CMU : le testing de Rue89

Mercredi, 10 Septembre 2008 12:26
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Rue89 a décidé de faire son propre testing téléphonique dans quatre arrondissements parisiens aux réalités sociologiques très variées, du Ier au XXe en passant par le VIIe et le XVIIIe. Deux heures plus tard, 71 cabinets médicaux avaient répondu, dans trois spécialités différentes (médecine générale, ophtalmologie et gynécologie).

A chaque secrétaire ou médecin, lorsque ce dernier répond en personne, j’ai donné la même version — simplissime : «Je viens d’arriver dans le quartier et je suis à la recherche d’un médecin. Mais je voulais savoir si vous preniez les patients à la CMU, puisque c’est mon cas.»

Voici, spécialité par spécialité, les résultats glanés en 71 coups de fil :

Médecine générale

Au total, trente cabinets contactés. Dans le XXe arrondissement, un médecin sur sept m’a éconduit, pas bavard pour expliquer le sens de son refus. D’autres, acceptant, en ont profité pour glisser au passage : «Encore heureux : personne n’a le droit de vous refuser, mademoiselle !»

Dans le Ier arrondissement, un médecin sur huit a également refusé ma demande, arguant que son cabinet n’était «pas équipé pour». Mauvaise réponse : les praticiens qui ne se sont pas procuré de boîtier pour la carte vitale peuvent très bien remplir un formulaire papier, ce que précise d’ailleurs une de ses consœurs qui tâcle volontiers les pratiques moins vertueuses.

A l’extrémité nord de Paris, le XVIIIe, quartier largement populaire du côté de la Goutte d’Or et des boulevards des Maréchaux… mais plus cossu vers Montmartre. Aucun des sept généralistes appelés n’a refusé «mon» dossier… ex aequo avec le très chic VIIe arrondissement, où tous les généralistes disent recevoir des CMUstes sans ciller.

Ophtalmologie

Chez les spécialistes des yeux, il en va autrement : dix-neuf cabinets contactés, pour un total de cinq refus francs… et quelques explications alambiquées. Ainsi, dans le XXe, un ophtalmo sur cinq a refusé de me recevoir en apprenant que j’étais à la CMU. Dans le VIIe, ils étaient deux dans ce cas, mais prenaient soin de m’aiguiller vers un dispensaire.

Dans le XVIIIe, un des deux praticiens réfractaires reconnaissait qu’il ne recevait personne à la CMU dans son cabinet libéral… mais se flattait de recevoir «gratuitement et pour la même qualité comparable depuis 25 ans à l’hôpital». Attention quand-même : pour les patients CMU, ça se passe uniquement le jeudi après-midi et à l’autre bout de Paris, dans le XIIe arrondissement.

Plus difficile, enfin : trouver un ophtalmologiste dans le très central Ier arrondissement. Pour une demi-douzaine de coups de fil, seuls trois cabinets ont répondu, dont un réfractaire.

Gynécologie

Trouver un gynécologue conventionné qui ne fasse pas de dépassements d’honoraires à Paris est réputé galère. Ça se confirme à plus forte raison pour les bénéficiaires de la CMU. Sur vingt-deux gynécologues, huit ont fermé leur porte.

Dans le Ier arrondissement, seulement un sur cinq accepte franchement. Deux refusent carrément, tandis que deux autres cabinets précisent soit que le même médecin fait une consultation à l’hôpital, soit que «c’est uniquement l’après-midi quand on est à la CMU».

Dans le XVIIIe, une gynéco refuse mais aiguille en douceur vers deux consœurs qui consultent gratuitement, et trois acceptent aussitôt. Une seule refuse, mais sa secrétaire «croit savoir» qu’elle intervient «quelque part en milieu hospitalier».

Dans le XXe arrondissement, il semble plus simple de trouver un gynécologue CMU-compatible : quatre acceptent, et le dernier explique qu’il consulte dans un centre de Santé trois demi-journées par semaine.

La palme du refus revient dans cette spécialité au VIIe arrondissement, plutôt accueillant dans les deux autres catégories : seulement deux "oui" francs pour cinq appels, un refus assorti d’excuses de la part de la secrétaire qui soupire : «C’est un cabinet privé, vous savez», et une gynéco qui décroche elle-même pour expliquer qu’elle a trop de monde et se cantonne aux problèmes d’infertilité.

On termine en beauté avec cette secrétaire qui commence par une explication tortueuse : «Humm… voyez avec elle directement… ça dépend… Elle seule peut décider de vous accepter, rappelez quand elle est joignable à partir du 1er octobre.» Pour finir par poser la question qui tue : «Comment ça, vous ne travaillez pas du tout ? Oh, mais d’ici le 1er octobre, vous aurez sûrement retrouvé du travail !»

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Un commentaire de cet article, visiblement posté par un médecin, mérite d'être souligné :

Avec la carte vitale, le reversement des honoraires au médecin est extrêmement rapide, entre 4-6 jours maximum, et si la plupart des médecins font comme moi (comptabilité 2-3 fois par mois), la CMU est plus vite reportée sur les comptes professionnels que les chèques mis en banque.
(...) La Sécurité sociale existe comme élément de solidarité pour tout le monde et ce sont nos cotisations qui la paient : elle prend en charge 70% de n’importe quelle consultation et 100% des consultations pour affection longue durée; la CMU ne couvre que la part complémentaire assumée par une mutuelle. Donc les patients CMU ne bénéficient que d’une cotisation gratuite à une complémentaire.

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Mis à jour ( Vendredi, 11 Septembre 2009 13:35 )