«NOUS ALLONS DROIT VERS LA DICTATURE DOUCE»

Lundi, 15 Mai 2006 12:10
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Le premier tour de la bataille des élections présidentielles semble, pour les médias (et uniquement pour eux), déjà joué. La plupart parie sur un duel Royal/Sarkozy, alors que ni l’une ni l’autre ne sont officiellement déclarés. La plupart pariait aussi sur une large victoire du OUI au référendum de 2005 et on connaît le résultat. Il nous revient de déjouer les pronostics et la vaste campagne de CONFISCATION du débat démocratique qui a déjà commencé. Si nous ne réagissons pas, nous allons tout droit vers ce qu’Arnaud Montebourg appelle la «DICTATURE DOUCE».

Une fois de plus nous sommes ici contraints de rappeler que Nicolas Sarkozy, «l’homme de la rupture» avec un système qu’il sert pourtant depuis des décennies, est en fait «l’homme de la défaite». Il serait même plus juste d’écrire : «l’homme des défaites» tant son parcours en est jalonné, ce que les médias traditionnels, dans leur «grand souci d’objectivité», se gardent bien d'évoquer.
C’est en effet, un dénommé Nicolas Sarkozy qui soutint, en 1995, la candidature d’Édouard Balladur avec le succès que l’on connaît. En 1999, c’est le même qui présidait aux destinées du RPR (par intérim, après le retrait de Philippe Seguin) quand ce parti fit un piteux 12% aux élections européennes (contre 13% pour la liste des souverainistes Pasqua et de Villiers). Au Budget, puis à l’Économie (par alternance), le bilan du ministre Sarkozy est tout aussi insignifiant. Il n’a ni réussi à désendetter la France ni réussi à faire baisser les prix à la consommation de façon significative, un engagement qu’il avait solennellement pris à grand renfort de déclarations tonitruantes et de shows politico médiatiques réunissant les patrons de la grande distribution.

«L’homme de la rupture» est en fait «l’homme de la défaite» !

Et puis, plus récemment, ne l’oublions pas, Nicolas Sarkozy a été l’un des grands perdants du Référendum du 29 mai 2005 (rôle de super loser qu’il a partagé avec François Hollande et Jacques Chirac). Et que dire de la calamiteuse fin d’année 2005 qui a vu les banlieues s’embraser et a pulvérisé tous les records en matière de destructions de biens (40.000 véhicules incendiés sur l’ensemble de l’année, dont près de 10.000 pour le seul mois de novembre. Des dizaines d’équipements collectifs et industriels détruits par les flammes : crèches, écoles, dépôts de bus, entrepôts, ateliers…). Enfin, pour finir sur un événement encore plus contemporain, rappelons qu’en pleine mobilisation contre le CPE, Nicolas Sarkozy lançait sur Internet une pétition de soutien à ce Contrat de première «embûche» défendu par le Premier ministre. Quel grand visionnaire que cet homme-là !

Ségolène est-elle une rénovatrice ? Rien n’est moins sûr !

Pour Ségolène Royal, l’analyse de son bilan est beaucoup moins évidente à faire. En fait, elle est quasiment inconnue de la très grande majorité des Français (comme de nous-mêmes, reconnaissons-le). Pour autant, nous ne sommes pas persuadés que la candidate supposée du Parti Socialiste à l’élection présidentielle de 2007 est une rénovatrice (au sens où nous le souhaiterions).
Au dernier congrès du PS, en novembre 2005, son mari (Premier secrétaire du parti) a minimisé les dégâts (et les débats) qu’avaient engendré au sein de son parti le Référendum 2005. Dans une «synthèse» consensuelle, François Hollande a mis tout le monde plus ou moins d’accord : les éléphants (comme Strauss-Kahn et Lang partisans du OUI), les fabusiens (partisans du NON) et les animateurs du courant NPS (Nouveau Parti Socialiste), Vincent Peillon et Henri Emmanuelli (également favorables au NON). Hollande a mis tout le monde d’accord, sauf un irréductible empêcheur de tourner en rond, le représentant de l’aile véritablement réformiste du PS : Arnaud Montebourg, co-fondateur du NPS, aujourd’hui en dissidence de ce courant, et initiateur de «Rénover Maintenant».

La VIe République, c’est l’affaire de Montebourg… et de l’UDF ?

Est-il utile de rappeler que le député Montebourg (dont l’interview est consultable sur le site) place au cœur de son engagement politique l’instauration d’une VIe République ? Paradoxalement, il semble plus suivi sur ce thème par Hervé Morin et François Bayrou de l’UDF que par les cadres dirigeants de son propre parti, et sans doute par Ségolène Royal elle-même. Selon Arnaud Montebourg, l’éventuelle candidate du PS «estime qu’en changeant les hommes à la tête de l’État (grâce à l’alternance), on changera les pratiques. Il n’est donc pas nécessaire de rénover nos institutions (1)
Lui est évidemment convaincu du contraire et rappelle à ses partisans les dérives (et autres affaires) qui ont jalonné les quatorze années de la présidence de François Mitterrand. Sur ce sujet, il renvoie dos-à-dos PS et UMP.

Le PS favorable à la «révolution du statu quo»

Et en effet, il est à craindre que si un candidat socialiste est élu à la tête de l’État en 2007, rien ne change sur le fond. Alors, Arnaud Montebourg met en garde le PS contre ce qu’il appelle la «révolution du statu quo» (1), c’est-à-dire l’absence de vraies réformes concernant des aspects essentiels de la vie démocratique, à savoir : la représentativité équitable des Français à l’Assemblée nationale et au Sénat, l’indépendance de la justice, le contrôle de l’exécutif par les élus du peuple, le non cumul des mandats…

Mais voilà, le Parti Socialiste est-il prêt à accepter ces réformes, notamment celle visant une meilleure représentativité des Français à l’Assemblée nationale et au Sénat ? Rien n’est moins sûr, pour la bonne et simple raison qu’il y laisserait des plumes (entendez par-là qu’il y perdrait certainement des sièges). De même, les élus socialistes sont-ils prêts à accepter l’interdiction du cumul des mandats, eux qui en sont tout aussi friands que leurs collègues de droite ? Pas certain.

Pour 76% des Français, l’Assemblée nationale ne les présente pas

Pourtant, Arnaud Montebourg touche ici le cœur du sujet qui nous mobilise. La France est malade d’un système qui exclut un nombre croissant de Français. Et, cette exclusion – ce déni de démocratie avéré – se traduit en premier lieu sur le terrain de la représentativité politique, à l’Assemblée et au Sénat (les derniers sondages publiés dans Le Figaro et Le Parisien attestent en effet que 76% de nos concitoyens estiment que l’Assemblée nationale ne les représente pas).
Si, en mai 2005, Jacques Chirac n’avait pas soumis le projet de Constitution européenne au suffrage universel, en se contentant de le faire adopter par le seul Parlement, il aurait été entériné par 92% des députés, alors que 55% des Français l’ont rejeté.
Et ce déni de représentativité trouve son prolongement dans l’exclusion économique et sociale, car l’establishment politique de droite et de gauche a depuis des décennies tissé à son profit des réseaux de soutiens financiers, industriels et médiatiques. Tout est donc réuni pour que ceux qui sont en bas, dans «les sous-sols de la République» (2), y restent encore longtemps, quand ceux d’en haut conserveront leurs acquis et leurs privilèges. Et cette perspective ne peut que radicaliser des millions de Français comme nous avons pu l’observer ces derniers mois avec la crise des banlieues et la mobilisation anti-CPE.

Pour ou contre le statu quo ? C’est la question de 2007 !

En avril 2007, nous ne voterons pas pour ou contre une candidate ou un candidat, mais pour ou contre le statu quo qui, aujourd’hui, sert les intérêts d’un establishment de droite et de gauche, et relègue la majorité des Français dans une minorité sans porte-parole, sans élus et donc sans pouvoir. C’est inacceptable !
Il n’est pas acceptable de revivre des situations comparables à celles que nous connaissons depuis plus de 10 ans et qui se traduisent par : une augmentation constante de l’abstention, une montée en puissance des populismes et des communautarismes, une confiscation du débat politique, et pour finir, une élection «plébiscitaire» comme nous en avons connue au second tour des présidentielles de 2002.

Malheureusement, c’est exactement ce à quoi on nous prépare : un duel qui se résume à un affrontement entre une femme (dont la candidature inédite pour un grand parti justifierait à elle seule sa présence au second tour) et un candidat, Sarkozy, qui veut concentrer plus encore les pouvoirs entre les mains d’un seul homme. Car, si Nicolas Sarkozy envisage bien lui aussi une réforme des institutions, c’est dans le seul but de renforcer le régime présidentiel et de réduire à peau de chagrin les prérogatives du Parlement.

Un objectif : Soumettre tous les contrepouvoirs !

Comme l’affirme Arnaud Montebourg : «Avec Sarkozy, on s’oriente vers une dictature douce» (1), une dictature qui n’a qu’un objectif : conforter la puissance de ceux qui ont déjà tous les pouvoirs financiers, économiques, médiatiques et politiques entre les mains, et soumettre au silence tous les contrepouvoirs militants, syndicaux et associatifs.
Et quand on analyse les grandes évolutions de la société française depuis 1995, on constate que l’instauration de cette «dictature» est en bonne voie :

• Une minorité impose ses choix à une majorité (même si cette dernière réussit à les contrecarrer parfois, à l’occasion du Référendum et de la mobilisation anti-CPE).

• L’indépendance de la justice est gravement menacée (tout comme le droit de la défense).

• Le pouvoir de la police est considérablement renforcé et le fichage génétique et biométrique de la population va être généralisé (comme le dénonce la Ligue des Droits de l’Homme).

• Le pluralisme de l’information, donc des opinions, se réduit à mesure que les médias se concentrent entre quelques mains «amies».

• Le nombre des affaires de corruption, de malversations et de mensonges d’État liés à des intérêts partisans ne fait qu’augmenter. Comme les faits délictueux perpétrés par des lobbies et complexes militaro-industriels et financiers (dans l’affaire des frégates vendues à Taïwan, on évoque 900 millions d’euros de commissions occultes !).

Les réseaux dissidents doivent se mobiliser avant qu’il ne soit trop tard

Nous appelons donc nos lectrices et lecteurs à la plus grande vigilance pour les mois à venir qui seront décisifs pour la France. Ne nous laissons surtout pas abuser par les discours dominants qui ne manqueront pas de bénéficier de toute la force de frappe médiatique. Comme en février, mars et avril 2005, les réseaux dissidents doivent se mobiliser pour aborder en ordre de bataille la campagne des élections présidentielles de 2007. Car, ne nous y trompons pas, celles et ceux qui veulent que rien ne change sur le fond feront tout pour détourner les débats de leurs objectifs prioritaires. Ils se focaliseront (c’est déjà le cas) sur les thèmes de l’insécurité et de l’immigration qu’ils agitent comme une muleta devant un taureau. Et nous savons comment se terminent toutes les corridas… par la mise à mort de l’animal.

Il est grand temps de nous mobiliser pour déjouer leurs plans !

Yves Barraud – APNÉE/Actuchomage

PS : Il est toujours temps de signer notre Appel pour une RÉNOVATION DÉMOCRATIQUE (lire l’édito de la page d’accueil du site).

(1) Mots et phrases extraits du discours d’Arnaud Montebourg prononcé lors de la réunion nationale de «Rénover Maintenant» le 13 mai à Paris, sur le thème «Menaces sur les libertés publiques : Le danger Sarkozy».
(2) «Les sous-sols de la République», comme les qualifiait fort justement François Desanti, porte-parole de la CGT-Chômeurs.

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Mis à jour ( Lundi, 15 Mai 2006 12:10 )