Du rififi à l'Assemblée autour de la décentralisation

Jeudi, 27 Janvier 2005 19:53
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Jean-Pierre Raffarin reproche aux régions socialistes, qui dénoncent le poids de la décentralisation sur la fiscalité locale, des "dépenses mal maîtrisées" et une "politique fiscale de démolition".

Après sa déroute aux élections régionales de mars 2004, qui ne lui avait laissé que deux régions métropolitaines sur 22, la droite a immédiatement compris l'avantage qu'elle pouvait tirer de l'annonce par les nouveaux exécutifs d'une augmentation de la fiscalité allant de 2 à 50% selon les régions. Les présidents de région PS, confrontés depuis deux jours aux vives critiques de membres du gouvernement et de l'UMP à propos des fortes hausses de la fiscalité prévues dans les budgets régionaux 2005, ont répliqué hier, dénonçant à nouveau le "désengagement massif de l'Etat" des politiques territoriales. La riposte de Jean-Pierre Raffarin ne s'est pas fait attendre.

Les régions présidées par le Parti socialiste veulent "faire croire que la décentralisation coûte aux citoyens alors que ce sont des promesses électorales, un certain nombre de dépenses mal maîtrisées, qui aujourd'hui conduisent à cette augmentation" de la fiscalité locale, a dit le premier ministre lors de la séance des questions d'actualité au Sénat. "Je suis inquiet de voir que le Parti socialiste engage les présidents de régions dans des processus préoccupants pour l'équilibre de la République", a-t-il affirmé.
"Depuis tous temps, les régions socialistes ont toujours eu une fiscalité plus élevée que les régions dirigées par l'actuelle majorité. C'est une vieille histoire, les socialistes financent la dépense par l'augmentation de l'impôt et non pas par la recherche des économies", rajoute-t-il. "Quand je vois la Bretagne casser Ouest-Atlantique, pôle d'aménagement du territoire majeur, quand je vois le Languedoc-Roussillon casser le pôle scientifique de chimie, la Région Poitou-Charentes casser la politique de création d'entreprises, je me dis qu'il y a là une politique fiscale de démolition, de recul et de désengagement régional". Haussant le ton sous les huées de l'opposition dans un chahut assez inhabituel au Sénat, alors que le président de séance lui signifiait qu'il avait dépassé son temps de parole de deux minutes trente, M. Raffarin a lancé : "Il est des moments où on va chercher le bruit pour masquer la pensée !".

Mercredi, les présidents de région PS étaient passés à l'offensive pour "rétablir la vérité" selon Ségolène Royal (Poitou-Charentes), et montrer avec force exemples que les régions et toutes les collectivités sont aujourd'hui "dans l'obligation d'augmenter la fiscalité" si elles veulent "faire face à leurs responsabilités" que n'assume plus l'Etat, demandant également à Jean-Pierre Raffarin un audit contradictoire sur la question.
Pour Michel Sapin (Centre), l'année 2004 "a marqué une rupture". "Soucieux de tenir ses dépenses pour pouvoir justifier une baisse des impôts, le gouvernement y est allé à la brouette, au camion, dans les transferts de charges" aux régions, dans les domaines relevant de compétences partagées. "En Aquitaine, ce sont 5 millions d'euros en moins pour les aides aux entreprises, 13 millions d'euros en moins pour les travaux routiers" qui doivent être compensés par la région, a déclaré Alain Rousset (Aquitaine), président de l'Association des régions de France (ARF) lors d'une conférence de presse. En Bourgogne, François Patriat chiffre à 113 millions d'euros l'effort de la région pour compenser les désengagements de l'Etat. A comparer, dit-il, aux 17,9 millions d'euros correspondant aux "politiques nouvelles", soit 3,4% du budget régional.
En outre, a souligné M. Sapin, les régions vont être confrontées dès 2005 aux premiers transferts de compétence prévus par la loi de décentralisation d'août 2004, et que, selon lui, l'Etat ne financera pas "à l'euro près", contrairement à ses dires. Il manquera 20 à 25%, soit au total une centaine de millions d'euros à la charge des régions. Pour les présidents PS, ne pas assumer ces charges, ce serait renoncer par exemple à la modernisation industrielle avec les risques pour l'emploi en résultant, ou accepter une diminution des services rendus aux citoyens.

"Fondamentalement, nous sommes en désaccord avec le gouvernement. Nous on croit à la puissance publique, lui au libéralisme. Notre rôle, ce n'est pas de nous désengager d'un certain nombre de champs et de dire : le marché va faire", assure Claude Gewerc (Picardie). "Le vrai débat, ajoute-t-il, c'est quels moyens on donne aux régions pour faire la politique qu'elles doivent faire !".

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Mis à jour ( Jeudi, 27 Janvier 2005 19:53 )