Non, l'emploi ne redémarre pas !

Jeudi, 21 Avril 2011 10:10
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L'APEC et l'ACOSS tentent désespérément de nous faire croire qu'un semblant de reprise serait là. Mais c'est de l'enfumage.

(Officiellement, seuls les fumeurs n'ont pas le droit d'enfumer. Néanmoins tout le monde — politiques, médias et sondeurs, organismes d'Etat… — s'en donne à cœur joie !)

Vous vous plaignez de ne trouver que des offres pour des emplois précaires, voire très précaires, payés au Smic ? Vous êtes un imbécile qui ne sait pas y faire.

Selon l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale qui collecte les cotisations via les Urssaf, les embauches sont en train de retrouver leur niveau d'avant-crise (à croire qu'avant la crise, c'était déjà la crise) ! Le nombre de déclarations dans le secteur privé hors intérim progresserait tous azimuts : un "dynamisme" qui a de quoi réjouir Xavier Bertrand et Christine Lagarde, toujours prêts à se jeter sur toute donnée chiffrée abondant dans leur sens en faisant fi d'une analyse qualitative.

Et selon l'APEC, l'Association pour l'emploi des cadres, tout baigne ! Il y aurait un rebond des offres pour ce statut dont on se demande s'il a encore un sens à l'heure actuelle, sans oublier les sacro-saintes intentions de recrutement qui semblent, nous dit-on, prometteuses. Il n'en faut pas plus pour confirmer une "nette reprise de l'emploi cadre" en 2011… sauf pour les seniors, puisque "les profils les plus recherchés sont ceux des jeunes cadres possédant jusqu'à dix ans d'expérience".

Peu importe, voilà ce que doivent retenir les lecteurs de la presse économique qui survolent les titres : la reprise est enfin là, l'action gouvernementale porte ses fruits, le chômage va baisser et ceux qui, prochainement, seront encore à la traîne sont soit des profiteurs, soit des abrutis.

Remettons les pendules à l'heure

Il ne faut pas confondre "dynamisme de l'embauche" et baisse du chômage, relativise Eric Heyer, directeur adjoint du département analyse & prévision de l'OFCE, l'un des rares économistes médiatisés qui relève un peu le niveau.

Les intentions d'embauche [qui, on le répète, ne sont que des intentions] évoquées notamment par l'APEC ont progressé : c'est peut-être une bonne nouvelle, "mais les créations d'emplois, elles, n'ont pas augmenté", souligne-t-il. Or, seules des créations d'emplois massives pourraient résorber le chômage. Sauf que les prévisions de croissance annoncées ici ou là (OFCE, OCDE…) montrent qu'elle sera très insuffisante pour amorcer une réelle amélioration du marché du travail dans les semestres à venir. Même Pôle Emploi, dans ses dernières perspectives économiques, affiche une grande prudence : c'est pour dire.

Parmi ces intentions d'embauche, dans le détail, on apprend que les deux tiers concernent des CDD de moins d'un mois, ce qui traduit un marché de l'emploi de plus en plus précaire. "Si on augmente les CDD de moins d'un mois, cela multiplie évidemment le nombre de contrats signés, mais pas le nombre d'emplois créés", explique Eric Heyer, mettant ainsi à mal l'enthousiasme simpliste de l'ACOSS.

Donc, le "dynamisme de l'embauche" si facilement évoqué — et qui sera repris par Xavier Bertrand et Christine Lagarde pour justifier des mesures répressives à l'encontre des chômeurs au nom d'une hypothétique sortie de crise — est plutôt la traduction d'un dynamisme du turn-over lié à la précarisation conjonturelle de l'emploi ou, pour les cadres, à des remplacements (qui sont la cause des deux tiers des recrutements du premier trimestre avancés par l'Apec).

Franchement, pas de quoi pavoiser !

SH

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Mis à jour ( Mardi, 15 Novembre 2011 14:27 )