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Elle a eu raison de se battre. Salariée chez IBM depuis près de dix-huit ans, Florence Buscail a finalement obtenu gain de cause dans le conflit qui l'opposait à son employeur. Le 25 mars 2003, la cour d'appel de Montpellier a en effet ordonné son passage immédiat au statut cadre et le versement de dommages-intérêts de l'ordre de 30 000 euros. Motif : discrimination sexiste.

"Pour nous, c'est une victoire totale, se réjouit Jean-Claude Arfélix, secrétaire du CE de l'unité de Montpellier et délégué CFDT. Nous espérons que cette décision donnera du courage à d'autres employées pour faire valoir leurs droits contre la politique machiste du groupe."
Du côté du géant informatique, on préfère ne pas commenter cette décision de justice et rappeler qu'IBM est membre fondateur du Cercle InterElles, un groupe de réflexion rassemblant entre autres Schlumberger, France Télécom et Essilor et ayant pour but de favoriser le développement des carrières des femmes et la mixité à tous les niveaux hiérarchiques de l'entreprise.

Dix ans sans évolution de carrière

Mais l'exemple de Florence Buscail laisse planer un doute sur l'efficacité du Cercle InterElles. Embauchées en 1985 en même temps que seize hommes et à compétence équivalente, elle et trois autres femmes sont les seules à ne pas avoir été promues cadre à ce jour. Entre mars 1986 et décembre 1997, Florence Buscail a gardé le même statut, celui d'agent technique, et son salaire n'a pratiquement pas varié. En 2001, elle se rend compte qu'elle gagne une somme de 30% inférieure à celle de ses collègues masculins recrutés en même temps qu'elle et que son salaire est à peine supérieur au salaire minimum contractuel.
Pour toutes ces raisons, Florence Buscail décide en novembre 2001, avec l'appui de la CFDT, de saisir les prud'hommes pour discrimination sexiste. Le tribunal des prud'hommes se déclarant incompétent, sa demande aboutit à la cour d'appel de Montpellier qui ordonne une expertise. Rendu le 8 janvier 2003, le rapport de l'expert, dont Novethic s'est procuré une copie, souligne le refus de coopérer d'IBM. Non-validation de la liste des vingt personnes embauchées en 1985, refus de communiquer les documents ayant trait aux carrières de Florence Buscail et de ses collègues, etc. Le mutisme de l'entreprise a sans doute joué en sa défaveur dans la décision du tribunal de Montpellier.

Un cas parmi d'autres

"La question de la discrimination sexiste est récurrente chez IBM, prétend Jean-Claude Arfélix, le salaire des femmes y est inférieur en moyenne de 15% pour un même coefficient." Les syndicalistes stigmatisent d'autre part la trop forte individualisation des salaires. En 1986, l'entreprise informatique a ainsi été une des premières sociétés à abandonner toute progression généralisée des salaires. Le plan d'augmentation 2002 a par exemple vu un accroissement de 2,2% de la masse salariale, mais seul 46% des employés en ont bénéficié. "Et les premiers exclus des augmentations sont les représentants syndicaux et les femmes", poursuit Jean-Claude Arfélix. Face à ces accusations, la société informatique répond que la politique salariale n'est pas celle des augmentations automatiques, mais plutôt de la progression au mérite.
"En tout cas, le fait que le PDG d'IBM France soit une femme [Françoise Gri] ne signifie rien. C'est l'arbre qui cache la forêt", ironise Florence Buscail en citant une affaire similaire à la sienne qui doit être jugée le 4 avril prochain à Versailles. Quatre salariés, dont deux femmes, portent plainte contre IBM pour discrimination sexiste et syndicale. Pour l'une des plaignantes, c'est un congé de maternité qui semble avoir définitivement mis un frein à sa carrière. "Je n'ai pas eu d'évolution de salaire ni de carrière depuis cette date", note Régine Delebassée. Là encore, le géant informatique ne semble pas très à l'aise pour répondre à ces nouvelles accusations.

Laurent Fargues - www.novethic.fr