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Pays-Bas : portrait d'un chômeur anticonformiste

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Ce n'est pas parce qu'on n'a pas d’«emploi» qu'on est inutile à la société. Gertjan Van Beijnum, quinqua néerlandais, chômeur de très, très longue durée, revendique haut et fort son refus du salariat et son mode de vie. Mais les Pays-Bas tendent ces temps-ci à resserrer les boulons…

Gertjan Van Beijnum, 51 ans, n’a jamais "travaillé" de sa vie. Résident de la petite ville de Bois-le-Duc, aux Pays-Bas, ce Néerlandais habite un squat de premier choix, un ancien hôpital pédiatrique en centre-ville que se partagent quelque quarante personnes. Ancien étudiant des beaux-arts - un cursus qu’il n’a jamais terminé -, il vit des aides sociales depuis 1979. Un exploit remarqué en avril par De Volkskrant, un quotidien d’Amsterdam. Dans ces colonnes, il a expliqué appartenir à «une espèce en voie de disparition», ceux qui refusent par principe «la dictature du salariat».

Après s’être débrouillé toute sa vie avec 800 € par mois, l’artiste a quand même dû se retrousser les manches cette année. L’Etat-providence, jadis généreux et pas très regardant, fait désormais la chasse aux parasites. A cause de cette «répression», dixit le vétéran du chômage, il est de plus en plus difficile de vivre aux crochets de l’Etat, comme le font encore 300.000 personnes aux Pays-Bas. Avec la publicité que De Volkskrant lui a faite, les services sociaux lui sont très vite tombés dessus. Le dossier Van Beijnum a été retiré du dessous de la pile pour être traité en priorité. «Je suis entré dans une guerre personnelle avec une employée de l’agence nationale pour l’emploi, raconte l’intéressé. J’avais déjà eu des mots avec elle, mais après l’article elle était très en colère. On s’est engueulés.» Ses droits définitivement suspendus en septembre, il a monté son entreprise en octobre. Il s’est mis à faire de son hobby, le vitrail, un petit business. Le tout, pour toucher… une aide à la réinsertion, qui va lui permettre de conserver son «revenu de base» jusqu’à l’âge de la retraite.

Un chômeur très occupé

Qu’a-t-il fait de ses journées pendant vingt-huit ans ? On l’aurait bien imaginé grattant sa guitare dans un hamac fait maison, coinçant la bulle derrière ses baies vitrées. Mais force est de constater que ses pénates, confortables, ressemblent plus à une bibliothèque universitaire qu’à un atelier d’artiste. L’ex-fan des seventies, fou de lecture et de Frank Zappa, a bien envisagé à un moment se mettre à la batterie. Un projet qu’il a laissé tomber.
C’est que Gertjan Van Beijnum, en fait, est très occupé. Depuis 1977, il travaille à la rédaction du mensuel De Kleintje Muurkrant («le petit journal des murs»). Ce canard gauchiste qui veut donner un «autre point de vue que celui des journaux locaux sur le mouvement des squatteurs» a d’abord été affiché sur les murs de la ville, puis a été ramené à un format tabloïd. Il compte encore 800 abonnés et, également, un site Internet que Gertjan Van Beijnum alimente de façon quotidienne.

Loin de se vivre comme un planqué, Gertjan Van Beijnum assume ses choix en militant. Toute sa vie, il a guerroyé avec l’agence nationale pour l’emploi (CWI). Ses droits ont été ouverts en 1979 après quelques vacations pour une agence de travail temporaire. «Je suis allé me renseigner pour avoir une couverture sociale entre deux jobs et on m’a accordé une allocation de 600 florins, équivalente à l’époque à ma bourse d’étudiant.» Par la suite, il met un point d’honneur à ne pas envoyer la moindre lettre de candidature spontanée. «Tout le monde sait bien que ça ne sert à rien, dit-il. Je n’avais pas envie de faire semblant ni de filouter.»
En 1981, quand son allocation a été réduite une première fois, il a pris un avocat et entamé une procédure. «Chaque fois j’ai fait appel, parce que j’aime bien détailler les raisons pour lesquelles je ne veux pas d’un emploi salarié : ma contribution positive à la société, dans le mouvement squat notamment, mérite bien un salaire de l’Etat.» Il n’est pas le seul à penser de la sorte. Un camarade, Jan Muter, ex-étudiant en sociologie, a fondé en 1980 le Syndicat néerlandais contre l’éthique du travail (NBTA). La structure, un temps respectée, est aujourd’hui moribonde, mais Gertjan Van Beijnum continue d’en lire la revue, De Luie Donder («cul mou»), un fanzine culte auquel il a participé. «Un grand succès, s’amuse-t-il encore. Mais c’était trop de boulot, j’ai dû arrêter !»

Beaucoup de salariés sont des parasites

Ses parents, séparés, ne lui tiennent rigueur de rien. Il a des relations «raisonnablement bonnes» avec son père, agent de maintenance retraité de l’hôpital de Nimègue, et sa mère, femme au foyer. «Dans les années 80, c’était très banal d’être au chômage et de ne pas trop savoir quoi faire dans la vie», rappelle-t-il. Ses deux frères, informaticiens, le voient-ils comme un parasite ? «Non, pas du tout, d’ailleurs beaucoup de salariés sont des parasites», rétorque Gertjan Van Beijnum. Son idéal à lui, ce serait un Etat-providence «de pays riche» qui cesserait de «payer des tas de gens pour contrôler tout le monde» et, en échange, donnerait à chaque citoyen un revenu de base. «Pas trop ni trop peu, juste de quoi survivre pour être libre de travailler ou de faire ses trucs.»

En 1987, son allocation est de nouveau réduite de moitié à cause de son refus de justifier d’une recherche active d’emploi. Il intente un second procès, qu’il remporte à sa grande surprise. Et de reprendre le train-train, entre le journal, la tambouille collective avec les copains du squat et sa compagne, avec qui il ne vit pas, n’est pas marié et n’a pas d’enfants.

Rentrer dans le rang

Gertjan Van Beijnum n’en a pas moins senti le vent du boulet, il a commencé à voir les choses un peu différemment. La perte de ses droits lui paraît inévitable. En 2002, un déclic se produit. Son squat reçoit un devis salé pour la réparation de vitraux sur de vieilles fenêtres. C’est alors qu’il décide de prendre un cours pour apprendre à les réparer lui-même. Passionné, il se lance à fond dans le vitrail, non sans «arrière-pensées». Ce savoir-faire, espère-t-il, lui servira plus tard.

Depuis le 1er novembre, il touche 824 € mensuels au titre d’une aide à la création d’entreprise. C’est un prêt qu’il lui faudra rembourser dans le cas où son affaire de vitrail ne marcherait pas. Une éventualité qui ne l’inquiète guère. Le journal De Volkskrant, qui s’est senti responsable de son sort, lui a consacré un nouvel article en octobre. De l’homme-qui-ne-travaillait-pas, Gertjan Van Beijnum est passé au statut plus consensuel de chômeur-longue-durée-qui-prend-ses-responsabilités. La bonne nouvelle lui a valu un déluge de compliments et bien des visiteurs sur son nouveau site Internet d’artisan. «Maintenant, je compte mes heures : c’est totalement nouveau pour moi. Je me plante aussi, je fais des devis pour des fenêtres à 200 € alors que ça coûte beaucoup plus en matériel. Ce n’est pas grave, j’apprends.»
Il espère s’en tirer, dans les six mois, avec des rentrées mensuelles régulières de 800 €. Cette somme, à laquelle il est habitué, lui suffit largement. Dans son squat, chacun paie en fonction de ses moyens. Son loyer ne dépasse pas 300 €. «Pour le reste, je ne voyage pas, ne pars pas en vacances, n’ai pas de voiture ni besoin de grand-chose. Tout ce que je m’achète, ce sont des 33 tours d’occasion.» En deux mois, il a reçu huit commandes, et gagné 1.000 €.

(Source : Libération)

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Mis à jour ( Mercredi, 16 Janvier 2008 19:41 )  

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