Radiations : Lettre ouverte d'une conseillère ANPE à Christiane Taubira

Mardi, 27 Février 2007 20:16
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Une conseillère ANPE s'indigne sur les pressions faites aux chômeurs et sollicite Christiane Taubira en tant que Déléguée à l'expression républicaine dans l'équipe de Ségolène Royal. Espérons que sa lettre recevera une réponse que nous pourrons publier ici prochainement.

Le 26 février 2007.

Chère Madame,

Votre mission de Déléguée à l'expression républicaine auprès de la candidate socialiste et la considération que j'ai depuis 2002 pour la justesse de vos engagements me permettent d'espérer que mon témoignage recevra quelque écho.

Je suis conseillère à l'emploi à l'ANPE et j'ai «mal à mon service public». Au-delà du scandale de la manipulation des chiffres du chômage, je veux témoigner des maltraitances faites aux chômeur sous couvert de traitement du chômage. Les plus choquantes pour moi qui ai appris un métier d'aide et de conseil sont les «punitions» que l'ANPE inflige aux demandeurs d'emploi sous le moindre prétexte, sans prise en compte de la réalité de leur situation, sans aucun égard pour leur dignité. Les radiations administratives sont un déni de citoyenneté.

Ainsi, 579.558 chômeurs ont été rayés en 2006 de la liste des demandeurs d'emploi suite à des radiations administratives : il s'agit du chiffre brut, concernant la France entière (dont les DOM) et les chômeurs «disponibles immédiatement pour un emploi» (catégories 1, 2 et 3). Il saute aux yeux que sans le demi-million de radiations administratives, il n'y aurait pas eu de «baisse du chômage» en 2006 !

La majeure partie des radiations, de l'aveu même des dirigeants de l'ANPE, est consécutive à une absence à convocation. Depuis la mise en place du suivi mensuel (ordonnances Villepin d'août 2005), le nombre de convocations a été multiplié par 6. La radiation administrative est une sanction prévue par le Code du travail, qui dit explicitement qu'elle peut intervenir en cas de «refus sans motif légitime» de se rendre à une convocation. Or, parmi ces 579.558 radiés, combien n'ont pas été mis en situation de justifier la légitimité de leurs motifs ? Combien n'ont jamais reçu de convocation ? Combien sont découragés par ces convocations multiples, souvent inutiles, vécues par beaucoup comme du harcèlement moral ? Combien ont des soucis de mobilité ou de garde d'enfants qui ne sont pas pris en compte ? Combien ne sont pas informés de leurs droits, combien n'ont ni les moyens ni le courage de les faire valoir ?
Présomption d'innocence, bénéfice du doute, ces principes de justice élémentaire n'ont pas cours à l'ANPE !

La procédure de radiation est le plus souvent déclenchée automatiquement par le système informatique. Les demandeurs d'emploi sont gérés comme des «stocks» ou des «lots» (termes utilisés fréquemment en interne, tant à l'ANPE qu'à l'Assedic). Les pressions exercées sur les agents de l'ANPE pour atteindre des objectifs de production de «bons» chiffres imposent la stricte application des règles en matière de radiations. En revanche d'autres règles, plus respectueuses des usagers (comme l'envoi par lettre recommandée des avis de radiation) sont tout simplement ignorées par l'ANPE.

Pour les personnes indemnisées par l'Assedic au titre de l'assurance-chômage ou du régime de solidarité, la radiation se traduit par la suppression brutale de tout revenu. Le crime est-il donc si grave pour justifier une sanction aussi exorbitante, aussi lourde de conséquences ? Il m'est insupportable que l'ANPE, dont la principale mission est d'aider les personnes privées d'emploi, génère aveuglément encore plus de précarité, encore plus d'humiliation, encore plus d'exclusion. Le chômeur radié n'existe plus, il n'est plus rien, il ne «compte» plus.

S'il doit y avoir un contrôle des chômeurs, il ne peut pas se faire dans ces conditions indignes des valeurs républicaines.

Au titre de ma contribution aux débats citoyens pour :
- l'application équitable des règles et des lois,
- le respect des droits élémentaires des usagers,
- le recentrage de l'ANPE sur ses missions,
- la vérité sur les chiffres,
Je propose que soit mise à l'étude la décision d'un moratoire sur les radiations administratives.

Certaine de trouver en vous un porte-voix convaincant, je vous prie d'accepter, chère Madame, mes remerciements.

Catherine C.

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