En 2008, accélérez, monsieur le président

Lundi, 31 Décembre 2007 07:34
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Monsieur le président,

Dans quelques jours, vous recevrez les conclusions de la commission Attali pour moderniser le pays. Malheureusement, en vous engageant dès le départ à suivre ses recommandations, vous avez, semble-t-il, bridé son imagination. Croyez-vous que vous marquerez votre quinquennat en permettant aux grandes surfaces allemandes d'envahir nos banlieues ou en augmentant le nombre de taxis parisiens ? Bien sûr que non.

Il y a douze ans, un baron du gaullisme, Alain Peyrefitte, démontrait que la prospérité d'une société reposait sur la confiance qui y régnait. Hélas, comme l'ont récemment mis en exergue deux économistes, la France est "une société de défiance". Il vous faut donc ramener la confiance. Comment ? En poursuivant ce que vous avez si bien entamé en 2007. Tout simplement. Par exemple, en augmentant votre rémunération. Oui, je sais, elle vient de passer de 8.457 € à 20.858 € par mois, ce qui est déjà courageux. Mais il faut aller plus loin. Comment mieux symboliser le retour en force de l'Etat ?

A l'heure où le PDG de la banque Goldman Sachs touche une prime de 68 millions de dollars en 2007, n'est-il pas humiliant que le président de la septième économie mondiale en soit réduit à emprunter l'avion d'un industriel pour partir en vacances ? Imagine-t-on sérieusement qu'invité une nouvelle fois chez vos amis canadiens, la richissime famille Desmarais, actionnaire entre autres de Suez, Total et Lafarge, vous vous présentiez à leur porte en voiture de location ? Vous le savez bien, quand George Bush se rend dans leur propriété de 75 km2, il utilise un jet ou un hélicoptère privé.

Augmenter votre salaire aurait un autre avantage. Tous les consultants l'affirment : pour qu'une équipe soit solidaire, il ne faut pas qu'il y ait trop d'écart de revenus entre ceux qui la composent. Un coup de pouce à vos "collaborateurs" s'impose. Le message serait clair : là aussi, vous faites ce que vous dites et augmentez le pouvoir d'achat.

Certes, Bruxelles pourrait tiquer, mais au point où en sont les déficits... Les parlementaires aussi pourraient râler. Mais grâce à la commission Balladur-Lang sur les institutions, vous disposez d'un argument massue : s'ils veulent gagner plus, qu'ils travaillent plus ! Qu'ils cumulent les mandats ! La politique, vous le savez bien, est une affaire de professionnels. Jean-François Copé, député, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, maire de Meaux et président de la communauté d'agglomération, l'a bien compris, lui qui travaille désormais "à temps partiel" dans un grand cabinet d'avocats d'affaires. Voilà l'exemple à suivre.

UNE POLITIQUE QUI GAGNE

Le président de la commission de la défense pourrait émarger chez Lagardère et son collègue des affaires culturelles chez Euro Disney. Le président de la commission des affaires économiques pourrait, lui, travailler à la SNCF. Cela lui permettrait d'expliquer aux cheminots que vous n'êtes pas hostile, par principe, aux régimes spéciaux. La preuve, les parlementaires gardent le leur. Pour 1 euro cotisé, chacun continue de percevoir, dit-on, 6 € à la retraite.

Toujours dans le social : certains affirment que vous hésitez à instaurer une TVA sociale ou à augmenter la franchise médicale. Mais les pauvres étant les plus nombreux, les moins mobiles et les moins enclins à voter, il n'y a pas à tergiverser. Les experts de Bercy sont unanimes : il est plus facile de ponctionner 100 euros à 10 millions de personnes en augmentant un impôt inodore comme la TVA que prendre 100.000 euros à 10.000 personnes en relevant l'impôt sur le revenu.

A la limite, on peut débattre de la TVA, car il n'est pas exclu que certains s'en rendent compte et consomment un peu moins. En revanche, on n'a jamais vu une franchise provoquer une diminution des malades. Cela risque d'augmenter un peu plus les inégalités mais, rassurez-vous, les chiffres sont publiés avec plusieurs années de retard. Il sera alors loisible d'accuser la mondialisation.

Reste l'immigration. Chacun garde à l'esprit l'objectif fixé à Brice Hortefeux en 2007 : 25.000 expulsions d'étrangers en situation irrégulière. Là non plus, ne changez pas une politique qui gagne. Faites davantage en 2008. Cela ne pourra que clarifier la position de la France avant le sommet de l'Union euro-méditerranéenne du 13 juillet. Il ne faudrait quand même pas que les pays du Maghreb se bercent d'illusions sur vos intentions. Quant à la gauche, elle est tellement coincée sur le sujet qu'elle n'osera pas vous faire remarquer que la plupart des pays où la croissance est forte - les Etats-Unis, l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Irlande - sont des terres d'immigration massive. Si, malgré vos efforts pour restaurer la confiance, la croissance marque le pas en 2008, comme l'INSEE persiste à le penser malgré le récent changement de directeur général, la faute en incombera, bien sûr, à l'euro.

Que le Financial Times (que malheureusement Bernard Arnault n'a pas encore racheté) ait eu l'idée - insultante à votre endroit - de désigner Jean-Claude Trichet "Personnalité de l'année 2007" pour sa gestion de la crise des subprimes et l'autorité qui est la sienne sur les marchés financiers ne doit évidemment pas vous inciter à ne plus taper sur la BCE. Au contraire ! Là aussi, continuez.

Frédéric Lemaître pour Le Monde

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Mis à jour ( Lundi, 31 Décembre 2007 07:34 )