La discrimination à l'embauche est "considérable" en France et touche essentiellement "les gens d'origine maghrébine et africaine", selon Roger Fauroux qui, dans un rapport remis jeudi 8 septembre au ministre de l'Emploi Jean-Louis Borloo, exhorte l'Etat à jouer sur la pédagogie et la sanction pour y remédier.

"Les épreuves de testing, l'ampleur du chômage chez les gens issus de l'immigration à compétences égales par rapport aux Français de souche, tout ça montre que la discrimination est vraiment très généralisée", déclare Roger Fauroux dans un entretien téléphonique à l'Associated Press.
"Ça commence pour les stages", a noté l'ancien ministre. "C'est très net au niveau des établissements d'enseignement, des universités : les gens qui ont un faciès non conforme restent en rade dans leur promotion lorsqu'il s'agit d'obtenir un stage dans une entreprise".
La discrimination augmente avec le niveau de diplôme. "Sur les chantiers de travaux publics ou dans les entreprises de ramassage des ordures, vous trouvez des gens issus de l'immigration". En revanche, "les employés de guichet n'importe où, vous en avez quand même très peu qui sont des gens d'origine maghrébine ou africaine".

"Ce que nous avons constaté, c'est que les lois n'empêchent rien", a déploré Roger Fauroux. "Elles ne sont pas appliquées parce qu'il n'y a pas de sanction". "Ce qu'il faut, c'est que l'Etat d'abord sanctionne", a-t-il estimé en se félicitant de la mise en place de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Installée en juin, la HALDE est chargée, sous la présidence de l'ancien PDG de Renault Louis Schweitzer, de combattre toutes les formes de discriminations, qu'elles soient fondées sur le sexe, l'origine ethnique, la religion, les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. M. Fauroux a souhaité que l'Etat donne à la HALDE "les moyens en personnes, en finances" ainsi que son "appui moral". Il a également préconisé des campagnes d'information semblables à celles menées contre l'insécurité routière ou le tabagisme. "Une bonne publicité de la part de l'Etat, organisée, constante, faite avec le concours de gens compétents, peut obtenir des résultats".

Si le rôle de l'Etat est important, celui de la société civile l'est encore davantage. Pour Roger Fauroux, "il faut créer des bonnes pratiques, une boîte à outils dans laquelle les entreprises viendront puiser". Il avance deux méthodes pour objectiver les procédures d'embauche. Le CV anonyme, dont on a beaucoup parlé et qui consiste à masquer l'identité du candidat, "peut être utile mais ce n'est pas la potion magique. Ça marche surtout pour les grandes entreprises et c'est surtout utilisable pour les candidatures qui arrivent en ligne". Moins connue, la méthode de recrutement par simulation (MRS) a été mise au point par une direction départementale de l'ANPE en 1995 : le poste à pourvoir est analysé, des exercices sont construits pour évaluer les compétences nécessaires pour occuper cet emploi, le test est étalonné par des salariés en poste, les candidats se soumettent ensuite au test. Cette méthode de sélection, coûteuse, est utilisée pour des recrutements collectifs.

Cela ne doit pas dispenser d'une prise de conscience collective, selon Roger Fauroux. "C'est un tabou en France, cette affaire-là". "Ce qu'il faut, c'est que les gens, les employeurs et les gens généralement, se convainquent que nous avons un problème grave de discrimination, que c'est un déni de justice". En outre, "c'est un gaspillage économique considérable, absurde : il y a autant de gens astucieux et utilisables parmi les immigrés que parmi les Français de souche, c'est évident".

(Source : www.nouvelobs.com)