Allemagne : une baisse du chômage… qui inquiète !

Vendredi, 29 Octobre 2010 00:55
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Outre-Rhin, le nombre de demandeurs d'emplois est enfin passé sous la barre des 3 millions. Mais cette bonne nouvelle n'a pas l'air de réjouir le gouvernement et le patronat allemands.

Lisez plutôt cet incroyable article de L'Expansion, qui explique comment ce qui devrait être une excellente chose n'en est, finalement, pas une...

En effet : quand il y a trop de chômage, on fait semblant de le déplorer et on lutte… contre les chômeurs. Mais quand le chômage baisse, soit c'est faux et on fait semblant de se réjouir — comme Christine Lagarde —, soit c'est vrai et on déclare que c'est "inquiétant" ! Visez un peu dans quelle schizophrénie on nous baigne : partout, dans le fonctionnement des entreprises, du politique ou de l'économie, les injonctions contradictoires pullulent et nous gangrènent. La dissonance cognitive, instrument de domination, est le fond de commerce du système ultralibéral.

"Aujourd'hui, écrit L'Expansion, l'Allemagne à peine sortie de la crise s'apprête à enregistrer une croissance de 3,4% pour 2010. Et les économistes prévoient que le chômage devrait continuer à baisser en 2011." Cependant, une fois les spectres de la croissance molle et du chômage éloignés, pour nourrir le fantasme de la guerre économique permanente, il faut en inventer d'autres : ainsi, la pénurie de main d'œuvre qualifiée et l'obligation d'augmenter le temps de travail sont désormais agités.

C'est une voie sans issue. Quoiqu'il arrive, le sacrifice économique revient au salariat, qu'il ait été précarisé, sinon durablement exclu du marché du travail, qu'il ait perdu en "employabilité" ou sombré dans la pauvreté; que, toujours en poste, il soit contraint de se flexibiliser davantage et renoncer à ses derniers acquis afin de, soi-disant, faire repartir la machine !

Le plus scandaleux dans cette histoire est l'irruption de l'ex-chancelier Gerhard Schröder, qui ose la ramener avec son "Agenda de réformes" et son "Plan Hartz" alors qu'il a, en réalité, contribué non seulement à l'appauvrissement mais au déclassement professionnel d'une grande partie de ses concitoyens ! Combien de salariés allemands qualifiés ont été obligés, sous peine de leur couper les vivres, d'accepter des petits boulots n'ayant plus rien à voir avec leurs compétences d'origine ? Tel un boomerang, cette déqualification institutionnalisée leur revient aujourd'hui en pleine face.

D'abord, ne nous leurrons pas sur les bons résultats de l'Allemagne en matière de chômage : L'Expansion précise que "la moitié des emplois créés depuis le début 2010 sont des emplois précaires ou à durée déterminée", grâce à "la libéralisation des règles du travail temporaire et de la fiscalité des petits emplois" (instaurées depuis 2003 par M. Schröder) qui ont, avec la reprise, "favorisé les embauches". Donc, comme c'est le cas chez nous, les chiffres du chômage, qu'ils soient bons ou mauvais, sont indissociables d'une précarisation structurelle de l'emploi.

Ensuite, il faudrait qu'on nous explique pourquoi cette "pénurie de main d'œuvre qualifiée" impliquerait "une sérieuse augmentation du temps de travail pouvant aller jusqu'au retour de la semaine de 45 heures dans certains secteurs" ? Qu'on nous explique comment, avec un taux de chômage de 7%, on ose parler de "rareté de la main d'œuvre" ? Car ce qui emmerde le patronat et le gouvernement allemands, c'est qu'ils vont être obligés de former à nouveau (et fissa) les gens qu'ils ont déclassés, et d'augmenter les salaires de ceux qui ont échappé au massacre.

Tout est bon pour sacrifier le salariat sur l'autel de l'économie triomphante. L'Allemagne inquiète, pourtant si bien portante et sur laquelle on nous dit qu'il faut s'aligner, en est la preuve éclatante.

SH

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