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Accueil Mobilisations, luttes et solidarités Abus d'EMT et d'EMTPR : une entreprise condamnée

Abus d'EMT et d'EMTPR : une entreprise condamnée

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Dans un arrêt qui fait jurisprudence, la Chambre sociale de la Cour de cassation a condamné Consulcom Groupe à requalifier l'EMTPR d'une salariée en CDI.

D'abord, quelques explications...

L'EMT (évaluation en milieu de travail) est une prestation Pôle Emploi qui permet aux chômeurs dans l'impasse, à la recherche de débouchés et souhaitant se reconvertir, de découvrir un autre secteur d'activité ou un nouveau un métier. Aucunement obligatoire, elle s'effectue à la demande des intéressés qui peuvent soit démarcher des entreprises dont une se portera enfin volontaire, soit choisir parmi celles que Pôle Emploi est, le cas échéant, en mesure de leur proposer.

La mise en place d'une EMT nécessite la signature d'une convention entre Pôle Emploi et l'employeur, qui doit souscrire une assurance couvrant les dommages subis ou causés par le bénéficiaire. Ainsi, l'entreprise qui accepte d'accueillir en EMT un demandeur d'emploi devient "prestataire de services", et Pôle Emploi l'indemnise à hauteur de 2 € de l'heure. Pendant une durée de 80 heures maximum (2 semaines à temps plein), sous la responsabilité d'un "tuteur", le demandeur d'emploi (devenu "stagiaire") observera l'environnement et exécutera gratuitement des tâches qui lui permettront de mesurer ses compétences professionnelles dans ce nouveau milieu. Durant l'EMT, il conserve son statut de chômeur. Etant volontaire, il n'est pas défrayé. Et s'il rompt l'EMT, Pôle Emploi finançant cette prestation à sa demande, il est passible de sanctions.

Contrairement à l'EMTPR, l'EMT n'est pas censée déboucher sur une embauche.

L'EMTPR (évaluation en milieu de travail préalable au recrutement) est une prestation Pôle Emploi calquée sur les mêmes principes, sauf qu'elle s'effectue à la demande de l'entreprise et vise "à tester un candidat" en lui confiant des tâches, en vue de son embauche, afin de vérifier ses compétences. L'entreprise, qui a déposé une offre en ce sens, sollicite Pôle Emploi qui se charge de lui trouver des candidats. Puisqu'il y a recrutement à la clé (en réalité, le taux d'embauche n'est pas mesuré mais Pôle Emploi avance qu'il s'élève à 50%), la prestation est obligatoire dès lors qu'elle correspond au PPAE du chômeur ainsi ferré et qui, s'il dit non à son conseiller, sera sanctionné pour "refus d'action d'insertion".

L'EMTPR a toutes les caractéristiques d'une période d'essai déguisée, détournée et gratuite : le chômeur, plus ou moins contraint, ne perçoit aucune rémunération alors qu'il a les mêmes obligations que les salariés de l'entreprise, et il n'est même pas défrayé. On ne peut nier que certaines entreprises y ont recours de manière un peu trop systématique et que sur ce point, Pôle Emploi manque de vigilance.

En outre, la durée de l'EMTPR est deux fois plus courte que celle de l'EMT : maximum 40 heures sur 5 jours. A son issue, sauf pêche miraculeuse, l'employeur aura encore du mal à se décider sur l'embauche du candidat. Inévitablement, et puisque Pôle Emploi lui en offre la possibilité, il va souscrire dans la foulée une AFPR (action de formation préalable au recrutement) qui peut aller jusqu'à 400 heures (3 mois) et lui rapporter en passant 5 à 8 euros de l'heure, montant des aides attribuées par Pôle Emploi pour "couvrir les frais de formation"...

Enfin les dispositifs EMT et l'EMTPR, inconnus du code du travail, ne sont pas réglementés par la loi.

Maintenant, l'affaire...


Entre le 5 et le 11 septembre 2007, une chômeuse — que nous appellerons Mme X —, candidate à l'emploi de formatrice, a d'abord effectué une EMTPR pour la société Consulvox, opérateur, intégrateur et installateur en télécommunication. Puis, étrangement, a enchaîné une EMT dans la société Consulcom Groupe, holding de Consulvox, du 24 septembre au 5 octobre. Elle a effectué ces stages et travaillé dans ces deux entités en assumant toujours la même fonction.

Pour "consolider" l'EMTPR (alors qu'il y a eu ensuite une EMT au même poste), la filiale Consulvox a signé avec l'ANPE une action de formation préalable au recrutement (AFPR) pour la période du 11 octobre 2007 au 11 janvier 2008 à l'issue de laquelle Mme X a été engagée en qualité de formatrice, par un contrat à durée indéterminée.

Malheureusement, le 28 août 2008, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat aux torts de son employeur en dénonçant la détérioration de ses conditions de travail, un dépassement d'heures significatif et abusif, la dénaturation de la présentation de ses postes et fonctions, un harcèlement moral ayant entraîné une altération de sa santé et le retrait des moyens nécessaires à son travail, et a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture de son contrat de travail. Or, Consulvox a porté sur l'attestation Assedic la mention inexacte d'une démission, la privant de ses droits au chômage.

Une longue bataille juridique s'est ainsi enclenchée, s'achevant enfin le 7 mars dernier où la Chambre sociale de la Cour de cassation a donné raison à la plaignante.

Selon la Cour de cassation, le CDI de Mme X chez Consulvox devait prendre effet dès le 5 septembre 2007, date du début de son EMTPR (ainsi considérée comme une période d'essai), et non le 11 janvier 2008, date de fin de son AFPE. De plus, l'EMT effectuée dans la holding Consulcom entre l'EMTPR et l'AFPR pour sa filiale Consulvox pose problème : la Cour de cassation estime que, dès l'origine, la salariée a exécuté un contrat de travail la liant aux deux sociétés, puisqu'elle a travaillé indifféremment au service de l'une et de l'autre.

La Chambre Sociale a souligné que ces deux employeurs distincts, mais appartenant au même groupe et partageant le même siège social, ont cumulé EMT et EMTPR pour le même poste avec le même demandeur d'emploi alors que ces conventions ne sont pas cumulables, et relevé que se sont ainsi succédées trois conventions "de stage" (EMTPR, EMT puis AFPR) alors que la salariée n'avait bénéficié d'aucune formation et reçu aucune fiche d'évaluation tandis que, depuis le 5 septembre 2007, Mme X accomplissait les tâches relevant d'un emploi permanent de formateur.

La Cour de Cassation estime donc que, dès l'origine, la salariée a exécuté un contrat de travail la liant à la même entité, et requalifie l'évaluation en milieu de travail préalable au recrutement en CDI.

La Cour de Cassation considère également que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme X s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamne les sociétés Consulvox et Consulcom Groupe aux dépens.

L'arrêt n°10-20174 du 7 mars 2012

SH

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Mis à jour ( Vendredi, 01 Juin 2012 05:06 )  

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