Le chasseur de pauvres

Dimanche, 29 Mai 2011 20:39
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Eric Ciotti, président UMP du conseil général des Alpes-Maritimes, vient de créer une brigade chargée de lutter contre la fraude au RSA dans sa région. Réaction du chroniqueur Claude Askolovitch.

Elles sont cinq familles en France, entre l’Yonne et l’Ariège, qui ne touchent plus d’allocations familiales. Peu s’en soucient dans le bruit des actualités que l’on sait. On ignore qui elles sont, on devine simplement le manque financier qui doit s’ajouter à tant de détresse.

On sait juste que ces familles sont coupables des absences scolaires de leurs enfants. On connaît aussi l’auteur de leur disgrâce : Éric Ciotti, député UMP et président du conseil général des Alpes-Maritimes, qui a réintroduit dans notre droit cette punition financière en janvier dernier. Une loi efficace, jure-t-on en haut lieu, qui aurait ramené 7.000 enfants à l’école, par peur, et tant pis pour ces cinq familles — 20 personnes, 30 ? — chassées de la bénévolence nationale.

Éric Ciotti est un personnage de notre République, qui fait du bruit à la droite de la droite et réalise le rêve de tous les politiques : changer la vie. Éric Ciotti n’est pas un réformateur social qui rendra notre société un peu moins insupportable : il change la vie des faibles, qu’il pourchasse et stigmatise avec une constance remarquée. L’été dernier, il proposait dans ce journal d’envoyer en prison les parents des jeunes délinquants. En ce joli mois de mai, il vient de lancer une «brigade antifraudeurs», financée par son conseil général, qui traquera ceux qui abuseraient du RSA.

Un département, en charge de l’aide sociale, qui se proclame policier et y consacre 16 fonctionnaires : véhémente gabegie ! Le soubassement idéologique et l’effet de propagande — les chômeurs sont des tricheurs en puissance — ne sont pas inédits : Patrick Buisson et Laurent Wauquiez les avaient installés, mais avec moins de sens pratique. Les incorruptibles de Ciotti feront rendre gorge aux miséreux, c’est plus commode que de taxer les fortunes. Ainsi s’installe une République brutale au prétexte de l’équité, où les mêmes paient toujours et encore. Victimes absolues, cibles anonymes qui n’existent que pour être blessées.

Dans l’horreur de l’affaire DSK, on redécouvre — l’avait-on oublié ? — l’abîme social qui sépare un gouvernant du monde d’une immigrée africaine à New York. Certains en tirent des leçons de morale faciles et odieuses. Ce n’est pas la richesse d’Anne Sinclair qui devrait intriguer, qu’elle n’a volée à personne et qui n’a jamais influé sur les positions publiques de l’homme de gauche Strauss-Kahn. Mais il est bon de se rappeler ce qu’est l’existence des oubliés de l’actualité, que réveillent les seules tragédies.

La vie des peuples invisibles, là-bas, et ici aussi. Immigrés de nos chambres d’hôtel ; femmes brutalisées que les bruits médiatiques, entre DSK et Tron, renvoient à ce malheur qu’elles n’osent exprimer ; naufragés de la vie, éperdus de chômage et qui ne tiennent plus leurs gosses, et que tous les Ciotti du monde ne rateront pas. Invisibles de tous les pays, pardonnez-nous.

(Source : Le JDD)


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