Ariège : un collectif de RSAstes interpelle le président du Conseil général

Lundi, 17 Décembre 2012 13:30
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Le CAFCA (Collectif d'autodéfense face au contrôle de l'administration) dénonce les «tribunaux d’exception» qui évincent arbitrairement du RSA des centaines de personnes dans ce département «socialiste».

Ces «tribunaux d’exception» sont les commissions paritaires chargées d'étudier la réalité des démarches de retour à l'emploi des bénéficiaires. Se déroulant à Saint-Girons, à Foix ou à Pamiers sous protection policière avec filtrage à l'entrée des locaux, elles obéissent aux instructions du Président du Conseil général de l'Ariège, le «socialiste» Augustin Bonrepaux qui, pour des raisons budgétaires, a ouvertement projeté la radiation de 452 allocataires du RSA en 2012 sur les 6.083 que compte le département. 

Ainsi, M. Bonrepaux compte-t-il imiter le président UMP du Conseil général des Alpes-Maritimes, M. Eric Ciotti, véritable chasseur de pauvres qui a fait suspendre les droits ou radier du RSA plus de 2.000 allocataires en 2011.

Ainsi, M. Bonrepaux ignore-t-il qu'en France, chaque année, quelque 5,3 milliards d'euros de RSA sont économisés grâce au non-recours des ayants-droits, culpabilisés par le discours ambiant sur l'«assistanat» — tenu à droite mais aussi au PS — qui ne vise qu'à les dissuader. Sans oublier la maxime des «droits et devoirs» chère aux sarkozystes avérés ou supposés malgré un contexte flagrant de non-emploi.

Contre le populisme à la sauce PS

En Ariège, de courageux chômeurs, travailleurs pauvres et allocataires du RSA ont fondé le CAFCA (Collectif d'autodéfense face au contrôle de l'administration) afin de dénoncer et agir contre l'acharnement de l'administration — CG, CAF, Pôle Emploi… — sur les plus pauvres. Ils enjoignent toutes les personnes qui se sentent concernées à rejoindre leur mouvement.

Régulièrement, ils manifestent et tentent de perturber la tenue des commissions de solidarité territoriale (CST) où des allocataires du RSA, accusés de manquement à leur «contrat d'insertion», doivent se rendrent seuls pour se justifier face à une demi-douzaines de bureaucrates aux ordres, exigeant tout bonnement l'application du «droit à l’accompagnement».

Jeudi 13 décembre, une quinzaine de membres du collectif ont perturbé la réunion publique du Président de l'Assemblée départementale, interpellant vertement Augustin Bonrepaux. Sous les huées, M. Bonrepaux a rappelé la position des conseillers généraux ariégeois pour lesquels le RSA «ne peut être considéré comme une allocation mais comme un revenu qui donne des droits mais confère aussi des devoirs». Voici la lettre que le CAFCA a adressé le soir-même au Président du Conseil général de l'Ariège :


Monsieur le Président,

Les actions du collectif CAFCA (Collectif d’autodéfense face au contrôle de l’administration) consistent à dénoncer l’acharnement de l’administration sur les pauvres, notamment les discrètes mais régulières suspensions/radiations du RSA.

Deux fois par mois, dans des locaux du Conseil général, de nombreux allocataires du RSA sont convoqués devant un tribunal pour chômeurs pudiquement nommé «Commission de solidarité territoriale» (CST). En perturbant la tenue de quelques CST ces derniers mois, nous avons rendu visible le véritable objet de ces commissions : sortir les RSAstes du dispositif, c’est à dire suspendre leurs allocations. C’est pour cette raison que, depuis, les CST se tiennent sous protection policière avec filtrage à l’entrée des locaux.

C’est avec surprise que nous avons lu dans la presse la réponse que vous avez faite à ces modestes occupations : loin de nous démentir et de jouer hypocritement le rôle d’élu de gauche outragé, dont vous êtes pourtant coutumier, vous avez martialement proclamé devant un parterre de journalistes que oui, nom de nom, il faut radier, et il va falloir radier toujours davantage.

Il est bien fini le temps où vous vilipendiez le libéralisme de la droite au pouvoir. Vous avez au contraire annoncé que vous prévoyiez 452 radiations d’ici la fin de l’année 2012. Vos objectifs chiffrés discréditent totalement votre engagement à faire du «cas par cas» ; sans doute vous rendez-vous compte à présent du peu de tenue de vos propos, mais enfin, la boulette est faite.

La violence de vos propos a estomaqué plus d’un lecteur de La Gazette Ariégeoise dans la semaine du 21 septembre. Embrassant le populisme le plus vulgaire, vous affirmez sans honte qu’on ne compterait plus parmi les allocataires «les gens de mauvaise foi», «les tricheurs», ceux «qui se moquent de vous avec des projets ubuesques», et ceux même «qui n’y ont pas droit». Octroyer 400 euros par mois à cette engeance ferait gaspiller de l’argent au contribuable, etc. Bref, on connaît la chanson : vous avez simplement déversé les quelques poncifs culpabilisants qui font office de discours aux élus de toutes tendances.

Vous dites que vous devez répondre des choix budgétaires du département devant vos «administrés». Voilà qui a de quoi surprendre. Jusqu’ici les «administrés» n’ont jamais eu leur mot à dire sur le bon usage des deniers publics. Qui a souvenir d’avoir un jour souhaité construire un énième rond-point ou payer si cher la calamiteuse gestion de l’eau ? Alors, pourquoi cette fois faire comme si vous les preniez en compte, ces «administrés» ? La réponse est évidente : vous avez besoin qu’ils vous élisent, encore et encore, pour conserver votre statut social et votre pouvoir. Un pouvoir immense, si l’on considère que vous avez quasiment droit de vie et de mort sur un allocataire que vous jugez «fainéant». Mais un pouvoir minuscule en fait, quand on sait les limites qui vous sont imparties par le contexte de la crise économique.

Comme à l’accoutumée, le budget concerne le petit peuple pour les «efforts» à faire, jamais pour les dépenses. Les industries ont toutes été délocalisées dans des pays où le coût du travail est encore moins cher. Et ce n’est pas la mascarade du Parc naturel régional qui risque de redynamiser l’économie de notre département sinistré. L’Ariègeland dont vous rêvez n’offre pas d’emplois durables : à peine permet-il à quelques chômeurs de se changer magiquement en auto-entrepreneurs qui continuent de vivre en dessous du seuil de pauvreté dix mois par an ; de transformer les paysans en paysagistes ; les petits producteurs en marchands de Noël ; les commerçants de proximité en animateurs de ce grand parc à thème ; les villages en carte postale pour touristes.

D’autant plus qu’avec les 26 heures de travail hebdomadaires que vous aimeriez rendre obligatoires pour les fainéants qui vivent grassement du RSA, vous risquez de supprimer le peu de travail salarié disponible. À ceux qui se demanderaient encore «pourquoi il y a tant de RSAstes en Ariège», nous préférons rappeler en lieu et place de vos boniments, M. Bonsommeil, quelques évidences économiques :

• Comme il n’y pas de travail ailleurs non plus et sous la pression des loyers exorbitants, de plus en plus de pauvres partent vers les campagnes en espérant y survivre plus dignement.

• Tous les pauvres, qu’ils travaillent ou non, le savent : on ne vit pas décemment avec 400 euros par mois. Mais l’obole a beau être dérisoire, il nous faut encore la mériter dans le cadre du dit «contrat d’insertion». Un «contrat» léonin, puisque les deux parties ne sont en rien égales et que nous sommes contraints de le signer. Un contrat de dupes, surtout : en l’absence d’emploi, nous voilà contraint d’en simuler la recherche, de jouer la comédie de «l’employabilité». Nous devons laisser l’État inspecter les moindres recoins de notre vie privée (le contrat peut nous enjoindre à arrêter de boire, trouver un logement, un véhicule, travailler pour des miettes dans une entreprise d’insertion, maigrir, grossir…), «concevoir des projets» qui rentrent dans des cases bien définies, puis suivre notre dossier, le compléter, le corriger. En un mot, nous travestir en bureaucrates de nos propres vies en attendant une prochaine convocation.

• Le stock incompressible d’inemployables dont nous faisons partie nous pose bien plus problème en terme de survie qu’il n’en pose au fonctionnement du marché du travail. En effet, sans chômeurs, comment pourrait-on exercer une pression raisonnable sur les salaires et faire travailler tout le monde au plus bas coût possible ? De peur de se retrouver au chômage, les salariés acceptent des travaux pénibles, un temps de travail variable et incertain pour des salaires de plus en plus maigres. Les chômeurs qui doivent arracher à Pôle Emploi leurs indemnités — pour lesquelles ils ont pourtant cotisé jusque-là — redoutent quant à eux une radiation arbitraire qui les rendrait «RSAstes». Ces catégories — travailleur, chômeur, RSAste — n’en sont pas vraiment puisque chacun ou presque passe régulièrement de l’une à l’autre. Néanmoins, elles ont ceci de commode qu’elles nous rappellent qu’on peut toujours tomber plus bas et qu’on est pas si mal à sa place, aussi précaire soit-elle. Aussi en faites-vous un usage immodéré, M. Bontrépas, en opposant constamment les bons travailleurs aux mauvais chômeurs dans vos discours démagogiques.

• Il est particulièrement désagréable de se voir taxer de parasites quand, malgré soi, on rend si bien service à l’économie. Car personne n’est sans savoir que le maigre pécule des allocataires du RSA se consume intégralement en logement, alimentation et tabac et retourne donc presque immédiatement dans les caisses de l’État — sous forme de TVA (la principale recette du budget de l’État) —, des propriétaires et des commerçants.

Nous avons décidé de vous répondre, M. Bonnenuit, car nous refusons d’être une fois de plus culpabilisés et utilisés comme une force de travail à bon marché. Nous préférons tenter de nous organiser collectivement pour que l’emprise de cette administration au service d’une économie en restructuration nous soit moins insupportable.

En se moquant de l’attention que vous voudrez bien porter à l’expression de notre colère, nous vous prions de croire, M. Somnifère, à l’expression de notre profond mépris de classe. Chacun son tour.

Des membres du collectif CAFCA
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La lutte continue...



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