Le pouvoir d’achat en berne

Jeudi, 12 Avril 2012 14:31
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Les prix à la consommation ont augmenté de 0,8% en mars (+2,3% sur un an), annonce l’Insee. Or quand les prix augmentent plus vite que les salaires, c'est la récession assurée.

Depuis de nombreux mois, les prix augmentent plus vite que les salaires en France. Deux causes principales : la contraction de l'activité due à la crise et aux plans de rigueur, et notre dépendance au pétrole dont les prix battent des records.

Quand on observe les courbes des salaires et des prix, on note que, depuis la fin de l’année dernière, la courbe des prix est passée au-dessus de celle des salaires. Autrement dit : les prix augmentent désormais plus vite que les salaires et les Français perdent du pouvoir d’achat, ce qui alimente le ralentissement de l’économie et la montée du chômage.

Est-ce exceptionnel ? Absolument. En temps ordinaire, la hausse des salaires est presque toujours – légèrement – plus importante que celle des prix, permettant des gains de pouvoir d’achat pour ceux qui ont un emploi. Et, contrairement à ce qu’on pense souvent, ce n’est pas non plus un problème pour les entreprises, car ces gains de pouvoir d’achat sont la contrepartie des gains de productivité réalisés par les salariés : chaque année, ils produisent en effet plus de richesses que l’année précédente grâce à leur expérience, à de nouvelles machines ou encore à une organisation plus efficace… Ce qui permet que les salaires augmentent plus vite que les prix, sans pour autant que les profits des entreprises diminuent puisqu’elles peuvent vendre – grâce à ces gains de productivité – plus de biens et de services. Cet enchaînement entre gains de productivité et gains de pouvoir d’achat est même au cœur de la mécanique de la croissance économique : sans gains de pouvoir d’achat pour les salariés, il n’y a plus assez d’acheteurs pour les biens supplémentaires qu’on peut produire grâce aux gains de productivité, et c’est la crise…

A quoi est due l’inversion qu’on constate aujourd’hui ? A un double mouvement. Avec la crise et la montée du chômage qui se poursuit, la pression sur les salaires se renforce et les hausses ont eu tendance à se réduire : avant la crise, elles tournaient autour de 3% par an; aujourd’hui, c’est plutôt 2%. Ce recul de l’activité et cette montée du chômage sont dus pour une bonne part aux erreurs de politiques économiques dans la gestion de la crise en Europe : les restrictions budgétaires excessives et généralisées prônées notamment par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel bloquent la reprise.

Mais pendant ce temps, les prix, eux, se sont remis à augmenter plus rapidement, tirés en particulier par ceux du pétrole. Cela avait déjà été le cas début 2008 : la croissance des pays émergents avait accru la pression sur les prix du pétrole mais aussi des produits agricoles, du fait notamment du développement des agrocarburants. Et du coup, au printemps 2008, les Français avaient déjà perdu du pouvoir d’achat. Ce qui avait entraîné un recul de l’activité avant même la chute de Lehman Brothers. Par la suite, les prix avaient au contraire reculé. Au point que, pour ceux qui ont gardé leur emploi, la phase la plus aiguë de la crise a été une période de gain de pouvoir d’achat. Mais depuis 2010, avec le redémarrage de l’économie mondiale, cet intermède est terminé. Et avec les tensions avec l’Iran, les prix du pétrole s’envolent, d’où de nouveau des pertes de pouvoir d’achat.

Quelles conclusions en tirer ? D’abord que Nicolas Sarkozy n’a pas été le «Président du pouvoir d’achat» qu’il se vantait d’être il y a cinq ans : au contraire, le pouvoir d’achat de chaque Français a légèrement reculé depuis 2007, un phénomène sans guère de précédent. C’est bien sûr un effet de la crise qui a frappé le monde. Mais c’est aussi le résultat de la très mauvaise gestion de cette crise en Europe par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy qui a prolongé le ralentissement de l’économie.

Cette perte de pouvoir d’achat confirme également l’urgence d’accélérer la transition énergétique et la conversion écologique de nos économies malgré toutes les difficultés budgétaires. Sinon, à chaque redémarrage de l’économie mondiale, nous serons condamnés à voir notre niveau de vie se dégrader du fait de la hausse des prix des matières premières que nous devons importer.

(Source : Alternatives Economiques)

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Mis à jour ( Jeudi, 19 Avril 2012 13:21 )