentement mais dont on reconnaît bien l'existence aux drapeaux algériens qui ressortent lors des matchs de foot France-Algérie, ou lors de quelques mariages de familles issues de l'immigration et de nationalité française.

… musulmans !

Reste la composante islamophobe. Elle est évidemment colinéaire au rejet «économique» de l'immigré, car l'islam est la religion majoritaire chez les immigrés d'Europe. Aux Etats-Unis, l'islam est la cause du 11 Septembre !

L'islamophobie est liée aussi à quelques provocations intégristes, qui sont moins l'expression d'un islamisme extérieur et conquérant qu'une affirmation individuelle identitaire face aux discriminations de toutes sortes dont sont victimes les immigrés.

Elle amène les fous de l'extrême droite à brandir les vieilleries historiques de la lutte contre les Maures et les Sarrasins.

Un vrai défi pour le candidat de la gauche

Le glissement général à droite de l'électorat, qui fait jaillir Marine Le Pen comme les droites extrêmes dans toute l'Europe, déplace évidemment les centres de gravité électoraux respectifs, des candidats de droite comme de gauche. Nicolas Sarkozy l'a bien intégré, lui qui, en 2007, avait su capter les voix du Front national et qui s'efforce de les récupérer aujourd'hui par des transgressions régulières de la frontière des deux droites.

Mais pour le candidat de gauche, c'est beaucoup plus compliqué. Il doit d'abord, à contre courant, annoncer une hausse des impôts. Il faut évidemment l'intégrer dans une réforme de la fiscalité juste et efficace. Mais la moitié, voire les deux tiers de l'électorat, peut-être sa totalité si l'on augmente la TVA, devra payer plus. Nicolas Sarkozy l'attaquera immédiatement là-dessus, même si, réélu, il devrait inévitablement se dédire et augmenter, à son tour, les prélèvements.

L'emploi, pour lutter contre la délinquance

Mais que faire, s'agissant de la délinquance, face au discours sécuritaire et islamophobe ? Expliquer, inlassablement, qu'on doit aller aux racines du chômage, cause primaire de ces dérives. Annoncer à des Français qui gardent quand même, pour cette moitié là au moins, un minimum de raison et un attachement aux principes républicains, un vrai plan de développement industriel initié, promu, «cornaqué» par l'Etat pour créer ou recréer des filières créatrices d'emplois dignes de ce nom.

Dire que l'emploi n'est pas suffisant pour réduire la délinquance, certainement ! Affirmer la nécessité de sanctions pour tous les délits comme le dit, d'ailleurs, le projet socialiste ? Sans aucun doute ! Réformer l'éducation ? Bien sûr ! Mais la condition nécessaire du recul de la délinquance — donc du racisme et de l'islamophobie qu'elle suscite dans certaines populations — et des «manifestations» communautaires, c'est quand même bien l'emploi.

(Source : Rue89)

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Mis à jour ( Mardi, 20 Décembre 2011 15:22 )  

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