A propos du taux de chômage trimestriel de l'Insee

Jeudi, 02 Septembre 2010 13:15
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9,3% en métropole et 9,7% avec les DOM (contre 9,5% et 9,9% le trimestre précédent) : Christine Lagarde, bien évidemment, se félicite. Sauf que le chômage au sens du BIT calculé par l'Insee repose sur des critères bien plus étroits que ceux de Pôle Emploi.

Utilisé au niveau international, l'indicateur du BIT (Bureau international du travail) se base sur une définition du chômeur très restrictive qui reflète encore moins l'ampleur et la diversité du phénomène.

En effet, peut-on lire sur le site de l'Insee, selon l'application de la définition internationale adoptée en 1982 par le BIT, un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions : être sans emploi, c'est à dire ne pas avoir travaillé, ne serait-ce qu'une heure, durant une semaine de référence ; être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ; avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de 3 mois. Donc, un chômeur au sens du BIT n'est pas forcément inscrit à Pôle Emploi, et inversément.

De plus en plus de "chômeurs-travailleurs"

Par conséquent, cette définition exclut de fait toutes les personnes travaillant à temps partiel mais désireuses de trouver autre chose (catégories B, C et E de Pôle Emploi, qui sont ultramajoritaires et dont le nombre, lui, continue de croître), ainsi que celles qui se contentent de contrats temporaires, faute de CDI (sans compter que si leur CDD dure plus de 4 mois, Pôle Emploi les désinscrit, ce qui soulage ses listes). Pourtant, l'explosion du sous-emploi et de la précarité est non seulement une grave conséquence de la crise, mais une tendance lourde depuis vingt ans. Ceux qui nous promettent le retour du "plein emploi" — comme par hasard, ils sont aussi les ennemis jurés des 35 heures — nous proposent, en réalité, un "plein emploi précaire" que les outils statistiques s'empressent de tronquer.

Cette définition exclut également les chômeurs en stage, en formation ou en arrêt maladie (catégorie D). Si un salarié en formation ou en arrêt de travail demeure un salarié, il n'en va pas de même pour un privé d'emploi... Même chose pour le "halo du chômage", cette nébuleuse d'actifs qui souhaitent travailler mais ne sont pas comptabilisés au sens du BIT car, n'étant pas disponibles pour de multiples raisons, y compris le découragement, ils ne recherchent pas un emploi. En octobre dernier, l'Insee en avait recensé 770.000.

La quantité, pas la qualité

C'est la catégorie A qui se rapproche le plus de la définition du BIT dans la mesure où elle comprend les chômeurs sans emploi tenus d'accomplir une recherche active. Et c'est aussi cette catégorie qui est la plus fréquemment avancée lors de la publication des chiffres mensuels de Pôle Emploi, alors qu'elle ne suffit pas non plus à rendre compte de la situation du marché du travail puisqu'elle exclut également un grand nombre de personnes. Heureusement que les catégories B et C sont plus volontiers citées par les médias. Par contre, les catégories D et E passent toujours à la trappe.

Moins que la classification répertoriée dans la publication mensuelle de la Dares/Pôle Emploi, le taux de chômage trimestriel de l'Insee assène des quantités sans finesse. Et puisqu'on parle de quantité, sachez que le chiffre de l'Insee est le fruit d'une enquête — basée sur un panel de 75.000 personnes seulement ! — et non d'une comptabilisation administrative qui englobe désormais 4,8 millions d'individus avec les DOM.

Le "recul" est donc biaisé : si, selon ces critères statistiques, moins de personnes sont considérées comme chômeuses, "l'amélioration du marché de l'emploi", sa "meilleure orientation" et le "cercle vertueux" qu'on lui assortit sont un pur mensonge, copieusement enrobé de précarisation. D'ailleurs, l'enquête trimestrielle de l'Insee le dit : la part des personnes en CDD ou en intérim a continué d'augmenter alors que celle des salariés en CDI poursuit son recul. De plus, notre taux d'emploi stagne à 63,8% (sur un an, il a reculé de 0,4%).

Eurostat, l'agence de statistiques de l'Union européenne qui publie un taux de chômage mensuel, a annoncé mardi un taux de 10% pour la France, DOM inclus, en juillet comme en juin. Donc, parler de "première baisse significative" c'est — une fois de plus — aller trop vite en besogne. D'autant plus que les données de l'Insee sont une estimation corrigée des variations saisonnières à "plus ou moins 0,3 point"...

SH

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Mis à jour ( Mercredi, 17 Novembre 2010 03:53 )