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Trop-perçus imaginaires et dématérialisation kafkaïenne, la Victoire d'Amélie

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Le cumul activités réduites et allocations chômage expose souvent au remboursement de trop-perçus imaginaires. L'exemple… et la victoire d'Amélie.


Lorsque nous nous rendons, Amélie et moi, au Pôle Emploi de Nogent-sur-Marne, ce 20 novembre, je pense naïvement, avec mes années d'expérience dans le mouvement des chômeurs, obtenir un règlement rapide de son problème.

Ayant cumulé un travail à temps partiel pour une entreprise de garde d'enfants et des allocations chômage, mais n'ayant pas travaillé une seule heure en août 2012 (ce qu'établit l'attestation de son employeur), Amélie s'est vue réclamer un trop-perçu de 839,48 euros pour ce mois. Ses contestations n'ont pas abouti.

Après l'envoi d'une lettre recommandée sollicitant un rendez-vous à Pôle Emploi, nous sommes reçues par un conseiller auquel nous exposons le problème tel que nous avons cru le comprendre :

Amélie explique qu'elle n'a pas travaillé en août 2012 et n'aurait pas du se voir réclamer un trop-perçu sur ses allocations. Bien qu'un conseiller de Pôle Emploi lui ait assuré que son trop-perçu avait été régularisé, elle a reçu une lettre - le 17 septembre dernier - la mettant en demeure de rembourser 758,24 euros, dont 433,28 euros avant le 2 octobre. En outre, Pôle Emploi a fourni son numéro de téléphone portable à un huissier de Fontenay chargé de recouvrer la somme. Or, ce dernier la harcèle de SMS, la menaçant de saisie. Amélie commence à perdre le moral.

Le conseiller consulte le dossier. Il nous avertit que nous allons devoir l'écouter sans l'interrompre et réserver nos questions après son exposé. Et là commence le déroulé totalement kafkaïen d'une série de décisions contradictoires et incompréhensibles de Pôle Emploi : Récupération du trop-perçu imaginaire pour ce mois d'août 2012 non travaillé, et autre trop-perçu déclenché sur le mois de juin 2013 cette fois, où Amélie a touché son allocation chômage alors qu'elle aurait épuisé les 15 mois pendant lesquels elle était autorisée à cumuler activité réduite et allocations. 

Le conseiller botte en touche. L'imbroglio ne relève pas de lui. Il n’y peut rien. C'est le «système» qui adresse des courriers automatiques. Souvent les informations ne sont pas à jour. Elles seront rectifiées ou infirmées plus tard. Ou les dates ne correspondent en rien à la réalité (ainsi Amélie a reçu le 30 avril 2013 un courrier l'informant qu'elle cumulait allocations et activité réduite depuis 13 mois, en comptant comme travaillé le mois d'août 2012 pendant lequel, justement, elle n'a pas travaillé).

Une fois sorties, nous sommes quelque peu effondrées. Comment faire reconnaître à Pôle Emploi que ses erreurs ou retards, même rectifiés des mois plus tard, produisent des trop-perçus systématiques qui transforment tout chômeur en activité réduite en fraudeur ou en coupable potentiel, sommé de rembourser des sommes parfois très élevées ?

La morale de l'histoire, telle que la résume Amélie, est que le chômeur qui cumule une activité réduite et des allocations – qui ne sont pas un cadeau de l'UNEDIC, rappelons-le, mais une assurance-chômage - est par définition coupable, voire fraudeur.

Il est pénalisé par le «système» qui est incapable de gérer l’évolution de sa situation en temps réel. Donc, il est condamné aux indus ou trop-perçus. Mieux vaut pour lui ne pas travailler et toucher son chômage tranquillement…

En 2012, ce sont 812 millions de trop-perçus qui ont été réclamés à 1,6 millions de personnes par Pôle Emploi, suite à ses erreurs ou à celles des chômeurs. La majorité de ces trop-perçus concernent des personnes qui cumulent une activité réduite et une indemnisation.

Ainsi, une des principales activités d'une institution chargée d'aider les sans emploi à en retrouver un ou à se former, est aujourd'hui de traquer les indus qu'elle a elle-même générés par la complexité de son système.

Cet embrouillamini peut pousser certains chômeurs déstabilisés, affaiblis et harcelés, à se suicider. En silence pour la plupart ou dans la rue pour certains, comme Djamal Chaar qui s'immola devant une agence Pôle Emploi de Nantes, le 13 février 2013, parce qu'il devait rembourser un trop-perçu injustifié (ce que reconnaîtra Pôle Emploi plus tard).

Et que se passe-t-il dans ce cas ? Rien !

Les associations de chômeurs ne seront reçues qu'un mois et demi plus tard par le ministre du Travail Michel Sapin, pour s'entendre dire que Pôle Emploi n'a rien à se reprocher et que tout a été fait dans les règles.

Jean-Louis Walter, Médiateur National de Pôle Emploi, souligne dans son rapport de juillet 2013, qu'avec la montée des emplois précaires, la quasi-totalité des trop-perçus sont générés par le cumul allocations chômage/activité réduite, que le dispositif de Pôle Emploi, saturé et inadapté, est incapable de gérer en temps réel. Jean-Louis Walter préconise donc de revoir ce fonctionnement.

Le précédent rapport du Médiateur dénonçait déjà l'aberration des trop-perçus et les répercussions dramatiques qu'ils avaient sur la santé des chômeurs, réclamant leur suppression pure et simple. Ce que constatent aussi les associations de chômeurs qui exigent un «moratoire».

Combien de nouveaux suicides faudra-t-il pour mettre fin à ces atteintes aux droits et à la santé des chômeurs ?

Le 10 décembre dernier, nous sommes retournés chez Pôle Emploi avec Amélie et deux militants associatifs. Nous avons exigé et obtenu de voir la Directrice de l'agence de Nogent-sur-Marne. Nous avions apporté le rapport du Médiateur National qui stipule que tout directeur d'agence peut procéder à la remise totale des trop-perçus et autres indus inférieurs à 650 euros.

La directrice nous a appris que les services de Jean-Louis Walter ont demandé le transfert du dossier litigieux auprès de la Direction Régionale de Pôle Emploi à Noisy-le-Grand. Ainsi la directrice refusait-elle dans un premier temps de nous répondre.

Puis, elle a appris à Amélie que celle-ci, alors même qu'elle l'a refusé, fait l'objet d'une dématérialisation de son suivi. C’est-à-dire qu'elle est gérée par mails. Amélie a ainsi découvert qu'un courriel de Pôle Emploi datant du 11 juillet dernier a été déposé dans son «espace personnel». Or ce mail, dont elle n’a jamais pris connaissance, lui signifiait un nouveau trop-perçu et lui donnait un mois (ce qui est très court) pour engager un recours.

La directrice a finalement accepté d'ajouter le cas d'Amélie à l'ordre du jour de la Commission paritaire qui se réunissait le 18 décembre (1).

Les «z'en trop», ces chômeurs qui cumulent maigres allocations chômage et revenus de travail précaire, sont traités comme des fraudeurs par un système informatisé, opaque, incapable de gérer les situations en temps réel, donc générateur de trop-perçus.

Pôle Emploi reprend ainsi aux demandeurs d'emploi en temps partiel ou intérim des sommes très importantes (812 millions en 2012) selon des procédures expéditives et punitives, avec huissiers harceleurs et saisies express. Or les erreurs sont souvent de son fait.

À cela s'ajoute une gestion de plus en plus «dématérialisée», c'est-à-dire déshumanisée, dépersonnalisée, automatisée, des demandeurs d'emploi.

Qu'attendent donc ces chômeurs «z'en trop» pour se dématérialiser une bonne fois pour toutes et disparaître ainsi des listes ? Ne serait-ce pas là le moyen d'inverser pour de vrai la courbe du chômage, comme l'a promis François Hollande ?

Evelyne PERRIN (Stop Précarité, Sang pour Sans) et Amélie, à la fois salariée et demandeuse d'emploi.

(1) Le trop-perçu d’Amélie a finalement été annulé par la Commission paritaire du 18 décembre. Comme quoi la lutte paie !

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