La répression sociale à la racine

Mercredi, 16 Janvier 2008 16:56
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Deux étudiants paient très cher leur grève contre la loi Pécresse.

L’histoire pourrait s’intituler «faire obstacle à la contestation étudiante, mode d’emploi». A l’occasion d’un mouvement, par exemple celui contre la loi sur l’autonomie des universités de l’automne dernier, identifiez d’abord les étudiants grévistes les plus en vue. Facile, ce sont ceux qui parlent le plus aux AG et ceux qui répondent aux questions des journalistes. Puis, débarquez chez eux au petit matin, mettez-les en garde à vue pendant 48 heures, mettez-les en examen et placez-les sous contrôle judiciaire. Avec interdiction formelle de retourner à la fac, de parler à leurs professeurs, de communiquer entre eux et de sortir de leur département, en l’occurrence, les Pyrénées-Orientales. Si possible, prenez ces mesures juste avant les vacances de Noël, par exemple un 21 décembre 2007. Menez aussi une perquisition à leur domicile, en emportant l’ordinateur au passage. Demandez-leur leur ADN. Comme ils vont refuser ce fichage, cela fera un chef d’inculpation supplémentaire.

Yann et Pierre, les deux étudiants perpignanais au cœur de cette histoire, âgés de 24 et 22 ans, sont accusés d’outrages envers des professeurs. Deux profs ont déposé des plaintes nominatives contre Yann et trois l’ont fait contre Pierre, évoquant des insultes. Celles-ci auraient été lancées pendant la contestation contre la loi LRU, bien suivie à la fac de Perpignan et dans laquelle Yann et Pierre étaient très impliqués. Inscrits en mastère 1 de lettres pour Yann et de catalan pour Pierre, ils sont tous deux militants à la Coordination des groupes anarchistes et au syndicat SUD étudiant de Perpignan. Ont-ils proféré les paroles qui leur sont reprochées ? L’instruction est en cours, chargée de déterminer les responsabilités de chacun.

La peur comme instrument de paix sociale

En attendant, Yann et Pierre n’ont plus la possibilité de poursuivre leurs études. Or «l’instruction peut durer un an, voire plus», s’insurge Me Christophe Grau, l’avocat de Yann. C’est pour demander la levée de ces mesures «totalement liberticides et disproportionnées», selon Me Grau, que les deux jeunes gens se sont retrouvés hier matin devant la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Montpellier. Exceptionnellement autorisés à sortir des Pyrénées-Orientales, ils sont passés l’un après l’autre, accompagnés par leur avocat respectif. L’audience s’est tenue à huis clos. «L’avocat général a demandé le maintien du contrôle judiciaire. Il a été très virulent, les a qualifiés "d’agitateurs professionnels"», rapportait hier Me Enric Vilanova, défenseur de Pierre qui a évoqué devant les juges la présomption d’innocence, arguant que l’interdiction d’aller à l’université était «une peine dissimulée». Pour Yann, il est clair que leurs mésaventures «créent une peur sur une partie des étudiants et en radicalisent d’autres». Dehors, une quinzaine de membres du comité de soutien Justice pour Pierre et Yann attendent avec des tracts. Mais la décision sur la levée ou non de leur contrôle judiciaire sera connue mardi 22 janvier. En attendant, Yann est autorisé à aller passer un oral de ses partiels, demain.

(Source : Libération)

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Mis à jour ( Mercredi, 16 Janvier 2008 16:56 )