La SCOP n’est pas un scoop

Mercredi, 17 Décembre 2008 16:50
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Pioché dans Eco89, un exemple récent et qu'il est bon de citer : quand l'économie réelle reprend ses droits sur l'économie virtuelle et spéculative, des salariés se substituent (avec succès) aux actionnaires pour sauver leur boîte.

Cet été, la Cepam, entreprise de menuiserie basée dans les Deux-Sèvres, a été abandonnée par son propriétaire espagnol. Ce mardi matin, elle a été sauvée par ses salariés. Comment ? Ils en ont fait une SCOP ou société coopérative de production. Le tribunal de commerce a en effet agréé la reprise des activités de la Cepam par cette SCOP, dont les statuts ont été signés par 62 des 78 salariés.

Après son rachat en 2004 par le groupe de meubles espagnol Herlobe, la Cepam a d'abord connu une parfaite lune de miel. Mais très vite, Herlobe a multiplié les conquêtes, diluant la Cepam au sein d'un groupe de plus en plus distant. La relation a périclité à la faveur du ralentissement économique. Et la santé financière de la Cepam s'est détériorée. La cessation de paiement survient mi-décembre 2007 : "En réalité le groupe ne fait plus rien depuis octobre 2007", selon un cadre de la Cepam.

Un an de crise

12/12/2007 : cessation de paiements.
20/12/07 : le tribunal de commerce se dirige vers un redressement.
09/01/2008 : demande de procédure de sauvegarde suite à deux gros contrats avec des chaînes de bricolage.
30/01 : procédure de sauvegarde ouverte pour 6 mois.
31/01 : Helorbe annonce le licenciement de 30% de l'effectif.
26/11 : projet de SCOP présenté au tribunal de commerce de Niort.
03/12 : le tribunal avalise sans réserve le projet de SCOP, qui prévoit 15 licenciements.

L'idée de créer une SCOP émerge une première fois début 2008, quand Herlobe veut se séparer de la branche "industrie", qui emploie vingt personnes, prêtes à tenter l'aventure. Leur projet montre alors au groupe que l'activité est potentiellement rentable. Le projet est donc annulé.

En août, trois salariés planchent discrètement sur une reprise, toujours en SCOP, de l'ensemble de la société. Fin septembre, le projet est proposé à leurs camarades. En trois semaines, un réel changement de dynamique intervient.

Christabelle Chollet se consacre au pilotage du projet : "Fin juillet, notre stock était insuffisant pour honorer les commandes d'août. Deux jours avant les congés d'été, 70% du personnel se mobilise pour le reconstituer en trois semaines. Cela nous a donné encore plus l'envie d'y aller."

Vincent Grosselin, lui, se concentre sur les aspects production : "Depuis un an de crise, il n'y a jamais eu un jour de grève, malgré les licenciements et le non-respect des obligations légales. On a eu peur, mais tout le monde a serré les rangs et on n'a pas perdu un client."

Avantager le collectif

Pour Nicolas Picoulet, délégué de l'Union régionale des SCOP, l'adhésion des salariés tient au statut particulier de cette forme d'entreprise : "La loi sur les SCOP de 1978 impose une certaine redistribution des bénéfices, répartis entre réserves pour l'entreprise, partie dévolue aux travailleurs (salariés) et partie dévolue au capital (associés). En moyenne, les SCOP affectent 45% en réserve, 45% aux salariés et 10% au capital. Les réserves ne sont pas incorporables au capital, donc elles ne peuvent pas disparaître en étant captées par les actionnaires à travers des plus-values des parts sociales ou des dividendes."

Le conseiller se garde bien néanmoins d'une vision trop idyllique : "Une SCOP ne peut pas toujours tout sauver. Trois éléments sont indispensables : une équipe dirigeante, un marché, un plan de financement. Les trois étaient réunis à la Cepam."

Le succès de la SCOP comme alternative aux structures classiques tiendrait plutôt au fait qu'elle avantage le collectif sur l'individuel : "La part qui revient au capital ne peut jamais être supérieure à celle qui revient en réserve ou aux salariés. De plus, 98% des SCOP ont signé un accord de participation qui prévoit un blocage de la part versée aux salariés plusieurs années, au profit de l'entreprise." Ces réserves permettent de garantir capitaux propres, fonds de roulement et investissements. "Les trois permettent de tenir en cas de crise", décrypte Nicolas Picoulet, qui souligne en outre que le partage des risques crée une meilleure motivation et plus de solidarité.

Diversification et internationalisation

La Cepam s'attend à subir le contrecoup de la crise financière sous huit à dix mois. Pour y faire face, le projet de SCOP s'est volontairement fait prudent, avec un chiffre d'affaires 2009 prévu à 10,6 millions d'euros, contre 12,6 millions en 2008. L'entreprise mise sur la diversification vers les produits de décoration, le haut-de-gamme et l'international.

Les salariés de la Cepam, aujourd'hui propriétaires de leur outil de travail, sont remontés à bloc pour affronter la récession. Ils ont retrouvé la confiance perdue depuis un an, estime Vincent Grosselin : "Ils attendent avec impatience le 1er janvier pour enlever l'enseigne Herlobe de la façade. Pas la peine que l'entreprise achète la peinture, ils sont prêts à le faire gratuitement !"

(Source : Eco89)

NDLR : A (re)lire, nos précédents articles sur ce thème...
Quand des salariés reprennent leur entreprise
Quand des salariés reprennent leur entreprise (2)
SCOP : Quand l'entreprise devient démocratique

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