Le combat de Lydie, figure emblématique de la précarité à Pôle Emploi

Lundi, 06 Septembre 2010 12:50
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Aujourd'hui, à la joie de Mme Parisot qui prône les bienfaits de la précarité, 90% des recrutements sont des CDD ou des missions d'intérim. Avec ses CDD à répétition, Pôle Emploi n'échappe pas à cette loi...

Pôle Emploi est censé assurer un avenir professionnel aux chômeurs. Et à ses propres salariés ?

Lydie Breuilly, 56 ans, a décidé d’engager un bras de fer avec son ex-employeur, qui vient de la remercier après 18 contrats précaires. «Quand je venais pointer au chômage, c’était l’occasion de revoir mes collègues. Pendant des années, je me suis retrouvée à tour de rôle devant et derrière le guichet.» Lydie Breuilly pourrait presque rire de sa situation tellement elle confine à l’absurde. […] La signature de son premier contrat à durée déterminée au Pôle Emploi de Concarneau (Finistère) remonte à 1998. Douze ans et dix-huit CDD plus tard, la plaisanterie a fini de l’amuser. […]

J’étais corvéable à merci

A son arrivée à Concarneau, cette non diplômée «autodidacte» aperçoit le bout du tunnel lorsqu’on lui propose un poste à l’Agence nationale pour l’emploi. «Je m’occupais du placement des jeunes saisonniers, ça me plaisait beaucoup.» Elle déchante très vite. «Après un premier CDD de trois mois, j’ai enchaîné des contrats de 2, 4, 5 ou 6 mois en fonction des besoins. J’étais corvéable à merci en étant rémunérée au SMIC.»

A chaque fois, l’employeur de Lydie prent soin de laisser un délai de carence de plusieurs mois entre deux contrats. Il est bien placé pour savoir que la loi l’y oblige. Au fil des ans et après avoir occupé une multitude de postes, la quinquagénaire se rend indispensable. «J’ai connu quatre directeurs et j’ai fait tous les services de l’agence ! Tout le monde a toujours été satisfait de mon travail.» […]

Malgré ses efforts, ses demandes pour être titularisée obtiennent toujours la même réponse : elle n’a pas fait les études qui lui permettent de devenir conseillère... Docile, elle n’insiste pas. «Je me suis comportée comme un petit mouton attendant le contrat suivant», regrette-t-elle. Jusqu’au jour où le sentiment d’injustice l’emporte. «J’en ai eu ras le bol qu’on me traite comme un Kleenex jeté après usage alors que je faisais le travail d’une Bac+2.»

J’irai jusqu’au bout

A la stupéfaction générale, Lydie refuse de signer le 18e CDD (un CUI, ou contrat unique d'insertion de 27h30 par semaine) qui lui est proposé le 3 mars, soit deux jours après la date de début d'activité mentionnée sur le document. Par la suite, Pôle Emploi lui a adressé un deuxième exemplaire auquel elle a opposé un second refus, «un paragraphe ayant été modifié dans l'intervalle» justifie-t-elle. Lydie Breuilly travaillait donc depuis six mois sans jamais avoir signé de contrat, et c'est sur ce point que la salariée et les syndicats basent leur défense pour réclamer une titularisation. Ils partent du principe qu'on ne peut rompre un contrat non signé et renvoient à la législation du travail selon laquelle tout CDD doit impérativement être signé dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche, faute de quoi, il se transforme en contrat à durée indéterminée.

Sa rébellion va lui coûter très cher : lorsque son contrat s’achève, le 31 août, on lui indique que ce sera le dernier. Elle tombe de haut. «On m’a dit que je n’avais plus de bureau et on m’a demandé de quitter les lieux. Je ne m’attendais pas du tout à ça. Le choc a été brutal.»

Déterminée, l’ex-salariée occupe la cafétéria du Pôle Emploi de Concarneau depuis le 1er septembre. «Je suis en CDI», a-t-elle déclaré à son directeur qui n’a pas hésité à faire venir un huissier pour constater cette «occupation illégale». «C’est dur de ne pas craquer, mais j’irai jusqu’au bout. Je vais avoir 57 ans, j’ai besoin de payer les études de mes enfants et je ne sais pas si un employeur acceptera de m’embaucher vu mon âge. J’estime qu’au bout de 18 contrats, j’ai le droit d’être titularisée.»

Les représentants du personnel ont rencontré la direction régionale de Pôle Emploi pour tenter de trouver un accord : celle-ci est demeurée inflexible. En attendant, Lydie poursuit son bras de fer et restera vissée à sa chaise.

«On veut virer les précaires alors qu'on croule sous les tâches», dénoncent les délégués cégétistes qui la soutiennent et ont déposé un préavis de grève reconductible. «Il est temps que Pôle emploi s'impose les règles qu'il fixe aux autres employeurs» (notamment, embaucher des «seniors» et des travailleurs handicapés), jugent-ils.

(Source : France Soir)


Bonnet d'âne pour le service public

On les croit ultra-protégés. On les prend pour des privilégiés qui ne sont pas concernés par les lois impitoyables du marché du travail. Pourtant, les salariés du public n’ont rien à envier à ceux du privé en matière de précarité. Les «non-titulaires» ont augmenté de 32% depuis dix ans dans la fonction publique. Elle compte aujourd’hui environ 840.000 employés en contrat à durée déterminée, soit 16% des effectifs.

Quelle que soit la nature de l’entreprise, la règle en matière de CDD est la même : il doit répondre à l’exécution d’une tâche précise et temporaire. Mais les abus sont légion. «Il faut distinguer le CDD de droit commun, que l’on peut renouveler une fois, et le CDD d’usage, réservé à quelques secteurs d’activité comme la restauration ou le spectacle, explique Frédéric Chhum, avocat spécialisé dans la défense des salariés. La plupart du temps, les dérives concernent cette dernière catégorie : certains employés sont maintenus en poste pendant des années avec un CDD. Pour le droit commun, les problèmes sont moins fréquents car les services des ressources humaines connaissent les règles, mais il arrive encore que certains abusent des contrats précaires».

=> Lire la suite de l'article de France Soir


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