Les campings de la mouise

Vendredi, 26 Octobre 2007 16:17
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Vivre à l’année en camping ou sur un lopin de terre peut être le dernier recours face à l’explosion des loyers. Ce phénomène en pleine expansion touche désormais des salariés et des retraités­. Reportage en Languedoc-Roussillon.

Comme ils vivent cachés, on ne les voit pas. C’est comme s’ils n’existaient pas. Pourtant, ils sont plus de 100.000, un peu partout en France, à loger dans une caravane ou un cabanon. Il serait plus simple que ces hommes et ces femmes soient SDF, alcooliques, tsiganes, sans-papiers, RMIstes à vie, etc. Mais non, ces gens-là se lèvent le matin pour aller au boulot, ou sont à la retraite après avoir cotisé toute leur vie.

[...] Caroline est standardiste dans une entreprise de Béziers. Elle vit avec sa fille de 18 ans, et son fils de 10 ans. Sa tenue très soignée jure avec la misère environnante. Très méfiante au premier abord, elle finit par lâcher quelques bribes de sa vie, mais refuse catégoriquement que son vrai prénom apparaisse dans le journal. «Avant, j’habitais une maison, à Lyon. Puis j’ai vécu en appartement pendant six ans. Ici, vous payez une misère, c’est le paradis ! Et ça n’empêche pas mes enfants de grandir et d’être bien élevés. Par contre, il faut se foutre royalement de ce que pensent les autres. Quand je suis allée inscrire mon fils à la cantine, la secrétaire de la mairie a été charmante. Mais dès que je lui ai donné mon adresse, son visage s’est refermé, et elle m’a dit qu’il n’y avait plus de place. C’est clair, elle m’a prise pour une Manouche.»

Chez les voisins de Caroline, personne n’a voulu ouvrir sa porte. Que l’on soit journaliste, bénévole dans une association caritative, assistante sociale ou chercheur en sociologie, il est très difficile d’entrer en contact avec ces «campeurs» malgré eux. Leur habitation de fortune se cache souvent loin des axes de circulation, dans des campings discrets, en bordure d’un champ, voire au fond d’une forêt. «Et puis certains ont un peu honte», ajoute France Poulain, une des rares chercheuses en France à travailler sur le sujet. «Ou bien ils savent que ce n’est pas vraiment légal, alors ils ne veulent pas d’ennuis.» Auteure d’une thèse sur «l’Urbanisation illégale liée au camping-caravaning sur parcelles privées du littoral français», elle estime «entre 70.000 et 120.000 le nombre de personnes vivant à l’année sur un camping», et «de 20.000 à 30.000 celles qui vivent sur des parcelles privées, même si cette estimation est beaucoup plus aléatoire».

C’est le cas de Paul. Ce retraité de 71 ans a posé ses trois caravanes au bout d’un petit chemin de terre qui serpente au milieu des jardins Saint-Jacques, vaste étendue de terrains maraîchers où poussent tomates, salades et carottes destinées à la ville. [...] Paul est père de cinq enfants, dispersés aux quatre coins de France. Il vit avec 620 € de retraite. Pendant un temps, il a eu des voisins, Alexandre, qui travaille chez Bouygues, Josée et leur enfant. «Maintenant, je suis seul. Mes enfants ne savent pas que je vis ici, ça me gênerait qu’ils me voient ainsi.» Pour l’eau, il va remplir des bidons à une fontaine avec sa vieille Peugeot 505. «Tant qu’elle marche…» Pour l’électricité, il allume un moteur à essence deux heures par jour, «pour économiser».

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