Des apprentis n'imaginent pas commencer à 14 ans

Mercredi, 30 Novembre 2005 16:27
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"Moi, à 24 ans, je connais à peine mes droits, alors envoyer un jeune de 14 ans en apprentissage, c'est pas la peine !" : comme la totalité de ses camarades de BTS en alternance au lycée technologique Dorian à Paris, Mamadou Konaté n'aurait jamais imaginé "commencer" à 14 ans.

Adossé à une curieuse machine "conditionneuse de comprimés" dans une salle d'exercice de son lycée, Mamadou, des lunettes fines sur le nez, prend la question très au sérieux. L'apprentissage et les stages, il connaît. "J'ai suivi un cursus général au collège, ensuite un bac professionnel, j'en ai eu marre. Après j'ai entamé un cursus en alternance en Mécanique et Automatismes Industriels (M.A.I.), la formation me convenait car il fallait aussi que je gagne de l'argent", raconte le jeune homme. Il a entrepris ses études en alternance il y a deux ans, au centre de formation des apprentis (CFA) public du lycée Dorian. Il ne conçoit "pas du tout" qu'un jeune de 14 ans intègre une entreprise dans le cadre de l'apprentissage : "Si cela m'était arrivé à 14 ans, je me serais dit que l'on m'a jeté, mis à la porte", dit-il. "A 14 ans, on n'est pas assez mature pour aller en entreprise, pour utiliser des machines et des outils. A cet âge là, on est tumultueux, on prend des risques, il faut toujours quelqu'un derrière" relève Mamadou. Il pense que l'employeur "peut en profiter aussi".

Il n'est pas le seul, dans sa classe de BTS "M.A.I", à le penser. Jérôme, Yoann, Loris, Fabrice et les autres, tous se disent sceptiques.
"A 14 ans, il faut pouvoir gérer l'alternance entreprises-études, se rendre compte que l'on n'a que cinq semaines de vacances par an (contre 16 semaines dans la scolarité générale, ndlr)", estime Yoann Aubery, 23 ans. Il a été lui aussi embauché, à raison de deux semaines en entreprise et deux en formation BTS, dans une société de fabrication d'armoires électriques. A son âge, selon les tarifs officiels, un jeune gagne 61% du Smic. "A 16 ans, un apprenti de première année gagne mensuellement 25% du Smic. Qu'est-ce que ce sera à 14 ans ?", ironise-t-il.

Sans compter le véritable parcours du combattant pour dénicher une "boîte" qui embauche. Yoann avoue qu'il a "lutté pendant huit mois pour trouver un employeur". Mêmes difficultés pour Hatem Jenni, un autre apprenti de 20 ans, en BTS Informatique, "j'ai envoyé 150 CV et autant de lettres de candidatures avant de trouver".

Selon un de ses professeurs, Dominique Bouré, "aujourd'hui, un jeune de 14 ans n'aurait pas la maturité" pour partir en apprentissage. Ses élèves d'une vingtaine d'années réussissent "justement parce qu'ils ont connu l'échec plus jeune dans leur scolarité et qu'ils l'ont intégré. A 14 ans, on ne se rend pas compte de ce que l'on rate", analyse M. Bouré. Le coordonnateur pédagogique du lycée, Lucien Valls, a lui aussi "du mal à imaginer l'apprentissage à 14 ans, ou alors il faudrait réinventer ce système avec un nouveau mode d'application".
La proviseure, Christine Le Guern, qui gère dans ce CFA la scolarité de 270 apprentis, part du principe que "l'apprentissage a sauvé des élèves en déshérence. L'avancer à 14 ans peut être une solution, à condition de s'assurer des passerelles de retour vers l'enseignement général". Mais elle reconnaît : "Si vous partez en BEP à 16 ans, vous pouvez aller jusqu'à un baccalauréat technique, mais il ne sera pas possible de reprendre un bac général".

(Source : Voila.fr)

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Mis à jour ( Mercredi, 30 Novembre 2005 16:27 )