Ils réclament la réintégration, chez son sous-traitant Arcade, de Faty Mayant, une femme de ménage licenciée il y a un an. «Quand on arrivait avec nos tracts et nos sifflets, on se heurtait aux réactions hostiles des clients. Maintenant on leur offre un verre, on leur parle... Ils nous écoutent parfois», rapporte Elsa (1), membre du collectif. Ils plient les gaules vers 22 heures. «Et nous mettons un point d'honneur à ramasser les miettes après notre passage.»
Depuis plus d'un an, Faty Mayant fait du bruit. Depuis plus d'un an, Faty Mayant n'a pas travaillé. Ce matin, l'ancienne femme de ménage de l'Ibis Montrouge passe aux prud'hommes de Paris. Elle était employée dans l'entreprise de nettoyage Arcade, sous-traitant du groupe hôtelier Accor (hôtels Ibis, Mercure, Novotel, Formule 1, etc…) depuis douze ans. En 2002, elle est la figure phare d'une longue grève des femmes de ménage, qui parviennent à améliorer, un peu, leurs conditions de travail.
En mai 2004, Arcade licencie Faty Mayant pour «dépassement de ses heures de délégation syndicale». Un prétexte, selon Faty et Jean-Pierre Tavernier, de SUD-Nettoyage. «Son licenciement intervient juste avant l'élection des élus syndicaux. Après la grève de 2002, Accor s'était engagé à contrôler les conditions de travail chez ses sous-traitants. Faty, élue au CHSCT (2), voulait prouver que ce n'était pas le cas. La direction s'est débarrassée d'elle.» Arcade n'a pas souhaité répondre aux questions de Libération.
En menant la grève des femmes de ménage d'Arcade, Faty s'est fait remarquer dans un secteur où la règle est le silence, et la pratique syndicale une curiosité. Trop de salariés précaires qui peinent à sortir de l'isolement de leurs horaires décalés. Trop de femmes, souvent immigrées, qui parfois maîtrisent mal le français. «Le secteur du nettoyage est victime d'une répression syndicale, poursuit le délégué central de SUD. Les entreprises nous empêchent régulièrement de rencontrer les salariées, nous barrent l'accès aux bâtiments où elles travaillent.»
Pour réintégrer son poste, Faty Mayant a fait un recours auprès du ministère du Travail. Selon un document que Libération s'est procuré, la direction régionale du travail a conclu après enquête à la «discrimination à l'encontre de Faty Mayant». Soulignant que le comité d'entreprise n'a pas été consulté, ce qui est illégal, la note préconise de refuser le licenciement. Le ministre n'a pas suivi. «C'est politique, il faut casser Faty», accuse Jean-Pierre Tavernier. Ultime recours : une demande d'annulation déposée au tribunal administratif, qui n'a pas encore rendu sa décision. Et les prud'hommes, ce matin. L'audience risque de rester symbolique : tant que le tribunal administratif ne s'est pas exprimé, les prud'hommes ne peuvent décider de sa réintégration.
L'interminable lutte de Faty pour réintégrer son poste risque de décourager celles qui voudraient à leur tour faire valoir leurs droits. Après la révolte de 2002, un protocole de fin de grève prévoyait d'alléger les cadences et de rallonger les temps partiels. «Seules les anciennes d'Arcade y ont le droit, rapporte Faty Mayant. Les nouvelles font jusqu'à 30 chambres en six heures, leur contrat ne dépasse parfois pas quatre heures par jour.» Si la situation des femmes de ménage n'a pas beaucoup évolué, celle d'Arcade, en revanche, a empiré : effrayé par la mauvaise presse liée à la grève, Accor a rompu une partie de ses contrats. «Il ne nous reste qu'une poignée d'hôtels dont le nettoyage est sous-traité à Arcade», certifie Cathy Kopp, DRH du groupe Accor, qui a internalisé une partie de l'entretien de ses hôtels. «Si en 2002, le nettoyage de 200 de nos 800 hôtels était sous-traité, ils sont un peu moins de 100 aujourd'hui.» Cathy Kopp vient d'être nommée membre de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Le Collectif de solidarité à Faty va continuer à pique-niquer. Et à noter, en fonction de leur accueil, les hôtels «visités» chaque vendredi. «On pourrait faire le Gault et Millau des hôtels Accor», rigole un membre. Mais Faty attendra encore pour travailler.
(1) Le prénom a été modifié.
(2) Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Un article de Sonya Faure sur www.liberation.fr
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