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Notre aimable clientèle

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Journaliste spécialisée dans les questions sociales, Emmanuelle Heidsieck publie son premier roman, «Notre aimable clientèle» (Denoël), qui met en scène un employé des Assedic appelé à révolutionner ses méthodes de travail. A l’heure où la privatisation du service de placement des chômeurs et le contrôle des allocataires fait partie des projets du nouveau gouvernement, cette fiction a des accents de roman d’anticipation.

«Les salariés du public sommés d’aduler la concurrence» - Mardi 14 juin 2005
Une interview de l'auteur par Sophie Caillat pour 20 Minutes.

Votre héros, entré aux Assedic par vocation, se trouve confronté à un changement radical de culture d’entreprise. Comment vit-il la transformation de sa mission ?
Le personnage que j’ai imaginé a 42 ans et vingt ans d’ancienneté. Il subit l’arrivée de nouvelles méthodes tout droit issues du monde anglo-saxon de la finance : un nouveau logiciel est mis en place pour mesurer le nombre de dossiers traités par employé, le temps de traitement et le taux d’erreur... Et son métier d’agent de service public consiste maintenant à radier un maximum de chômeurs, désormais appelés «clients». Sa hiérarchie lui explique qu’on passe d’un «travail de back-office», en bureau, à une «approche client» où le demandeur d’emploi est assimilé à un consommateur de services. D’abord ironique, le héros se met à avoir peur d’être catalogué comme ringard, d’être marginalisé et de se faire licencier.

Cette mutation du service public de l’emploi existe réellement. De quand date-t-elle ?
Le tournant s’est produit au début des années 2000, parallèlement à l’entrée en vigueur du PARE (plan d’aide au retour à l’emploi) voulu par le Medef, en application depuis le 1er juillet 2001. L’Unedic, l’organisme national qui fédère les 700 antennes Assedic de France, s’est alors mis à «activer ses dépenses passives» en individualisant la relation au chômeur, c’est-à-dire en lui versant des allocations en fonction de sa recherche d’emploi. On n’en est pas encore au stade du contrôle et de la sanction, mais c’est dans l’air. Rappelons qu’à sa création en 1958 (et jusqu’en 1982), le régime d’assurance-chômage était fondé sur une logique d’assistance : on versait une allocation tant que la personne était dans le besoin.

Cette nouvelle logique pourrait-elle profiter au chômeur qui, devenu client, serait «roi» ?
Effectivement, avec la personnalisation de l’indemnité, le but est d’améliorer l’«employabilité» du chômeur en lui proposant formation et mobilité, notamment. L’idée en vogue est que le salarié moderne alterne chômage et emploi sans se formaliser. Mais le terme de «client» ne colle pas au statut du chômeur : le licenciement n’est pas un choix, il y a un traumatisme de la perte d’emploi. L’Unedic pense «booster» les chômeurs comme les salariés, mais nie en fait l’idée de service public et celle de chômeur.

Vous évoquez la souffrance des salariés du secteur public, qui serait comparable à celle des employés du privé...
C’est une souffrance que l’on évoque peu, alors que c’est un fait de société. Depuis la fin des années 1990, on parle beaucoup du harcèlement moral dans les entreprises privées, visant à acculer les salariés à la démission pour réduire les coûts. Dans le public, le harcèlement diffère : on plaque les méthodes du privé, ce qui génère, chez certains, des dépressions ou des problèmes psychologiques graves.

... Par exemple ?
A France Télécom, le processus de privatisation s’est accompagné d’une augmentation de 37% des congés maladie de longue durée ! Une méthode de management baptisée «Performance individuelle comparée» (PIC) a été parfois ressentie comme humiliante. Ce genre de «re-conditionnement» des salariés du public se produit partout : à l’Unedic, à La Poste, à la Sécurité sociale, à EDF... Dans tous les cas, les salariés sont forcés à une inversion des valeurs, du langage, de la pensée. Après avoir défendu l’intérêt général, le collectif et la solidarité, ils sont subitement sommés d’aduler l’individualisme et la concurrence.

La critique d’Alternatives Economiques

Robert Leblanc est "technicien expérimenté fonction allocataire". En clair, il est chargé de l'accueil des demandeurs d'emploi, aux Assedic de Paris, où il travaille depuis plus de vingt ans. Et il déprime. cialis Surtout depuis la mise en place d'un nouveau mode de management basé sur la rentabilité. Les chômeurs doivent désormais être considérés comme des "clients" qu'il faut "fidéliser". Les agents des Assedic, quant à eux, sont placés sous la surveillance constante de leur hiérarchie et se voient chaque mois fixer des objectifs chiffrés. Lesquels ne favorisent évidemment pas le contact et la qualité de la prestation.

Un roman sévère, qui dénonce efficacement et avec humour les dérives de la "modernisation" des services publics. Car si l'histoire est fictive, les méthodes décrites, elles, sont bien réelles. Et relèvent d'un cynisme inquiétant.

L'avis d’Actuchomage

Les personnages sont inventés (bien que derrière les noms modifiés on en reconnaisse certains, notamment Jean-Pierre Revoil et Denis Gautier-Sauvagnac) mais tout est vrai : les méthodes et les termes de travail, les lieux, les évènements (la mise en place du PARE ou l'affaire des "Recalculés")... tout !

A l'heure où sonne la fusion ANPE/Unedic et sa privatisation rampante, ce roman est aussi jubilatoire que prémonitoire.

A la fin le personnage principal, salarié depuis 20 ans à l'Assedic et ne supportant plus ce qu'il s'y passe (d'ailleurs, il décrit ses collègues comme des "prédateurs" ou des "collabos"), est devenu totalement dépressif et rechigne à reprendre le travail. Son psy lui dit alors : «Vous avez deux filles et un loyer, la vie devant vous et, comme vous dites, un salaire sur quatorze mois et demi. Alors, il faut choisir : le RMI dans une intégrité intellectuelle que vous revendiquez, ou l'emploi avec ses inconvénients que vous devriez pouvoir mettre à distance après cette thérapie, j'en suis sûr. Il faut choisir et assumer.» A méditer.


SH

Emmanuelle HEIDSIECK, Notre aimable clientèle - Ed. Denoël (2005) - 14 €
Mis à jour ( Jeudi, 06 Août 2009 15:55 )  

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