Perte du triple A, une aubaine pour l'austérité

Mercredi, 21 Novembre 2012 12:14
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La dégradation par Moody's du Aaa de la France en Aa1 va encourager le gouvernement à poursuivre une politique de rigueur qui nous mène dans le mur.

Après Standard and Poor's en janvier dernier, lundi soir, Moody's a abaissé d'un cran la note de la dette de long terme de la France, qui perd ainsi son précieux AAA auprès de la deuxième grande agence d'évaluation financière internationale. Bien sûr, depuis la crise des subprimes, la crédibilité de ces organismes est sérieusement entamée. Mais qu'importe : l'idolâtrie du Dieu Argent est à son comble et ces agences en sont toujours les gourous.

Moody's maintient la France sous perspective négative, ce qui signifie qu'elle n'exclut pas une nouvelle dégradation. Pour le troisième larron Fitch, l'Hexagone conserve son triple A avec une perspective négative… jusqu'au prochain point prévu en 2013.

Or, on sait qu'une note dégradée signifie une hausse probable des taux d'intérêt. Avec ses 50 milliards, la charge de la dette est devenu le poste de dépense le plus coûteux pour l'Etat. (Sans oublier les répercussions sur les collectivités territoriales, les entreprises publiques et certains organismes de sécurité sociale comme l'Unedic, tous endettés et également soumis au jugement de ces agences.) Tant que la BCE ne prêtera pas directement aux Etats à un taux proche de zéro comme elle le fait pour les banques, les Etats endettés par la crise financière de 2008, après avoir renfloué les irresponsables qui nous ont mené là — y compris les agences de notations qui ont été d'une complaisance inouïe dans ce scandale —, continueront à nourrir les intérêts d'investisseurs privés, ce qui est tout de même un comble !

Un gouvernement pas inquiet

A peine la nouvelle annoncée, Pierre Moscovici a déclaré lundi soir que cette dégradation était une "sanction pour l'absence de réformes passées et pour la gestion de ceux qui nous ont précédés" qui incite le gouvernement à continuer de réduire le déficit public et à mener ses réformes. "Le sérieux budgétaire est un gage de crédibilité auquel nous nous sommes engagés, et le pacte de compétitivité devra être mis en œuvre rapidement et fortement", a-t-il dit. Un pacte de compétitivité qui a fait du "coût du travail" l'ennemi économique numéro un...

Najat Vallaud-Belkacem a emboîté le pas du ministre des Finances mardi matin. Interrogée sur France Inter, la porte-parole du gouvernement a voulu "relativiser la portée de cette décision. La France reste une valeur sûre, elle arrive en deuxième position juste derrière l'Allemagne". "Cette décision vient sanctionner non pas la politique conduite par le gouvernement — ça, on verra dans quelques mois — mais celle qui a été conduite jusqu'à présent par le précédent gouvernement. Moody's met en avant à notre actif à la fois la maîtrise des comptes publics" et "le pacte national pour la compétitivité et la croissance", a ressassé Najat Vallaud-Belkacem, précisant : "Le gouvernement est bien décidé à poursuivre résolument son agenda de réformes".

Un langage semblable en tous points à celui de ses prédécesseurs, la porte-parole voyant même dans le comportement des marchés le signe qu'il faut poursuivre les politiques de rigueur budgétaire : "Les investisseurs, aujourd'hui encore, prêtent à la France dans des conditions qui sont très favorables depuis quelques mois. Nous empruntons par exemple sur les emprunts à court terme à des taux négatifs, ce qui n'était pas arrivé depuis bien longtemps, et cela va durer."

Un patronat à l'affût

Dans son rapport justifiant la dégradation de la note souveraine française, Moody's a souligné que "les perspectives de croissance économique à long terme sont affectées (…) par de multiples défis structurels, les rigidités durables du marché du travail, des biens et des services", pointant "une législation très protectrice pour les CDI".

Pourtant censées ne pas faire de politique, ce sont bien les agences de notation qui nous dictent nos orientations, sans oublier la finance : "Sans réformes, le répit que nous accordent les marchés ne durera pas", a dit aux Echos Michel Cicurel, l'ex-président de la Compagnie financière Edmond de Rothschild. Un "sentiment d'urgence" unanimement partagé par les acteurs des marchés et par de nombreux économistes mainstream...

Du côté patronal, Laurence Parisot, la présidente du Medef, a aussitôt estimé que le retrait du triple A de la France par Moody's était un "avertissement sérieux" et a appelé elle aussi le gouvernement à mener des "réformes structurelles", notamment "sur l'assurance maladie et la retraite", et d'en rajouter une louche en matière de flexibilité du travail. En clair : c'est sur le contribuable et le salarié que doivent peser les sacrifices, quand bien même ne sont-ils nullement responsables de la crise et de l'endettement du pays. Voilà ce qu'estiment tous ces ignobles dictateurs à la fois coupables du désastre et totalement épargnés, voire enrichis par celui-ci.

De tout temps, les possédants ont battu leur coulpe sur la poitrine des autres. Le parti "socialiste" revenu aux affaires ne compte pas les refroidir. Depuis son élection, face aux nantis spéculateurs et conservateurs, on a vu François Hollande aller de reculs en renoncements, nous duper et nous prouver que son parti social-libéral n'est certainement pas de gauche. Les mesures déjà prises vont tout autant pénaliser les plus pauvres; celles qui vont suivre seront du même tonneau. Les "réformes structurelles" envisagées par son gouvernement inféodé à la Troïka, au patronat et aux marchés iront dans le sens de l'austérité. Par cet éternel nivelage par le bas, aveugle et moutonnier, nous partagerons bientôt la grande misère de nos voisins italiens, portugais, espagnols ou grecs.

SH

Post-scriptum : on apprend que l'Unedic a été dégradée de Aaa à Aa1.
Quant à la SNCF, qui est pourtant bénéficiaire, elle a été dégradée d'un cran à Aa2 et envisage un plan d'économies !



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Mis à jour ( Jeudi, 10 Janvier 2013 14:32 )