Du Quinqua bedonnant au Retraité famélique

Mercredi, 22 Juillet 2015 19:20
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À 50 balais, tu ne vaux quasiment plus rien sur le marché de l’emploi. Pas un kopeck ! T’as beau adresser des candidatures par dizaines, elles ne passent pas le cap du premier écrémage : ta putain de date de naissance.

À 50 balais, t’es plus qu’un candidat en bout de course, un ringard, un has-been, une nana ou un mec qui a fait son temps… T’es bon pour la casse.

Si ça ne sent pas encore le sapin pour ta pomme, tu empestes la poussière, le renfermé, le froissé… le vieux machin usé. 



On ne prend même plus la peine de répondre par la négative à ton CV long comme le bras, à tes expériences concluantes, à ta farouche volonté de poursuivre un parcours qui reste en panne, à 50 ans, alors que t'en as peut-être autant à vivre devant toi.

Chez Pôpole, dans l’agence d’en face, ils entretiennent l’illusion : «Faites jouer votre réseau. Ne vous découragez pas. Postulez, vous n’avez rien à perdre !».

Au fond, tu sais que tu n’as surtout plus grand-chose à gagner. Les dès sont pipés. Game Over !  

Ailleurs pourtant, le quinqua est hyper tendance, dans le mouv’… Les conseils d’administration des grands groupes, ceux qu’on cite en exemple, sont blindés de grisonnants, de «comme toi», de plus vieux que toi même, qui cumulent fonctions, honneurs, jetons de présence et retraites chapeaux. Pas autant que sur les bancs du Sénat, de l’Assemblée aussi, ou à la tête de l’État.

Un moins de 50 balais éprouverait aujourd’hui encore la plus grande difficulté à être élu Président de la République. «Trop jeune, trop inexpérimenté», dirait-on de lui.

Mais toi, t’es trop vieux, trop expérimenté… pour le poste. Trop cher aussi. Comme si t'étais incapable de revoir à la baisse tes prétentions salariales pour décrocher le job qui te fait cruellement défaut.

Toutes les raisons sont bonnes pour t’exclure de la course à l’emploi, cette carotte des temps modernes que se disputent 6 millions d’inscrits à Pôpole.

Alors t’attends l’heure d’une retraite qu’on repousse à mesure qu’on réforme nos protections sociales à l'aune des dogmes de la mondialisation. Il faut travailler plus longtemps mon gars !

«J’voudrais bien mais j’peux point !», fredonnait la clairvoyante lanceuse d’alerte Annie Cordy quand tu n’étais qu’un minot. Œuvre prémonitoire… mais bonjour les références de vieux con !

Toi, le quinqua, t’es planté-là au milieu du marigot, empêtré jusqu’aux genoux. Devant, tout plein de retraités qui ont acquis leurs droits pendant les Trente Glorieuses, à 5% de croissance l'an. Bons salaires, pas de périodes de chômage, une retraite au soleil du Midi ou sous les tropiques tout aussi lumineux : le jackpot ! Derrière, une myriade de jeunes qui aspirent à se mettre à l’abri des intempéries, en ces temps orageux. On les comprend. 

T’as pas les moyens de tes aînés, plus la souplesse de tes enfants. Ton CV et ta date de naissance sont trop rigides, trop lourds à porter.

Pourtant à les écouter, tu dois te surveiller, te contraindre pour vivre plus longtemps encore. Perdre du poids, arrêter la clope, siroter avec modération, satisfaire aux examens médicaux, aux coloscopies, aux check-up… Et surtout, rester actif ! Ce qu’on te refuse dans le boulot.

On attend de toi que tu préserves cet avenir… qui se dérobe. Absurde !

Il te reste ta famille, tes enfants, tes amis, tes hobbies, tes passions, ta curiosité, ta vitalité, ton appétit de vivre que tu auras du mal à satisfaire quand tu auras croqué tes économies et que tu survivras au minimum vieillesse faute d’avoir cotisé toutes ces années durant.

Quinqua bedonnant au chômage puis retraité famélique, enthousiasmante perspective !

Édouard Henry pour Actuchomage.org (qui précise que ce bide n'est pas le sien).


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