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Accueil Mobilisations, luttes et solidarités Le recrutement tronqué des inspecteurs du Travail

Le recrutement tronqué des inspecteurs du Travail

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Le "plan de modernisation et de développement" de l'Inspection du travail initié par Gérard Larcher prévoit de créer 700 postes d'ici 2010. Mais la moitié de ces nouveaux agents n'iront jamais en entreprise. Les explications de Bruno LABATUT-COUAIRON, inspecteur du travail et Président de la CFTC-Travail.

En ces temps de bouleversement, s'il y a bien un secteur où il y a péril en la demeure, c'est "l’effectivité du droit" selon l'expression de Gérard Larcher, ministre délégué aux Relations du Travail sous Villepin. Son plan dit de "modernisation" de l'Inspection du travail n'a jamais eu pour autre finalité que de la rendre servile en la soumettant indirectement à l'autorité des préfets par l'échelon intermédiaire des directeurs départementaux du Travail.
Dans quel but ? Tout simplement afin de permettre de faire "intercepter" ainsi les éventuelles poursuites qui pourraient être diligentées contre une entreprise en infraction avec la Loi mais qui copine avec le gouvernement, le préfet ou n'importe quel politique qui joue des coudes...

Pour lutter contre les tentatives d'influence des gouvernants sur l'Inspection du travail et pour qu'elle puisse assurer ses missions, son indépendance est protégée par une Convention internationale bien gênante : la Convention N°81 de l'Organisation internationale du Travail (OIT) qui proscrit les "influences extérieures indues", ces tentatives de détournement exposées plus haut. Ce qui s'est donc naturellement traduit par le retrait aux préfets de l'autorité sur les inspecteurs du travail, tout comme, d'ailleurs, sur les magistrats...
Bien sûr, en pratique, cela ne les empêche pas de tenter, à chaque fois qu'une entreprise intervient auprès d'eux ou de n'importe quel potentat local, de faire interrompre les poursuites diligentées par des inspecteurs via des directeurs départementaux du Travail qui, eux, sont sous la coupe directe des préfets en matière de politiques de l'emploi.

Nouvelle attaque initiée par le Ministère, puisqu'on ne peut toujours pas neutraliser directement l'Inspection du travail : le recrutement et l'affectation... Ah! certes, dans le cadre de ce plan Larcher, on recrute des contrôleurs et des inspecteurs du travail ! Mais là ou le bât blesse, c'est quand on étudie les chiffres de la réalité des affectations en sortie d'école de formation. On constate qu'environ 50% des inspecteurs nouvellement recrutés - cette année et les précédentes - n'iront jamais contrôler des entreprises ni n'en verront jamais la couleur ! Ils seront tout simplement affectés à des services administratifs, dit "des politiques de l'emploi" ou autre terme ronflant pour cacher une simple réalité : on les place enfin sous l'autorité des préfets, et ils ne mettront jamais les pieds en entreprise !!!
Titulaire de son grade, l'inspecteur du travail va tomber des nues quand il va vite se rendre compte qu'il n'est pas inspecteur du travail mais "coordinateur emploi formation" ou mieux, "chargé de mission", c'est plus people en ce moment... En fait, il va passer son temps en réunion et sera sous l'autorité directe du préfet, sans aucune prérogative de contrôle.

La réalité est là, le scandale est consommé et il s'accroît de jour en jour : la France viole allègrement la Convention N°81 de l'OIT qui prévoit dans son article 3 que l'Inspection du travail est chargée "d'assurer l'application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l'exercice de leur profession, telles que les dispositions relatives à la durée du travail, aux salaires, à la sécurité, à l'hygiène et au bien-être, à l'emploi des enfants et des adolescents". La même convention internationale prévoit dans son article 3.2 que "Si d'autres fonctions sont confiées aux inspecteurs du travail, celles-ci ne devront pas faire obstacle à l'exercice de leurs fonctions principales ni porter préjudice d'une manière quelconque à l'autorité ou à l'impartialité nécessaires aux inspecteurs dans leurs relations avec les employeurs et les travailleurs". Il est donc possible de confier d'autres tâches aux inspecteurs, mais leurs tâches primordiales sont affectées au contrôle des entreprises.

Voilà comment la France, qui a inspiré la Convention internationale N°81 sur l'Inspection du travail, est en train de l'enterrer habilement !

Le nouveau gouvernement a, dit-on, l'intention de "supprimer les doublons" dans les administrations. Pourquoi alors, dans un ministère qui abrite une Inspection du travail qui n'a que 1.300 agents de contrôle pour 18 millions de salariés, continue-t-on d'affecter des inspecteurs à des postes de "chargé de mission territoriale" ou de "coordinateur emploi formation", naturellement occupés par des agents contractuels ou par le corps des attachés à l'emploi et à la formation professionnelle ? Parce que le Ministère compte ainsi neutraliser définitivement ce corps d'empêcheurs de tourner en rond dont il se méfie depuis sa création.

Par la suppression progressive des compétences des inspecteurs du travail, les gouvernements ont réussi à remettre en cause tout le système de Droit du travail français. En effet, n'y a-t-il pas de meilleur moyen de n'avoir aucune crainte à ne pas appliquer le Droit du travail que de faire disparaître le corps chargé d'en contrôler l'effectivité ?

Nous avons affaire à des mesures pernicieuses, malignes parce qu'indirectes qui, depuis une dizaine d'années, sapent en profondeur notre système de protection du salarié qui était l'un des plus complets d'Europe. Sur tous les sujets déjà, on a grignoté les compétences des inspecteurs du travail en leur retirant dans certains départements la compétence du travail dissimulé en scindant les prérogatives entre plusieurs personnes (car diviser, c'est régner). Aujourd'hui on est plus franc, plus direct : OUI on recrute des inspecteurs, mais ils n'inspectent plus rien du tout !

La CFTC-Travail entend saisir le Bureau international du travail (BIT) de ce véritable scandale. Où s'arrêtera t-on ? Il y aurait moins d'hypocrisie pour le gouvernement à attaquer de front le Droit du travail et à reconnaître qu'il veut dissoudre carrément son corps d'inspecteurs. Dans ce qui devient une lutte pour la survie d'un système d'inspection à la française, les quelques 1.300 agents de ce corps ne pourraient rien faire seuls, sauf saisir les instances internationales. Ils ont donc besoin des salariés eux-mêmes, des confédérations syndicales et des confédérations européennes.

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Mis à jour ( Mercredi, 25 Janvier 2012 18:07 )  

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