Patrick Buisson manque vraiment d'imagination

Jeudi, 31 Mars 2011 14:56
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Selon Paris Match, ce conseiller très spécial de Nicolas Sarkozy, ancien journaliste à l'hebdomadaire d'extrême-droite Minute, plaide pour «une grande loi de réhabilitation du travail qui lutterait contre l’assistanat en réservant, par exemple, le RSA et le RMI aux Français qui ont un travail». Or, pour résoudre le problème de «l’assistanat», nous avons nettement mieux à lui proposer !

Les réactions à ce portrait de Paris Match se rejoignent.

Par exemple, Eco89 remet les pendules à l'heure en rappelant que le RMI à proprement dit n'existe plus : il a été remplacé en 2009 par le RSA "socle", minimum vital d'environ 400 €/mois destiné à ceux qui n'exercent, justement, aucune activité salariée, soit parce que le chômage de longue durée les a durablement exclus du marché du travail — quelque 680.000 sont actuellement inscrits à Pôle Emploi —, soit parce qu'ils souffrent de difficultés sociales — logement, santé, famille… — qui les en éloigne.

Mais pour inciter ces personnes à reprendre un emploi (pour peu qu'il en existe en quantité suffisante) et/ou apporter un complément de revenu aux travailleurs pauvres et/ou précaires (laissons tomber la qualité, la faiblesse des salaires étant assumée par la collectivité; ce qui nous fait dire que, dans l'histoire, ceux qui en profitent directement sont bel et bien les employeurs), Martin Hirsch a créé le RSA "activité". Or, ces travailleurs pauvres «ne représentent que 36% des allocataires du RSA sur un total de 1,8 million de personnes, rappelle Eco89. Réserver exclusivement le RSA à ces travailleurs reviendrait à priver 1,3 million de foyers de l'essentiel de leurs revenus. La proposition de Patrick Buisson semble donc au mieux risquée, au pire résolument démagogique, en opposant ceux qui bossent et ceux qui glandent, ceux qui contribuent à la richesse nationale et ceux qui en profitent».

Eco89 note également que Paris Match a rectifié son article : «Précision : il fallait lire, à propos de la loi sur la réhabilitation du travail, qu'elle réserverait le RSA et le RMI aux bénéficiaires qui ont un travail, et non aux seuls Français comme écrit par erreur»... Petite correction qui nous amène au thème sous-jacent et raciste de la préférence nationale (alors que, pour les étrangers, l'obtention du RSA est désormais beaucoup plus stricte qu'avec l'ancien RMI, précise à juste titre Eco89).

«Exclure les étrangers du RSA et du RMI, c'est très exactement ce que réclame le FN. C'est même une des rares constantes et peut-être la mesure la plus emblématique de son programme», rappelle le NouvelObs. Il aurait fallu, hier soir sur le plateau de Guillaume Durand (l'affligeant "Face aux Français" sur France 2), que quelqu'un ose remettre à leur place les ignobles Luc Ferry et Yves Thréard, qui ont osé affirmer que les programmes du FN de Marine Le Pen et du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon sont «très proches, y compris sur le plan économique» : rien n'est plus faux ! Cet imbécile de Plantu a réussi son coup.

Quelle «réhabilitation du travail» ?

Nous ne nous éterniserons pas sur le fait que la «valeur travail» prônée par Nicolas Sarkozy est une escroquerie : pour la caste qu'il défend, le travail est une "charge", un "coût" à réduire par tous les moyens, non une "valeur". De même, pour les ultralibéraux qui gangrènent le monde et dont Nicolas Sarkozy est un zélé serviteur, la lutte contre le chômage ne passe pas par la création d'emplois dignes de ce nom, qui permettent de vivre et de se projeter, mais par la lutte contre les chômeurs, qui va de pair avec la promotion de l'emploi en miettes (car il faut bien les forcer à accepter ces jobs de plus en plus pourris).

D'ailleurs, faut-il le rappeler, le chômage est une composante essentielle du bon fonctionnement de notre système économique. Monsieur Patrick Buisson le sait pertinemment.

Donc, quand il parle de «réhabiliter le travail» alors que près de 5 millions de personnes sont inscrites à Pôle Emploi, que 25% de nos salariés gagnent moins de 750 €/mois, que l'intérim est le premier employeur de France et que nos entreprises continuent de délocaliser, il se fout ouvertement de la gueule du monde !

Contre les chômeurs et les pauvres, oser l'euthanasie

Plutôt que de s'enliser sur le terrain archi-bourbeux et rebattu opposant le travail (qui s'amenuise) à l'assistanat (qu'on appelait autrefois la solidarité), nous avons un meilleur projet à soumettre à M. Buisson. Une idée nettement plus ambitieuse, et proche de ses convictions intimes...

Plutôt que de dépenser des millions dans des politiques de l'emploi qui ne servent à rien, sans compter ce que coûte la protection sociale des chômeurs ainsi que le RSA, la CMU et toutes ces aides accordées à nos «assistés», nous proposons à Patrick Buisson, en alliance avec Xavier Bertrand, Roselyne Bachelot et de grands laboratoires pharmaceutiques, d'élaborer une pilule magique qui serait délivrée gratuitement à tous nos losers et autres indésirables (basanés, handicapés, et pourquoi pas syndicalistes, salariés dépressifs…).

Pour ne pas faire d'amalgame avec les méthodes expéditives d'un autre temps, cette pilule serait prescrite «sur la base du volontariat». Au lieu de l'appeler «Solution finale», on l'appelerait «le Suicide citoyen». Son effet serait doublement bénéfique, car qui n'a pas pensé à mettre fin à ses jours, accablé par l'échec, angoissé à l'idée de ne plus pouvoir payer son loyer et se retrouver à la rue ? Qui n'a pas songé qu'en finir dignement avec ce monde cruel serait préférable que de continuer à survivre avec 400 € par mois et le minimum vieillesse pour horizon ? Non seulement le «Suicide citoyen» soulagerait définitivement toutes ces personnes condamnées à la mort sociale dans une lente agonie, mais permettrait de réaliser des économies immédiates !

A ceux qu'on a exclus du système et qui n'ont pas pu remonter dans le train de choisir : ou tu continues à vivre dans la misère et la honte en grévant les finances publiques, ou tu te retires dignement et sans douleur, promis ! Et pour féliciter ceux qui, par ce geste empreint de civisme, auront décidé de ne plus rien coûter à la France, pourquoi ne pas imaginer une petite récompense, comme la prise en charge des frais d'incinération en partenariat avec Roc-Eclerc ? Au total, l'investissement serait moins onéreux que celui de la grippe A, et très rapidement amorti.

Allez, Monsieur Buisson, un peu de franchise et d'imagination, que diantre !

SH


A (re)lire par ailleurs l'excellent portrait de Patrick Buisson paru dans Télérama en novembre 2009.


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Mis à jour ( Mardi, 07 Juin 2011 01:53 )