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Unedic-ANPE, une fusion faute de mieux

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Promise par Nicolas Sarkozy, la fusion de l'ANPE et de l'Unedic est sur les rails. Si elle devient effective, le gouvernement pourra se féliciter de s'être attaqué avec succès à un projet récurrent de la politique de l'emploi depuis un quart de siècle. Christine Lagarde, la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, doit présenter un projet de loi à la mi-novembre.

Pourtant, la nécessité de rapprocher le "prescripteur" du payeur ne va pas de soi. Après tout, les médecins libéraux ne travaillent pas dans les locaux de la Sécurité sociale ! Et nul n'a envisagé de demander aux compagnies d'assurances auprès desquelles on assure son logement de faire également office d'agents immobiliers.

Néanmoins, chacun convient que le service actuellement fourni aux demandeurs d'emploi n'est pas satisfaisant, et les chômeurs eux-mêmes se plaignent de dépendre de deux organismes à la culture très différente : une ANPE plutôt sociale malgré son statut d'administration, et des Assedic très administratives bien que cogérées par les syndicats. Tant à gauche qu'à droite, rapprocher les deux maisons apparaît plutôt comme une bonne idée. La plupart des pays européens l'ont d'ailleurs fait.

Deux raisons principales ont jusqu'à présent dissuadé les différents gouvernements de franchir le pas. Une bonne : les effets sur l'emploi d'un tel rapprochement restent aléatoires. Une mauvaise : la différence de statut entre l'ANPE de droit public et l'Unedic, une association privée gérée par les partenaires sociaux, rend cette fusion coûteuse et socialement délicate.

Tous deux avocats d'affaires, Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde savent pertinemment que cette opération s'apparente à une OPA hostile puisque la cible - l'Unedic - est plus que réservée. Mais la marge de manœuvre des partenaires sociaux est limitée. Non seulement l'assaillant a - par définition - la loi pour lui mais, depuis des années, il aide l'Unedic, dont le déficit cumulé dépasse les 10 milliards d'euros, à résoudre ses problèmes de fin de mois.
De plus, l'Etat y met les formes : l'Unedic ne disparaîtra pas. "Les partenaires sociaux continueront d'administrer en totale indépendance le régime d'assurance-chômage", affirme même Mme Lagarde. Ce régime étant financé par des cotisations sociales, il est normal que les partenaires sociaux décident de l'allocation de ces ressources. Autre concession du gouvernement à laquelle le patronat et les syndicats sont manifestement sensibles : le conseil d'administration du nouvel ensemble pourrait être "majoritairement" composé de partenaires sociaux. Néanmoins, son rôle sera limité puisqu'il ne devrait être que "consulté" sur le choix du véritable patron, le directeur général, qui sera, lui, nommé par le gouvernement.

Ces engagements seront-ils suffisants ? Pour le moment, les réactions des confédérations mais aussi des représentants du personnel des deux entités concernées restent modérées. Malgré tout, l'affaire n'est pas simple : les salariés conserveront leur statut actuel mais un statut commun - qu'on suppose de droit privé - sera mis en place pour les nouveaux embauchés. Comme les salaires de l'ANPE sont inférieurs à ceux de l'Unedic, environ 300 millions d'euros seront provisionnés pour une mise à niveau.

Mme Lagarde affirme que le jeu en vaut la chandelle. Les demandeurs d'emploi seront mieux suivis, ce qui devrait, selon elle, faciliter la réalisation des deux objectifs du quinquennat que lui a assignés M. Sarkozy : ramener le chômage à 5% et élever le taux d'emploi à 70%. Pourtant, devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, la ministre n'a pas su expliquer ce qu'elle avait déclaré dans la presse, à savoir que la fusion allait permettre de diviser par deux le nombre de chômeurs suivis par chaque agent. D'ailleurs, le nombre de dossiers traités par agent de l'ANPE n'est pas de soixante, comme l'a d'abord annoncé Mme Lagarde, mais du double.

Que la fusion Unedic-ANPE facilite les démarches des demandeurs d'emploi est probable. Qu'elle leur permette de retrouver plus facilement un travail l'est moins. Il y aurait actuellement de 200.000 à 400.000 offres d'emploi non satisfaites, soit parce que les chômeurs ne sont pas intéressés (BTP, restauration), soit parce qu'ils ne sont pas compétents (santé, soins à la personne, informatique, mécanique). Dans le premier cas, il faut que les employeurs améliorent la rémunération proposée mais aussi que les demandeurs d'emploi soient davantage incités à accepter les emplois offerts. D'où la question - non résolue - de la responsabilité des sanctions.

Dans le second cas de figure, il faut former les chômeurs. C'est sans doute une des principales lacunes de la politique qui est en train d'être élaborée. Rapprocher l'Unedic de l'ANPE indique que le meilleur service à rendre à un chômeur est de faciliter son indemnisation. Sans nier cet aspect, on peut soutenir qu'il faut surtout le remettre au travail, si besoin est en lui proposant une formation. Dans les années qui viennent, il est même vraisemblable que le nombre de chômeurs diminuera mais que ceux qui seront sans emploi nécessiteront un soutien encore plus important qu'aujourd'hui. Du coup, ce n'est pas avec l'Unedic qu'il faudrait fusionner l'ANPE mais avec l'AFPA, l'Association pour la formation professionnelle des adultes, un organisme public dont la tutelle a été en partie confiée aux régions et dont nul ne sait plus très bien quelle est la place dans le service public de l'emploi. Ainsi l'AFPA, dont la compétence est reconnue dans les métiers traditionnels (BTP, métallurgie notamment), est totalement absente d'un secteur comme la santé, un des principaux gisements d'emplois de demain.

Finalement, la fusion entre l'Unedic et l'ANPE est paradoxale pour un gouvernement de droite. Elle renforce le poids de l'Etat dans le traitement du chômage alors que les critiques émises durant des années à l'encontre de l'ANPE auraient pu inciter l'UMP à mettre davantage l'agence en concurrence avec le secteur privé, voire à envisager sa privatisation. Deuxième paradoxe : cette politique semble davantage répondre à une attente des chômeurs qu'à une revendication des entreprises. En d'autres termes, elle favorise davantage la demande que l'offre. Par ces deux aspects, cette politique de l'emploi est parfaitement cohérente avec la politique économique menée jusqu'à présent - notamment le budget 2008 - qui se caractérise bien plus par un mélange d'interventionnisme public et de clientélisme que par une véritable rupture avec les politiques précédentes.

Frédéric Lemaître pour Le Monde

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