Nobel d'économie 2010, ou l'épouvantail des allocations chômage

Mercredi, 13 Octobre 2010 07:16
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Le Nobel d'économie 2010 vient d'être attribué à deux Américains et un Britannico-chypriote pour leurs travaux sur "la manière dont le chômage, l'emploi et les salaires peuvent être affectés par la politique économique". Principale conclusion de leur travaux : "Plus les allocations chômage sont importantes, plus le taux de chômage est élevé et la durée de recherche d'emploi est longue"...

Officiellement dénommé «prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel», le Nobel d'économie est le seul non prévu dans le testament du philanthrope suédois Alfred Nobel, précise Radio-Canada. Il convient donc de ne pas le confondre avec les autres prix Nobel (chimie, physique, médecine, littérature et paix).

Ce «prix de la Banque de Suède» a été lancé en 1968. Il est à noter que "les deux tiers des prix de la Banque de Suède ont été remis aux économistes américains de l'école de Chicago, dont les modèles mathématiques servent à spéculer sur les marchés d'actions, à l'opposé des intentions d'Alfred Nobel, qui entendait améliorer la condition humaine", signalait Le Monde Diplomatique en février 2005.

Quels sont les travaux qui ont été récompensés par ce «Prix de la banque de Suède» ? "Les chercheurs se sont affairés à déterminer notamment ce qui fait en sorte que dans une économie, il est possible de retrouver un nombre important de chômeurs alors qu'existent de nombreuses offres d'emploi." Ceci donnant lieu à une «révélation» : "Plus les allocations chômage sont importantes, plus le taux de chômage est élevé et la durée de recherche d'emploi est longue."

Ce qui fait dire à Yannick L'Horty, professeur d'économie à Paris-Est et chercheur associé au Centre d'études de l’emploi, interviewé par 20Minutes : Quelle influence ces travaux ont-ils pu avoir sur les politiques économiques ? "Par exemple, elles ont montré que les intermédiaires, tels que les agences pour l’emploi, jouent un rôle majeur sur le marché du travail. (…) De même, concernant les allocations chômage, Diamond, Mortensen et Pissarides expliquent qu’elles jouent un rôle important mais ambigu : si elles sont trop généreuses, l’intensité de la recherche sera moindre, tandis que la qualité de l’emploi trouvé sera supérieure."

En clair, pour combattre le chômage, il suffit de contraindre tous ceux qui ont perdu leur emploi à prendre n'importe quel job, y compris le plus précaire, et surtout réduire à leur plus simple expression la durée et les conditions d'indemnisation. En résumé, comme le chantait Jean Ferrat : "Il faut parfois choisir la faim ou le taureau"...

Le prix Nobel d'économie vient donc récompenser une situation connue et appliquée depuis plusieurs années en Grande Bretagne : "Les chômeurs touchent une indemnité peu élevée : une cinquantaine de livres (environ 80 euros) par semaine. Ils sont suivis de près, avec contrat à l’appui. A chaque rendez-vous, ils doivent amener des preuves de leurs recherches et toute une gamme de sanctions s’échelonne, du refus de formation au mauvais comportement." Ce qui se traduit dans les faits par des situations épouvantables : "Dans un quartier où le taux de chômage dépasse les 40%, nombreux sont ceux qui tombent dans le piège de l’alcool, de la drogue et de la désocialisation. (…) Les chiffres du chômage ne tiennent pas compte de ces “inaptes” au travail, trop brisés par la vie, ou bien simplement handicapés ou mères de familles trop nombreuses", écrit France Info.

Mais, que les sceptiques se rassurent sur la validité de ces travaux. En effet, comme l'explique Le Figaro, ils peuvent, selon le comité d'attribution du Nobel d'économie, "être appliqués à d'autres marchés qui se caractérisent également par la non-immédiateté de la rencontre entre acheteur et vendeur, comme par exemple sur le marché de l'immobilier". Devant un raisonnement d'une telle qualité, il serait tout à fait incongru de proposer comme réponse : Certaines dérives dans l'utilisation de la titrisation des créances immobilières aux États-Unis comme les subprimes... Etonnant, non ?

(Source : SLOVAR)


NDLR : Contrairement aux divagations des économistes néo-libéraux, le mode d'indemnisation du chômage n'a pas d'incidence sur le volume du chômage. Depuis son développement à partir des années 80, le montant et la durée de l'indemnisation des chômeurs n'ont cessé de baisser dans tous les pays riches, ce qui n'a pas empêché le chômage de se massifier => LIRE ICI

Le chômage est voulu et planifié : il permet de faire pression à la baisse sur les salaires, les conditions de travail, les droits des salariés et la qualité des emplois.




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Mis à jour ( Jeudi, 14 Octobre 2010 16:14 )