Borloo taxe ses pauvres pour boucler son budget

Lundi, 24 Octobre 2005 16:57
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Au moment où le ministre de la Cohésion sociale annonce pompeusement un "projet de loi portant engagement national pour le logement", ses services trouvent le moyen de récupérer sur le dos des locataires sans le sou le supplément d'allocations que l'Etat leur distribuera l'an prochain. Cette opération de vases communicants devrait même se solder par une économie de 30 millions d'euros pour Bercy...

L'entourloupe est planquée dans le projet de budget 2006, au beau milieu d'un tas de sucreries promises aux locataires. Par exemple, les allocations logement, qui sont distribuées à 6 millions de personnes, vont bénéficier d'une petite revalorisation de 40 millions. Décidément généreux, Borloo a aussi décidé d'annuler une mesure qui privait de leur dû une partie des allocataires. Cette ponction, qu'il avait lui-même mise en place en mai 2004, comme "Le Canard" l'a annoncé à l'époque, consistait à sucrer toutes les allocations inférieures à 24 euros par mois (soit 288 euros annuels). Magnanime, le ministre prévoit désormais de rétablir l'ancien seuil, fixé à 15 euros par mois. L'Etat perdra dans cette l'affaire quelque 50 millions par an.
Le total de ces cadeaux se monte à 90 millions d'euros. Mais une astuce va permettre à l'Etat de récupérer, d'un autre côté, 120 millions. Explication : une discrète ligne budgétaire indique que la plupart des bénéficiaires des allocations logement subiront un "relèvement de 3 euros de [leur] participation minimale" au règlement de leur loyer mensuel. En clair : 36 euros de plus à payer chaque année pour le loyer. La somme peut paraître anodine, d'autant que le gouvernement s'est bien gardé de fournir la moindre estimation globale. Les experts de l'Union sociale de l'habitat (qui fédère les organismes d'HLM) se sont donc chargés de faire les calculs à sa place : les 3 euros supplémentaires permettront à l'Etat de récupérer environ 120 millions d'euros par an. Encore bravo l'artiste...

Plus bateleur que jamais, Borloo vient aussi d'annoncer qu'il allait lancer un programme d'allégements fiscaux pour inciter les investisseurs privés à construire du logement social (Le Parisien, 17/10). Cette mesure est censée contrer les abus du dispositif de Robien : 1,3 milliards de réductions d'impôts accordé chaque année (mais étalé dans le temps) aux particuliers qui ont placé leur argent dans des logements loués au prix du marché.
Une fois de plus, Borloo a parlé trop vite. Son idée a déjà été mise en œuvre, voilà trois ans, sous la forme d'un "Robien social" offrant toute une palette d'avantages supplémentaires aux contribuables qui achètent des logements destinés aux faibles revenus. Mais les investisseurs n'en pincent que pour le béton de qualité et les "Robien sociaux" construits depuis deux ans ne sont pas légion. Heureusement, le flot de promesses de Borloo ne menace pas de se tarir.

Un article d'Hervé Liffran pour Le Canard Enchaîné.

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Et en prime, toujours dans le Canard :

Pauvres à la diète

Non seulement les 100.000 nouveaux logements sociaux promis chaque année par Borloo ont du mal à sortir de terre, mais les demandeurs les plus pauvres risquent de rester en rade. La proportion d'appartements qui leur sont destinés (baptisés "PLA-I" en jargon administratif, et qui sont loués 20 à 40% moins cher que les autres HLM) ne cesse de baisser. En 2003, les "PLA-I" représentaient 8,8% des 56.000 logements sociaux bâtis cette année-là. En 2005, leur pourcentage devrait tomber à 5.5% pour 90.000 constructions. "Le gouvernement freine des quatre fers la construction de ce type d'appartements", analyse un responsable du mouvement HLM, qui accuse "les préfectures de refuser systématiquement de financer ces dossiers". L'explication est à chercher du côté de Bercy : beaucoup plus subventionnés que les HLM ordinaires, ces logements pour pauvres coûtent à l'Etat 30.000 euros pièce. A vot' bon cœur !


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Mis à jour ( Lundi, 24 Octobre 2005 16:57 )