Denis Gautier-Sauvagnac voulait «fluidifier les relations sociales»

Dimanche, 14 Octobre 2007 21:59
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Toujours soutenu par le Medef malgré les lourds soupçons qui pèsent sur lui, c'est tout sourire que «DGS» continue de participer aux discussions avec les syndicats de salariés sur la "modernisation" du marché du travail, chère à Nicolas Sarkozy...

Vendredi, comme une fleur, cet homme très distingué était donc présent à la réunion des partenaires sociaux qui abordait le thème de l'indemnisation du chômage, afin de défendre des propositions patronales consistant à faire prendre en charge par l'impôt et la solidarité nationale une «indemnisation de base» pour «l'ensemble» des chômeurs, assorti d'un complément des Assedic pour ceux qui y auront droit (régime assurantiel complémentaire payé par des cotisations).

On sait que, quand ça l'arrange, le patronat veut "plus d'Etat" ou "moins d'Etat" selon qu'il s'agit d'assumer ses responsabilités sur ses choix économiques. Ainsi, pour être chaque année charitablement assistées de quelque 60 milliards d'euros d'aides publiques diverses et variées - soit l'équivalent du déficit budgétaire de la France -, les entreprises sont toujours solidaires. Mais pour participer au coût de la destruction et de la précarisation des emplois, qui sont pourtant de leur fait et ruinent notre protection sociale (Sécu, chômage, retraite…) ainsi que le budget des collectivités, tout "interventionnisme" de l'Etat est forcément à proscrire !

20 millions de fluidités…

Finalement, la brigade financière va de découverte en découverte et estime aujourd'hui à 24 millions d'euros - au lieu de 5,64 - le montant total des retraits suspects en espèces effectués sur les ordres du président de l'UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), également négociateur en chef du Medef et vice-président de l'Unedic (assurance-chômage), rien que ça.

Bien sûr, Denis Gautier-Sauvagnac refuse toujours de se prononcer publiquement sur l'affaire. Pour justifier ces retraits qu'il ne nie pas, dans la première phase de l'enquête il avait d'abord évoqué les «œuvres sociales» de l'UIMM, censées aider des salariés et retraités "nécessiteux"... Puis il a déclaré ensuite à la police avoir utilisé ces liquidités pour «fluidifier les relations sociales», sans autre précision. Fluidifier… liquidités… volontairement ou pas, «DGS» a fait là un savoureux jeu de mots ! Car c'est bien avec du cash - ni vu ni connu - qu'on achète - par exemple - des accords, et l'expression "fluidifier les relations sociales" pourrait se traduire par "verser des pots de vin".

Ça tombe mal !

L'enrichissement personnel est une piste jugée a priori peu probable pour ce personnage aux revenus très confortables (et dont le rôle consiste à réduire ceux des salariés et des chômeurs). Mais la piste du financement politique occulte ou de la corruption demeure sérieuse.
Le Medef, qui rassemble demain son conseil exécutif, est fort embarrassé : tout ça, c'est très mauvais pour le rapport de force à instituer dans les négociations à venir ! Très mauvais aussi pour l'ami des riches patrons, Nicolas Sarkozy : lui qui pensait instrumentaliser la victoire du XV de France pour mieux faire passer son tsunami de réformes anti-sociales, il doit grincer des dents avec cette nouvelle déconvenue qui, conjuguée à l'affaire EADS, éclabousse ses projets.

Quelle légitimité pour «DGS» ?

Souvenons-nous qu'en 1999 Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l'Economie et des Finances, était suspecté par la justice dans l'affaire de la MNEF. Il avait choisi de présenter sa démission avec beaucoup d'honneur et de courage. Menacé d'être mis en examen pour faux et usage de faux, «DSK» décidait de se retirer afin de prouver sa bonne foi et, surtout, ne pas entacher son gouvernement ni son parti. Comme on le sait, il a été relaxé.

Si «DGS» n'a rien à se reprocher, s'il devait faire preuve d'une réelle noblesse, il agirait de même. Mais en guise d'honneur, ce qui caractérise les comportements mafieux, c'est l'omerta, confirmée ici par le silence dont on nous abreuve (y compris notre lider maximo qui, pourtant, a toujours une déclaration à faire sur TF1). Et puis il y a la «présomption d'innocence», si chère à Laurence Parisot. Cependant, la présidente du Medef oublie que cette notion bienveillante a été instituée par un gouvernement socialiste (Loi Guigou du 15 juin 2000). De plus elle s'imagine que ce principe n'est valable que pour les membres de sa caste, tandis qu'au quotidien les chômeurs et les pauvres - que ses pairs ont mis sur la paille pour mieux s'enrichir - sont, sans hésitation, tous coupables et responsables !

Qui est mouillé, qui ne l'est pas ?

Qui, dans la mesure où ils n'ont pas bénéficié des "fluidités relationnelles" de l'UIMM, osera demander la suspension de son président lors des prochaines réunions de travail entre syndicats et patronat, le temps que lumière soit faite ? Car, pour l'instant, la tiédeur des réactions face à ce scandale est incompréhensible : on s'attendait au moins à ce que les représentants des syndicats de salariés quittent la table et refusent de traiter plus avant avec «DGS», tout en exigeant son remplacement rapide (car nul n'est irremplaçable, nous dit-on partout ailleurs). Mais non : personne ne moufte. Honneur ? Présomption d'innocence ? Avec cette histoire qui suinte la corruption dans ces hauts lieux où l'on décide du sort des travailleurs et des privés d'emploi, il est à parier que nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

=> DERNIÈRE MINUTE => Afin de limiter l'important discrédit jeté sur le Medef par cette affaire, «DGS» renoncerait à son mandat de négociateur en chef de l'organisation patronale et se retirerait des discussions avec les syndicats sur la réforme du marché du travail.

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Mis à jour ( Dimanche, 14 Octobre 2007 21:59 )