Sarko, les SDF et les «intégristes de la liberté»

Vendredi, 28 Novembre 2008 16:00
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Lors de son discours de Meaux, terres amies de Jean-François Copé, Nicolas Sarkozy, parlant des SDF la main sur le cœur, a fustigé ce matin «les intégristes de la liberté» qui, au nom de celle-ci, pratiquent la «non-assistance à personnes en danger».

Tentant de désamorcer la polémique sur le ramassage obligatoire des SDF évoqué par Christine Boutin tandis qu'on découvrait le corps d'un sixième sans-abri décédé à Paris, Nicolas Sarkozy a demandé à François Fillon de recevoir les associations afin «d'imaginer une solution médiane» pour ceux qui refusent l'hébergement d'urgence : c'est-à-dire de monter dans des cars qui vont les conduire à des dortoirs collectifs où ils ne dormiront pas à cause de la promiscuité, et risqueront même de se faire voler le peu qu'ils possèdent. Tout est affaire de bonne conscience : il s'agit (avec des trémolos dans la voix) «d'éviter de se réveiller le matin la honte au cœur en entendant qu'un pauvre homme est mort», non de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour qu'ils aient chacun un petit chez soi avec une porte fermée à clef, condition essentielle à leur dignité, leur intimité et, surtout, leur réinsertion.

Selon lui, «il y a un équilibre de bon sens à trouver entre les intégristes de la liberté et de la mise d'office en centre d'urgence» : les associations d'aide aux SDF, qui les connaissent mieux que lui et ont été choquées par la proposition de madame Boutin, apprécieront d'être mis dans le même sac que la très rigide ministre.

Pour autant, «est-ce qu'un homme ou une femme en pleine nuit dans le Bois de Vincennes, malade, peut-être ayant bu, vivant dans des conditions épouvantables, a la lucidité pour savoir s'il veut ou ne veut pas ? Pour moi, elle n'est pas lucide», a décrété le président dans un français toujours aussi pur. L'allusion est larvée, mais coutumière : ils boivent, ils sont sales, c'est plus ou moins de leur faute s'ils en sont là. Mais, belle âme, il a établi un parallèle avec des passants qui seraient témoins d'un homme se jetant d'un pont «dans la Seine ou dans la Marne» sans qu'on lui porte secours : «C'est de la non-assistance à personne en danger».

Pourtant, Nicolas Sarkozy est le premier défenseur des «intégristes de la liberté» !

Ceux qui prônent la liberté totale du marché (y compris sur des segments vitaux qui, relevant de l'intérêt général tels que l'eau, les matières premières alimentaires, l'énergie, la santé, le logement, l'éducation, la protection sociale… ne devraient surtout pas lui être confiés), ceux qui prônent la non-ingérence de l'Etat sur leurs petits affaires mais attendent tout de lui quand ils ont merdé, ceux qui revendiquent la liberté de spéculer même s'ils affament des populations, de commettre des délits financiers sans être inquiétés (la prison, c'est pour les pauvres), d'échapper à l'impôt alors qu'ils ont largement les moyens de s'en acquitter sans que cela ne grève considérablement leur train de vie... La liberté de licencier même quand ils font des bénéfices. La liberté de nous faire travailler plus pour gagner moins, le dimanche ou jusqu'à 70 ans, en détruisant nos acquis sociaux. La liberté de harceler, d'insulter et de criminaliser les victimes que ces mêmes chantres du libéralisme ont mis sur la paille pour mieux s'engraisser.

Les vrais «intégristes de la liberté» c'est cette poignée de puissants, cyniques et avides, qui à eux seuls font la pluie et le beau temps d'une majorité d'être humains sur terre, et qui mènent aujourd'hui le monde à sa perte. Nicolas Sarkozy aura beau proférer des discours hypocrites qui avancent le contraire : c'est pour cette poignée d'individus qu'il travaille exclusivement. Il l'a déjà prouvé depuis son élection. Il ne changera pas de cap.

Traiter d’«intégristes de la liberté» les défenseurs des SDF, c'est l'hôpital qui se fout de la charité.
La «non-assistance à personnes en danger» c'est ce que ses amis, «intégristes de la liberté» et criminels aux mains propres, font chaque jour depuis des lustres et en toute impunité.

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Mis à jour ( Vendredi, 28 Novembre 2008 16:00 )