Surhommes ou dilettantes : nos bienheureux politiques

Mardi, 31 Juillet 2012 09:30
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Rémunération, avantages, évolution de carrière… Faut-il rappeler qu'un gouffre sépare nos dirigeants politiques de ce que vivent les gens ordinaires, qu'ils soient salariés ou en recherche d'emploi ?

Ne vous êtes-vous pas interrogé sur la facilité avec laquelle nombre de nos dirigeants passent d'une fonction à l'autre ? Un temps ministre de l'Economie et des Finances, puis de l'Industrie et de la Recherche, puis ministre des Affaires étrangères... Un temps ministre du Budget, puis de la Communication, puis ministre de l'Intérieur... Un temps secrétaire d'Etat chargé de la Consommation et du Tourisme, puis ministre de l'Education nationale... Comme il semble aisé, voire même évident, de passer d'un portefeuille à l'autre quand on fait carrière dans les hautes sphères de la politique !

Ne vous êtes-vous pas demandé comment ces surhommes, censés gérer les affaires du pays, peuvent occuper successivement des postes aussi divers et variés alors que vous, dans votre vie professionnelle, avez toutes les difficultés à évoluer au sein de votre entreprise malgré vos qualités, votre expérience et votre ancienneté ? Ne vous êtes-vous pas demandé comment font ces touche-à-tout pour vaquer d'une fonction à l'autre, chacune demandant des connaissances aussi pointues que différentes alors que vous, dans votre recherche d'emploi, on vous demande de justifier un profil, des diplômes et des compétences ultra précis (pour ne pas dire strictement cloisonnés) qui soient en totale adéquation avec un poste où il faut être opérationnel de suite ?

Sont-ils vraiment des surhommes omniscients qui maîtrisent vite et parfaitement tous leurs sujets, ou apprennent-ils "sur le tas" ? Dans ce cas, on peut dire qu'ils sont autodidactes. Mais pourquoi, sur le marché du travail, les autodidactes sont-ils méprisés et refoulés alors qu'en politique, on leur donne visiblement une chance ? Pourquoi le dilettantisme en politique est-il chose courante alors que, dans le monde du travail, il n'est pas toléré ?

Pourquoi, sur le marché du travail, vous êtes déjà trop vieux à partir de 40 ans alors qu'en politique, vous êtes un jeune loup plein d'avenir ?

Pourquoi, dans la vraie vie, ceux qui cumulent plusieurs jobs le font par nécessité financière alors qu'en politique, le cumul des mandats est un vrai plaisir indemnisé en conséquence (ce qui ne gâche rien) ?

Pourquoi, en politique, on ne lésine pas sur les effectifs, les rémunérations et les avantages en nature alors que dans la vraie vie, y compris dans la fonction publique, on rogne sur les effectifs, les salaires, les avantages et les droits ? Quand on est en politique, on fait partie du 1% des Français les mieux payés. Or, dans la vraie vie, la moitié des salariés gagne moins de 1.700 €/mois (seuls 10% en gagnent plus de 3.000) et la majorité ne dispose ni d'un logement de fonction, ni d'une voiture avec chauffeur.

Pourquoi, en politique, la précarité inhérente aux mandats n'est pas prise à la légère, nos ministres et élus bénéficiant de régimes spéciaux de chômage et de retraite, voire d'indemnités à vie sans se faire traiter d'
«assistés» tandis que la protection sociale des citoyens ordinaires est sans cesse attaquée, que la précarité de l'emploi s'est banalisée et qu'une «sécurisation des parcours professionnels» reste toujours dans les cartons ?

Alors oui : en principe, quand on est président, ministre ou élu de la République, il faut travailler dur et être efficace. Mais les salariés ordinaires ne travaillent-ils pas dur, eux aussi, de plus en plus dur, et certains même pendant leurs vacances ? Ne sont-ils pas efficaces, voire très productifs ?

Alors oui : en principe, quand on est président, ministre ou élu de la République, il ne faut pas non plus commettre d'erreurs — en principe... Mais le salarié qui commet une faute est-il moins sanctionné par son employeur qu'un homme politique par ses électeurs et les contribuables qui le paient ? Pas vraiment.

Que de questions ! Mais en voici une autre : comment voulez-vous que nos dirigeants, qui
jouissent d'égards, de privilèges et de pratiques radicalement opposés à ce que connaît la majorité de leurs concitoyens, puissent se mettre à leur place ? En effet, il est tellement humain de finir par s'imaginer que ce qu'on vit et ce dont on bénéficie, tout le monde peut aussi le vivre et en bénéficier... Comment voulez-vous que cette élite, qui évolue dans un monde aussi radicalement différent, puisse être consciente de ce que vivent réellement les Français ?

Une dernière pour la route. Quelle est le traitement le plus humain qu'on puisse prodiguer aux individus ? Celui des hommes politiques qui baignent dans l'aisance financière et la sécurité ainsi que la possibilité d'exercer sans limite leurs multiples talents, ou celui du commun des mortels, bridé dans un carcan économique, professionnel et social de plus en plus rigide et étroit ? Je vous laisse méditer...

SH

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Mis à jour ( Mardi, 31 Juillet 2012 11:20 )