Télévision : ces boîtes de prod qui pillent l'Assedic

Mardi, 29 Avril 2008 13:21
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Colère des soutiers de la télé : un collectif dénonce les conditions de travail dans les boîtes de prod et exige le respect de leur nouvelle convention collective.

Selon le dernier pointage, ils sont 820. «Ils», c’est le Collectif Télé : des ingénieurs du son, des chefs opérateurs, des monteurs, des journalistes, tous intermittents travaillant pour les boîtes de production qui font l’ordinaire de la télé. Depuis des mois, le Collectif Télé mène une guerre sourde contre ces employeurs pour simplement faire appliquer la convention collective qui régit le métier. «On demande juste le minimum», résume un membre du collectif. L’anonymat est la règle : «Celui qui l’ouvre est blacklisté : la prod télé, c’est la loi de l’omerta et du plus fort.»

Abus. L’affaire démarre pourtant bien avec la signature, en juillet 2007, d’une nouvelle convention collective de la production audiovisuelle. Il s’agit de mettre fin aux abus en vigueur dans les boîtes de prod où le salaire des intermittents est complété grâce aux Assedic. Sur un mois de travail, l’employeur déclare 10 jours et les Assedic payent le reste. Une pratique alors quotidienne, facilitée par le flou artistique de la législation. La nouvelle convention collective établit que l’employeur paiera aux intermittents le nombre d’heures travaillées. Une lapalissade qui constitue pourtant une réelle avancée dans le secteur. La convention est signée par les plus importants syndicats de producteurs ainsi que par deux syndicats affiliés à la CGT pour une entrée en vigueur en février 2008 maximum.

Février 2008 : la nouvelle convention collective n’est respectée nulle part. Endemol, Capa, Fremantlemedia, personne ne l’applique. Ah si, quelques sociétés sont en règle : Air Productions, celle de Nagui où tout semble se dérouler conformément à la convention. Et Réservoir Prod. Là, chez Jean-Luc Delarue, c’est un peu particulier : on applique la nouvelle convention, mais on déclasse. Ainsi le chef opérateur est-il prié d’accepter un simple poste d’opérateur, de même le chef monteur doit-il devenir monteur. Moins cher, pardi.
Chez Quai Sud, filiale de TF1 chargée de produire "Sans aucun doute", l’émission où l’on dénonce diverses arnaques, la direction affirme appliquer, depuis le 1er janvier, la nouvelle convention, comme dans les autres filiales de production de la Une. A voir, affirme un salarié de Quai Sud : «Un directeur de production nous a dit ne pas pouvoir appliquer la nouvelle convention, qu’il allait nous payer une heure supplémentaire mais qu’on en ferait cinq.» Autre procédé en vigueur chez Quai Sud : au lieu de facturer en heures travaillées le voyage sur le lieu de tournage, on paye une indemnité de transport : c’est-à-dire, pas de cotisations pour la retraite, ni à l’Urssaf. «Et ça représente 20% de salaire en moins», explique un intermittent. «Il y a eu des divergences d’interprétation», avoue Edouard Boccon-Gibod, patron des filiales de la Une. Finalement, la convention collective devrait être totalement appliquée à partir du 1er mai.

Trop cher. Mais ailleurs, la réponse des producteurs est toujours la même : la convention collective coûterait trop cher. Et si vous n’êtes pas contents, c’est la porte. Ainsi chez Sacha Production qui conçoit "Question maison", pour France 5. Au bout de cinq ans d’émission, l’équipe a osé demander des augmentations ainsi que l’application de la convention collective. Bilan : jeudi dernier, le patron de Sacha Production a viré toute l’équipe, soit 25 personnes ! L’avocat de Sacha Production, Me Vincent Toledano, ne souhaite pas épiloguer sur «les emportements des uns et des autres» : «La nouvelle convention collective ne satisfait ni les intermittents, ni les employeurs qui ne peuvent pas en supporter le surcoût».

Arrogance. Pourtant, le travail du Collectif Télé commence à payer. Aidé par des inspections du travail dévastatrices dans plusieurs sociétés, dont Quai Sud ou Réservoir Prod. Le Collectif Télé est assisté par Me Françoise Davideau qui a écrit à l’ensemble des boîtes de prod pour leur demander d’appliquer la convention collective. Souvent en pure perte : «Je suis sidérée, déclare Me Davideau, par l’arrogance opposée à de simples demandes de dialogue et l’application de la loi». L’avocate envisage une plainte au pénal, déposée par des syndicats contre plusieurs sociétés.

(Source : Libération)

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