Emploi : 1 à 3,5 millions d’exclus

Mardi, 22 Janvier 2008 05:08
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Selon une évaluation du Centre d'analyse stratégique (CAS, ex-Commissariat au Plan), il y aurait en France entre 1 et 3,5 millions de personnes en âge de travailler qui seraient en "difficulté structurelle" sur le marché de l'emploi.

Pour une raison encore inconnue à l'heure où s'élabore une "réforme du service public de l'emploi" ayant pour objectif un taux de chômage à 5% [1], le CAS s'est penché sur ces gens que l'on qualifie poliment d’"éloignés de l'emploi" ou même d’"exclus" : chômeurs de longue ou de très longue durée, RMIstes et autres minima sociaux qui, en fonction de leur situation personnelle ou de leur parcours professionnel, restent coincés en marge du monde du travail. Un monde devenu marché : aussi réducteur que réduit, il n'a bien évidemment pas de place à offrir à des individus qu'il discrimine du fait de leurs profils (âge, expérience, qualification, diplômes…) ou de leurs conditions de vie (handicapés, parents isolés…). D'où ces "difficultés structurelles" pudiquement évoquées à leur endroit.

Pour tenter de les quantifier, le CAS s'est appuyé sur deux sources statistiques : l'enquête communautaire sur les forces de travail au sens du Bureau international du travail (BIT) et différentes données administratives (ANPE, CAF…). Son étude en a délimité trois niveaux.

1 à 3,5 millions de "cas désespérés" ?

Le premier comprend les demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE et les bénéficiaires du RMI inscrits dans le dispositif depuis plus de deux ans : en fin de mois, ils forment un "noyau dur" de 1 à 1,4 million de personnes - soit 4% à 5,6% de la population en âge de travailler.

Toujours en fin de mois et élargi aux demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE ainsi qu'aux bénéficiaires du RMI inscrits depuis plus d'un an, le deuxième niveau monte à 2,3 millions de personnes. Elargi à l'ensemble des cinq catégories administratives recensant les personnes considérées comme "en difficulté", le troisième niveau s'élève à 3,5 millions d'individus. Soit plus de 13% de la population active. Les sources statistiques du CAS étant ce qu'elles sont, comme pour les chiffres du chômage, il est à parier que ce résultat est sous-évalué.

A "difficultés structurelles", chômage structurel

Bien que «le chômage baisse», il n'y a toujours pas assez d'emplois décents pour tous : cette poche de grande exclusion en atteste. Rappelons aussi qu'après le "retournement conjoncturel 2001-2003" qui a piégé durablement un bon nombre de chômeurs, la création d'emplois a timidement repris en 2004 et qu'à ce jour, malgré l'enthousiasme gouvernemental, elle demeure insuffisante et se compose à 80% de jobs précaires.

Longuement recalés par des employeurs de plus en plus exigeants qui n'ont que l'embarras du choix et lorgnent vers des moutons à cinq pattes qu'ils vont rémunérer au Smic, la plupart de ces individus, considérés comme "inemployables" et découragés à force d'être rejetés, croupissent dans la misère : leur nombre est, d'ailleurs, à rapprocher des 12% de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Outre les "inadéquations" que les employeurs leur trouvent, leur niveau de vie ne leur permet plus de rester compétitifs dans leur recherche. Et, bien que l'assurance-chômage n'utilise que la moitié de son budget, on ne leur propose aucune formation revalorisante : les 7% de chômeurs qui réussissent à en décrocher une font partie des mieux lotis (diplômes, âge, indemnisation).

Alors, que faire de ces millions d'actifs mis au rebut ? Faudra-t-il les euthanasier d'ici 2012 ?

[1] Vanté comme un "retour au plein emploi", le taux de 5% semble visiblement incompressible. Mais ce qui est inquiétant, c'est que le nombre d'inscrits à l'ANPE est supérieur à 4,3 millions alors que nos 8% de chômeurs officiels ne sont que 1,9 million... Comment le gouvernement compte-t-il s'y prendre ? Adepte du modèle britannique, finira-t-il par copier sur le Royaume-Uni où 2,5 millions de personnes, considérées comme "invalides" et escamotées des statistiques du chômage, perçoivent au final une "allocation d'incapacité" au travail ?

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